DANS LA BRUME : DU POST-APO MADE IN FRANCE

Article réécrit le 14 janvier 2021.

L’histoire : Le jour où une étrange brume mortelle submerge Paris, des survivants trouvent refuge dans les derniers étages des immeubles et sur les toits de la capitale. Sans informations, sans électricité, sans eau ni nourriture, une petite famille tente de survivre à cette catastrophe… Pour espérer s’en sortir, il faudra tenter sa chance dans la brume.

Dans la Brume est un projet de longue date.
En 2011, le film est initié par le producteur Guillaume Colboc. Il souhaite réaliser un film catastrophe grand public. Il choisit alors Dominique Rocher pour réaliser son projet, après leur collaboration la même année sur le court-métrage 380hz. Malheureusement, le cinéaste préfère se lancer dans un autre projet, La nuit a dévoré le monde.
En 2016, tout s’accélère. Après avoir bouclé le scénario, Guillaume Colboc, Mathieu Delozier, Jimmy Bemon et Nicolas Duval proposent leur script au réalisateur québécois Daniel Roby, qui accepte. Le tournage débute en février 2017. Dans la brume, est né.

La brume : entre mystère et esthétisme

Étonnamment, l’esthétique du film et de la brume ne plongent jamais le spectateur dans un monde post-apocalyptique, sombre et angoissant, à la photographie grisonnante. Sauf lorsque les protagonistes déambulent dans les rues de la ville de Paris sous la brume, les séquences au dessus des toits sont lumineuses, voire chaleureuses, où ce grand ciel bleu en est presque rassurant. Vue du ciel, la brume est en effet séduisante, magique, mystérieusement belle. Des séquences contemplatives qui révèlent la capitale sous un nouveau jour. En effet, l’architecture haussmannienne épouse soigneusement cette brume inconnue en se mettant en valeur mutuellement.
Rares sont les réalisateurs qui parviennent à embellir ainsi Paris avec de telles productions, mais Daniel Roby saisit l’essence-même de la ville des lumières pour en offrir une vision à la fois éternelle et monstrueuse. Il est également agréable de constater que Paris, souvent sous-exploitée dans les films et séries françaises, est ici représentée sous des angles différents dévoilant un esthétisme riche. Entre nous, les villes et campagnes buildingisés américaines dans les productions SF/Post-Apo, commercialisés jusqu’à l’overdose, ne font plus rêver. La France regorge de petits coins charmants, où tourner des séries ou films à la The Walking Dead prendrait un aspect totalement inédit. Il y a des paysages à cultiver chez nous ! Ici, c’est Paris. Et Paris, se libère d’une nouvelle vie grâce à Daniel Roby, qui a très bien compris que l’aspect haussmannien était l’atout principal de la capitale, et met alors cette architecture au service de son œuvre.

De ne pas connaître l’origine de la brume est aussi un élément intéressant. Si on évoque rapidement un événement en Suède, garder secrète les origines de la brume permet à Daniel Roby de faire évoluer ses héros dans un univers qu’il ne maîtrise pas, dont ils n’auront jamais le contrôle.
La brume est poétiquement belle, mais ce n’est qu’un leurre. En bas, elle est dangereuse, imprévisible, insaisissable. Daniel Roby joue de ce contraste en permanence, entre le côté contemplatif d’une brume féerique et son côté anxiogène. Là, elle manifeste son vrai visage au travers une photographie insalubre. C’est d’ailleurs sous la brume que Daniel Roby va créer ses meilleures scènes, là que la tension sera le plus palpable. Les enjeux pour permettre à sa fille d’avoir assez d’oxygène dans son « tube » dans les temps, la course-poursuite avec le chien, l’affrontement avec le policier, la blessure quasi-mortelle de Mathieu, sont autant d’éléments et de rebondissements évocateur du chaos, du véritable drame humain et naturel du monde d’en bas. Plus rien ne compte désormais, juste la survie…

La brume : un mal nécessaire ?

Chaque déluge, chaque catastrophe naturelle, chaque événement lié à la quasi-disparition de l’Humanité doit avoir une raison d’être. Un Dieu vengeur, une Nature qui se rebelle, une intervention humaine, tout cataclysme doit avoir une signification, un propos pour faire réagir le spectateur, lui donner matière à réfléchir sur sa condition.
Avec Dans la brume, Daniel Roby dévoile la fragilité de notre monde et la futilité de nos infrastructures (aucun bâtiment ne protège de la brume), mais également la vulnérabilité de nos corps. Ce n’est pas anodin si le nouveau monde que dépeint le réalisateur à la fin du film, appartient à celui des enfants-bulles, ces enfants dont les défenses immunitaires sont affaiblies ou inexistantes. Ce renversement de situations (l’homme sain est désormais condamné à vivre dans cette même bulle), est non seulement malin et nous évite surtout une happy-ending trop joyeuse. Dans la brume assume alors pleinement sa phase post-apocalyptique, sa tonalité sombre : l’Homme doit apprendre à vivre avec ses conditions imposées par le destin.

Oui, les films post-apocalyptique finissent mal. Néanmoins, ils sont porteurs d’espoir.
Un monde s’éteint, une nouvelle génération émerge, l’Humanité peut renaître, meilleur.

Les personnages

Un autre aspect réussi du film, réside dans le le traitement des personnages et de leurs psychologies. Daniel Roby fait le parti d’en livrer peu sur la vie de ses protagonistes.
Là où certains forcent le trait -, comme si des dizaines de flashbacks ou des dialogues à rallonge allaient davantage nous investir émotionnellement dans leurs histoires -, Daniel Roby choisit la délicatesse, la sobriété. Le réalisateur est suffisamment clair pour que nous puissions comprendre rapidement les enjeux multiples de son film et les vies qui sont en jeu dans ce drame post-apocalyptique axé sur l’humain, avant les explosions et autres effets spéciaux grandiloquents.
Il nous épargne également des dialogues clichés ou des moments lourds qu’on peut retrouver parfois dans des situations de stress ou de panique totale. Dans Dans la brume, les personnages sont forts, ont un sens noble de la responsabilité et n’hésitent pas à affronter les dangers sereinement, lorsqu’ils se présentent à eux.

La finesse de Daniel Roby, on la retrouve aussi dans des séquences plus intimistes.
La scène où le personnage de Lucien renonce à la vie, décide d’affronter la mort, tout en prenant soin de sa femme malade, est une séquence magistrale. Sobre dans sa mise en scène. Le cinéaste a su capter un moment pur, sans tomber dans un pathos grassouillet, sans prolonger cette prose de manière interminable. Un timing qui rend cette scène particulièrement poignante.

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