FRÈRES ENNEMIS : LE NOUVEAU DRAME DE DAVID OELHOFFEN

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – FRÈRES ENNEMIS * SPOILERS

J’ai longuement hésité avant d’aller voir Frères Ennemis au cinéma. Non seulement parce que je ne suis pas un grand adepte des productions policières sous couvert d’histoires de drogue, mais également parce que ce genre de polars français ayant déjà était vu et revu un nombre incalculable de fois, je ne voyais pas comment David Oelhoffen allait pouvoir tirer son épingle du jeu.
Alors, qu’est-ce qui m’a fait franchir le pas ? J’avoue, je ne connaissais pas non plus le travail de David Oelhoffen avant cela. Cependant, lorsque j’ai appris que ce dernier avait collaboré avec le réalisateur Frédéric Tellier sur le sublime scénario de Sauver ou Périr, je me suis dit que c’était là, l’occasion unique de découvrir son travail en tant que cinéaste. Et si Frères Ennemis ne révolutionne pas le genre, David Oelhoffen livre toutefois une histoire plus complexe qu’elle n’y paraît aux premiers abords, un drame intimiste profond, mettant en scène deux héros que tout oppose, malgré des racines communes.

SYNOPSIS : Manuel et Driss ont grandi comme deux frères inséparables dans la même cité. Mais aujourd’hui, tout les oppose. Manuel est à la tête d’un trafic de drogue, alors que Driss est devenu flic. Quand celui-ci est promu aux Stups, son retour bouleverse les équilibres et mets Manuel en danger.

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Après une première partie un peu longue, où David Oelhoffen pose les bases de son intrigue et présente ses personnages, Frères Ennemis prend une tournure plus prenante lorsque le personnage d’Imrane Mogalia (Adel Bencherif) est abattu, dans sa voiture, d’une balle dans la tête. Réel point de départ du film, où les racines identitaires des personnages vont alors se confronter avec fracas, alors que peu à peu, les histoires d’amitiés se transformeront en une course-poursuite effrénée à travers la Capitale et sa banlieue, rythmée par des jeux de dupes et de trahisons, à laquelle tout le monde ne sortira pas indemne. Car le vrai propos de Frères Ennemis, c’est la vengeance, personnifiée par Manuel Marco (Matthias Schoenaerts). Seul contre tous, il devra trouver les responsables de la mort de son ami. Mais, à mesure qu’il va progresser dans son enquête, Manuel va comprendre que le monde dans lequel il évolue depuis des années, n’est qu’hypocrisie et mensonge. Une désillusion forte pour celui qui attache énormément d’importance à la confiance, à l’importance de la famille.
Manuel Marco, trafiquant de drogue, père de famille aimant, avec un code d’honneur, interprété par Matthias Schoenaerts est aussi une des autres raisons pour lesquels je me suis précipité en salles pour Frères Ennemis (depuis Les Jardins du Roi, je suis littéralement tombé amoureux de cet acteur). Ici, touchant et sobre à la fois, comme l’exige son rôle, Matthias a toujours eu ce charisme qui lui permet de jouer n’importe quel rôle, de manière convaincante et, une fois encore, il crève l’écran en interprétant Manuel Marco.

Car vous l’aurez compris, la force de Frères Ennemis ne réside pas uniquement dans son scénario, mais bel et bien dans le traitement de ses personnages, notamment les deux héros, Manuel Marco (Matthias Schoenaerts) donc, et Driss, incarné par Reda Kateb, véritable révélation du film (un César du Meilleur Acteur pour lui s’il vous plaît !).
Saisissant, Reda Kateb livre une interprétation poignante de ce flic pris entre ses racines identitaires et ses origines natives, entre son devoir morale et ses amitiés, confronté donc, à ses propres  » frères « , pris. Personnage complexe aux multiples facettes, ce père de famille, héros aux yeux de sa fille, représente à la fois tout ce qu’il aime et tout ce qu’il déteste. Déchu par sa communauté et sa famille, il lutte pourtant pour leur éviter le pire, afin de conserver le peu qu’il reste de son héritage, une certaine dignité et son honneur, malgré les incompréhensions. Driss est incontestablement le personnage le plus intéressant du film, un protagoniste écrit avec une très grande finesse et transcender par le jeu de Reda Kateb.
Il a d’ailleurs une attention toute particulière puisqu’il sera le seul héros de Frères Ennemis, à avoir droit à une séquence mettant en scène son père et sa mère. Un moment très émouvant, en langue arabe, où toutes les difficultés avec lesquelles doit se battre Driss, prend son sens. En venant chercher du réconfort auprès de ses parents, mais rejeté par son père, on comprend alors que sa vie n’a été qu’un chemin endolori pour trouver une approbation paternelle et fraternelle. Une place au sein de deux familles qu’il a du mal à trouver, depuis qu’il est devenu flic. D’ailleurs, une explication sur ce choix de carrière aurait été la bienvenue pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants du rejet qu’il subit.

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Quant à la réalisation, David Oelhoffen fait un sens faute. Le cadrage très minimaliste, avec des plans très serrés sur les personnages tout au long du long-métrage permet, à la fois de montrer que les protagonistes sont tous sous-tension permanente (et ainsi, nous plonge au cœur même de cette tension, comme si nous la vivions avec eux), et prisonniers de leurs vies et de leurs mauvais choix. Quoi qu’ils fassent, il n’y aura aucune issue heureuse. Pourtant, David Oelhoffen leur laisse une porte de sortie. Lorsqu’il filme en plan large (assez rare), il met en scène un personnage (ou plusieurs) ayant un choix important à faire, mais lorsque le plan suivant se recentre en plan serré sur ce personnage en question, on comprend de suite que ce dernier n’a pas forcément choisi la bonne option ou la voie de la raison et se précipite vers une fin douloureuse, qu’elle soit physique ou psychologique.

L’environnement n’est pas en reste. Paris et les quartiers environnants subissent aussi cette réduction de plans, afin d’accentuer cette sensation d’enfermement, d’emprisonnement que ressentent les habitants envers un monde brutal et sans merci, qui ne les épargnent pas. Les personnages évoluent donc dans des cadres avec peu d’espace, et on alors l’impression (même dans les courses-poursuites ou les esquives) qu’il n’y a nul.s échappatoire.s, nulle.s façon.s d‘échapper aux évènements dramatiques qui se profilent. Même lorsque Fouad (Fianso) se libère de cette intrigue, le réalisateur ne donne aucune indication sur la réussite de sa fuite et le lieu où il a trouvé refuge, comme pour nous faire admettre qu’au-delà de Paris, rien d’autres n’existent.
La Capitale et ses alentours sont également prisonniers de leurs propres chaînes. Distants, glaciaux, aux teintes grisâtres, Paris et les repères avoisinants sont pris en otage d’un destin, à l’équilibre fragile. Deux mondes qui se confrontent entre d’un côté la Ville Lumière obscurcie par les rivalités et les quartiers, lieux où tout peut exploser, à n’importe quel moment et qui ferait, indirectement, s’embraser toute la Capitale.

En conclusion, Frères Ennemis, malgré une scène d’exposition très longue, 2-3 facilités scénaristiques et scénario classique, qui se complexifie cependant peu à peu, reste un polar prenant, rythmé par une tension vraiment palpable. Mais c’est surtout pour le jeu incroyable de Matthias Schoenaerts et Reda Kateb que le film de David Oelhoffen mérite le coup d’œil, car leurs histoires, bouleversantes, sont le point fort de cette production à la réalisation alléchante.

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