L’EXTRAORDINAIRE VOYAGE DU FAKIR : IMMIGRATION & HUMOUR

LE CAPITAINE A VU – L’EXTRAORDINAIRE VOYAGE DU FAKIR

L’Extraordinaire Voyage du Fakir est une adaptation du roman de Romain Puértolas,  » l’Extraordinaire Voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA « , sortie le 21 août 2013 aux éditions Dilletante. Énorme succès littéraire de cette année et traduit dans plus de trente pays, ce roman retrace l’aventure incroyable d’Ajatashatru qui, suite à la mort de sa mère, décide de réaliser son rêve, aller à Paris. Là-bas, il va tomber amoureux d’une parisienne, rencontré dans un magasin IKEA. Malheureusement, suite à une succession de malchance, il est rapidement expulsé avec d’autres clandestins africains. Envoyés aux quatre coins de l’Europe (Londres, Espagne, Italie), il va tenter de retrouver celle qu’il aime.

À la réalisation de cette comédie franco-américaine, le canadien Ken Scott, à qui l’on doit notamment Starbuck, une autre comédie mettant en scène le personnage de David Wozniak, donneur de sperme et géniteur de 533 enfants. Un film qui connu un énorme succès au box-office québécois avec 3.4 millions de dollars récoltés, soit la meilleure production de l’année 2011 en terme de recettes. En France, le long-métrage de Ken Scott fait toujours partie du top 3 des films québécois les plus rentables.
Starbuck a été par ailleurs à l’origine de deux remakes, A Delivery Man aux États-Unis et Fonzy en France, avec José Garcia.

7742082_f59a7e68-634a-11e8-938f-e0c3fb2c6809-1_1000x625

L’Extraordinaire Voyage du Fakir était donc entre de bonnes-mains. Et le résultat est à l’image de l’ensemble de sa filmographie, simple, sympathique, distrayant, amusant, sans prétention comique. En effet, Ken Scott ne cherche pas à provoquer de grands éclats de rire, mais par un humour plus subtil, tente d’interpeller le spectateur sur des sujets d’actualité.
Le thème principal du film, au cas où vous ne l’auriez pas compris, c’est l’immigration. Le film traite ce sujet à la fois avec bienveillance, humanité, mais aussi avec beaucoup d’auto-dérision. Ken Scott n’appuiera pas sur la situation précaire des migrants pour les victimiser ou nous faire passer pour les méchants de l’Histoire. Son but n’est pas de donner des leçons moralisatrices aux spectateurs pour le faire se sentir coupable.
Et si ces séquences ne sont pas d’une hilarité folle, c’est frais et ça fait du bien. Même en ayant conscience de la gravité de la situation migratoire, Ken Scott arrive à nous faire sourire, sans nous pour autant nous faire culpabiliser. À l’instar d’un A Bras Ouverts, qui était parfois plus malaisant que drôle.
Certains reprocheront peut-être au réalisateur de ne pas prendre position ou de ne pas mettre en scène la misère et la difficulté des migrants à vivre ou survivre et d’être dans le happy-ending permanent, mais au contraire, le film se revendique comme une étincelle d’espoir. Pas de brutalité, mais de l’amour, de la générosité et de la compassion. Ces aspects, on les voit notamment lorsque Aja partage ses 100 000 euros, afin de réaliser le rêve de chacun des migrants qui l’ont aussi aidé. Oui, c’est bisounours. Oui, cela peut paraître nian-nian ou cul-cul la praline, mais ici, nous avons la parfaite définition du mot générosité dans ce qu’elle a de plus noble. Cela met également en parallèle, un fait important : les migrants ont aussi des rêves, des ambitions et des compétences. Ce ne sont pas que de simples envahisseurs, comme certains essaient de nous le faire croire depuis des années. Ce sont des êtres humains, qui vivent dans un pays où il n’y pas plus d’avenir, mais eux, en ont encore un. Chacun d’entre eux aspire à une belle vie. Ils ne demandent rien, si ce n’est avoir la chance de vivre, d’être libre, de nourrir leur famille, de rejoindre un parent. 
D’ailleurs, le long-métrage s’assume en tant que récit fictionné-tout-beau-tout-rose, puisqu’Aja confie lui-même à un gardien de prison, à la fin du film, que seulement une partie de son histoire est vraie. Mais le plus petit des mensonges peut changer une mentalité ou dans le cas présent, permettre à des jeunes de reprendre une voie scolaire, afin de s’offrir au monde avec altruisme. Et donc, si un message tel que celui décrit au-dessus peut déclencher un déclic chez certains, alors tant mieux.

Scénaristiquement parlant, L’Extraordinaire Voyage du Fakir est plutôt bien construit et les ellipses dans chaque pays sont assez bien gérés en terme de temps et de rebondissements scénaristiques, pour ne jamais trouver ça long et ennuyant. On passe de Londres à Barcelone, de Barcelone à l’Italie et de L’Italie à la Lybie de manière fluide avec des séquences courtes (celle sur l’Italie est un peu plus longue.) mais rocambolesques et toutes avec un message différent.
À Londres, la gestion d’un service de l’immigration (avec humour, mais toujours avec un petit fond de vérité sur la façon dont on reçoit les migrants), Barcelone avec cette  » policière douanière « , qui met en parallèle la difficulté de la coopération des services et de l’accueil des réfugiés, l’Italie et sa rencontre improbable – puisque la vie peut aussi offrir ce genre de belles surprises – et La Libye, où nous sommes confrontés au camp de migrants, mais dans lequel règne un grand savoir-vivre et une solidarité à toute épreuve.

52998760.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxx

Le film est également un mélange de plusieurs genres. On retrouve des éléments liés à la comédie françaises (cf. dans le magasin IKEA entre Aja et Marie), aux grandes traditions de la comédie britannique façon Monty Python bien sûr (cf. la danse dans le commissariat), mais également des éléments liés aux films Bollywoodiens, héros indien oblige (cf. la danse d’Aja dans un club privée de Rome). Je tiens d’ailleurs, à travers cette critique, à saluer le travail du chorégraphe et l’interprète du fakir, Dhanush, véritable vedette dans le sud de l’Inde et qui a appris la chorégraphie en moins de 20 minutes. Un mois aura été nécessaire pour mettre en place cette scène et le résultat est là. C’est une des séquences les plus belles du film, mais également la plus marquante.

J’ai également été interpellé par un partie pris scénaristique, plutôt charmant. L’Extraordinaire voyage du Fakir est, en effet, rythmé par des rencontres fortes, certes, mais pour la plupart féminines. De l’origine de son périple à la fin de celui-ci, les femmes ont une place centrale dans le voyage d’Aja.
Sa mère, tout d’abord, dont le rêve était d’aller à Paris. Point de départ d’un voyage longtemps fantasmé, que son fils réalisera. Mais elle ne fait pas qu’être à l’origine cette incroyable aventure, elle l’accompagnera partout. Des cendres (il ne faut pas oublier que le film est également l’histoire d’une rencontre perdue, dont l’objectif du voyage est aussi de les réunir), jusqu’à une photo animée, afin de lui rappeler qu’il est le seul maître de son destin.
Vient ensuite Marie. Son coup de foudre. C’est elle qui lui donnera un but, lorsqu’il se retrouvera perdu aux quatre coins de l’Europe. Cet objectif (la réunion entre deux êtres aimés) lui permettra alors d’affronter mille dangers avec courage et détermination, deux valeurs qu’il retransmettra ensuite à ses élèves en tant que professeur. Mais cette rencontre avec Marie, si cela lui donne la force de continuer son voyage à travers le monde, sans jamais abandonner, c’est aussi sa mésaventure qui lui fera prendre conscience de l’importance de rentrer aux pays pour accomplir sa véritable destinée.
Enfin, Bérénice Béjo. Si elle apprend grâce à Aja la pureté des sentiments amoureux et de la modestie, l’actrice en retour, lui offrira le moyen de réaliser le rêve de dizaines de personnes et de rentrer aux pays, où le destin amènera Marie à ses côtés. Sans cette rencontre et son arnaque, que serait devenu Aja ?

En conclusion, L’Extraordinaire Voyage du Fakir est une petite comédie plaisante, parfois touchante, un voyage culturel aux quatre coins du monde, drôle et sensible, mettant en scène des personnages haut en couleur, qui feront évoluer notre héros, à la fois en tant qu’être humain, mais aussi en tant qu’homme.
Simple et efficace, le film de Ken Scott confronte également avec auto-dérision la situation des migrants dans le monde, mais sans jamais tomber dans le pathos, bien au contraire, il procure une lueur d’espoir pour tous.

ob_123a5d_ob-91aa7e-27629475-531400370576440-753

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *