LOVE, SIMON : LE 13 REASONS WHY DE GREG BERLANTI

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – LOVE, SIMON

Love, Simon de Greg Berlanti. Comme vous, téléspectateurs assidus des séries super-héroïques de la CW, mon inquiétude à atteint son paroxysme lorsque j’ai appris que ce bon vieux Greg allait réaliser un film sur la communauté LGBT, plus précisément sur le thème de l’homosexualité.
Petite parenthèse. Je ne sais pas vous, mais le terme de  » communauté  » me gêne un peu. C’est assez excluant pour les personnages homosexualité, transgenres ou autres, vous ne trouvez pas ? Après tout, ceux sont des êtres humains eux aussi, ils font partie de l’Humanité, la société, notre société, pourquoi alors créer le terme de  » communauté « , quand le même sang coule dans nos veines ?

Revenons désormais à mes inquiétudes.
Greg Berlanti n’est pas considéré comme l’homme le plus subtil du monde lorsqu’il s’agit d’évoquer des sentiments amoureux ou mettre en scène des idylles (qu’elles soient hétéros ou homos). Ces choix en tant que producteur sont, en effet, assez discutables.
Bien entendu, la CW n’a jamais caché son désir d’attirer sur leur chaîne un public jeune, mais même les adolescents, pour peu qu’ils aient un minimum d’intelligence, ne seront pas dupes quant à la qualité des dialogues amoureux ou l’origine des ruptures, des couples Olicity, Barry Allen/Iris West ou Kara Danvers/Mon-El, Alex/Maggie, Curtis/Paul, dans les séries Arrow, The Flash et Supergirl. Entre nous, on atteint-là des sommets dans la médiocrité, mais c’est surtout l’affût de protagonistes secondaires qui leur pose souci. Car ces personnages, ils faut bien leur donner un peu de profondeur, une vie privée, les rendre attachants et humains. On leur attribue donc love-stories, qui sont animées par des discussions improbables, des ruptures qui le sont tout autant, elles-mêmes rythmées par des successions de clichés aussi risibles que désespérantes.
Love, Simon me faisait un peu peur, d’autant que le sujet, délicat, pouvait vite devenir, soit trop dramatique, soit déjà-vu mille fois au cinéma, ou pire, un fourre-tout de banalités inintéressantes que même les homosexuels refouleraient (certains apprécieront le jeu de mots !). Et à ma grande surprise (encore une cette année, décidément !), Love, Simon s’avère être un film frais, drôle, délicat et émouvant.
Bien sûr, le film suit un schéma scénaristique bien précis avec des retournements de situations assez classiques, mais on s’en fiche, la production de Greg Berlanti rend un bel hommage aux personnes homosexuelles et se paie même le luxe d’éviter quelques clichés (cf. le plus étonnant étant celui d’Ethan (Clark Moore), personnage transgenre, qui rembarre ses bourreaux avec aplomb, dont beaucoup devrait s’inspirer – pas évident, je sais).
Mais l’atout principal de Love, Simon, c’est le parti pris de ne jamais livrer aux spectateurs de séquences ultra-dramatiques. Là on où pourrait s’attendre à ce qu’Ethan subisse au point de penser au suicide, Greg Berlanti prend le contre-pied pour offrir un long-métrage feel-good. En effet, des scènes où tout aurait pu déraper, il y en plein, comme le coming-out de Simon (Nick Robinson), mais le réalisateur a souhaité dépeindre un tableau plus optimiste de la vie, car oui, il existe des parents qui se fichent que leurs fils ou filles soit homosexuels.

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Le film arrive également à être très drôle. La séquence où les enfants annoncent à leurs parents qui sont hétérosexuels est bien pensée et soulève des problèmes de différences majeurs : Pourquoi être homosexuel devrait être une chose à annoncer ? Pourquoi aimer une personne du même sexe ne serait pas considéré comme quelque chose de normal, au même titre que l’hétérosexualité ?

Je parlais tout à l’heure d’écriture et, Love, Simon, est parfois d’une justesse confondante. Le film possède des moments réellement émouvant, sublimement dialogués, qui vont tireront la larmichette (pour peu que vous soyez quelqu’un d’assez sensible pour ressentir des émotions pures), notamment les scènes suivantes : le coming-out de Simon, la discussion entre Simon et son père où la détresse de ce dernier quand son  » secret  » est dévoilé.
Il faut dire que Greg Berlanti était épaulé d’Isaac Aptaker et Elizabeth Berg producteurs d’une des meilleures sitcoms du moment, This Us. C’est peut-être pour cela que Love, Simon, à ce côté frais et jamais vraiment dramatique lorsque cela devrait être le cas (cf. les scènes de chantage entre Martin et Simon, j’y reviendrais un peu plus tard).
Je ne minimise pas le travail de Berlanti, loin de là, car il fallait beaucoup de courage pour adapter le roman de Becky Albertalli et, à travers son œuvre, il a sait rendre un bel hommage, avec un beau message plein d’espoir à toutes les jeunes personnes homosexuels, qui ont encore honte d’aimer ou n’ose pas franchir le pas de la révélation.

Quant à la réalisation, quelques plans rappellent évidemment la série à succès de Netflix, 13 Reasons Why. La scène filmée en contre-plongée sur le lit avec les têtes inversées de Simon et de Leah (Katherine Langford) ou encore l’arrivée de Simon au lycée, avec les élèves marchant autour de lui au ralenti, en sont deux des exemples les plus flagrants. Mais si l’originalité du film ne réside pas dans sa réalisation, elle l’est dans le traitement de certains de ses protagonistes, interprétés par des acteurs, qui sont tous d’une incroyable précision dans le jeu.

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. Nick Robinson (Simon Spiers) délivre ici une interprétation honnête d’une personne homosexuel,  » ayant une vie toute à fait normale, mais qui cache un lourd secret « . Jamais dans le surjeu, jamais dans le grand drama d’opéra, Nick Robinson est sincère dans sa démarche, colle au plus près de la réalité, pour que le spectateur, qui pourrait vivre actuellement la même chose, puisse se sentir capable d’affronter et de surmonter ses peurs.

. Jennifer Garderner (Emily Spiers) et Josh Duhamel (Jack Spiers) sont des parents très convaincants. Un jeu d’une sensibilité à fleur de peau, qui offre des moments de complicité, d’une rare intensité.
Quant à Josh Duhamel, ce dernier est bien plus subtil et crédible en père de famille touché par le coming-out de son fils, que lorsqu’il doit affronter des Transformers. Comme quoi, tout est question de direction d’acteurs.

. Même constat pour Keiynan Lonsdale. Insupportable en Kid Fash dans la série The Flash ou plus récemment dans Legends of Tomorrow, Keiynan livre-là une interprétation fine et sincère, sans trop en faire, comme on lui demande de le faire dans les productions de la CW. Il pourrait devenir un grand acteur, s’il choisissait des rôles dans des petites productions de ce type.

. Petite réserve sur le personnage de Leah Burke, incarné par Katherine Langford et qui fait donc du Katherine Langford version 13 Reasons Why. Je ne pense pas que ce soit réellement de sa faute, ce choix de casting et cette interprétation sont là pour attirer les fans de la série Netflix à venir voir Love, Simon dans les salles obscures, mais attention à ne pas se laisser enfermer dans un seul type de rôle. Jouer les filles torturées en permanence peut être fatale pour sa jeune carrière et pourrait finir par lasser les réalisateurs, et même les fans.
Par ailleurs, quitte à prendre des acteurs de 13 Reasons Why, autant leur donner de vrais rôles, non ? Parce que le pauvre Miles Heizer (Cal) est ici cantonné à un rôle de figurant, pas très intéressant.

. Pas friand des personnages excentriques et qui surjoue le comique, le personnage du proviseur, Mr. Worth (Miles Heizer) est tout simplement hilarant. Ses apparitions sont courtes – juste ce qu’il faut pour ne pas être le personnage drôle mais lourdingue du film – efficaces et pertinentes. Dosage parfait !

. Le plus réussi parmi les personnages secondaires est certainement celui de Martin Addison (Logan Miller). Car si c’est celui qui dévoile le secret de Simon, jamais le film ne le traite comme l’ennemi principal, l’homme à abattre, au contraire. Greg Berlanti et son équipe en ont fait un protagoniste touchant, maladroit et sensiblement respectueux, malgré un acte désespéré. On ressent même une forme de tendresse pour cet ado un peu minable, qui rêve de la plus belle fille du lycée (Abby – Alexandre Shipp, un peu trop transparente à mon goût).
Autre fait étonnant, les scènes de chantage entre Simon et Martin, comme je l’évoquais plus haut, ne sont jamais écrites de façon dramatiques, mais avec une petite pointe d’humour plutôt agréable.

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En conclusion, Love, Simon est un petit film pétillant, drôle et tendre à la fois. Une réussite pour Greg Berlanti, qui dépeint une autre réalité, plus heureuse et peut-être moins vendeur (les médias ne parlent jamais de ses jeunes homosexuels épanouis, ça ne fait pas vendre du papier).
Mais je préfère largement un Love, Simon, pas pour esquiver une réalité sombre, mais pour garder un certain espoir sur l’Humanité, plutôt donc, que des longs-métrages terrifiants où les Hommes sont cruels entre eux et n’acceptent aucune différence. Et vous ?

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