OCEAN’S EIGHT : ENTRE HYPOCRISIE ET TIMIDITÉ ARTISTIQUE

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU  – OCEAN’S EIGHT * SPOILERS *

Quand Hollywood propose des productions telles qu’Ocean’s 8, je suis un poil désespéré. Désespéré par un système à bout de souffle, qui n’a que pour ambition de proposer à son public des longs-métrages rebootés d’autres films ou des spin-offs, dérivés de sagas cultes, avec pour seule idée, comme c’est le cas ici : y inclure un casting exclusivement féminin, aux origines diverses. Un moyen hypocrite de surfer sur une tendance féministe et se convaincre d’être dans le bon chemin vers la multi-diversité. Et si je ne crois pas que ce soit la seule réponse à donner à l’exclusion des femmes à des rôles forts et, si je n’ai absolument rien contre le fait de donner à des actrices des premiers rôles importants (CAPTAIN MARVEL <3) au cinéma, je doute qu’offrir à des comédiennes aussi talentueuses que Sandra Bullock ou en devenir comme Awkwafina des opportunités fadasses comme Ocean’s 8, soit la manière la plus appropriée pour les prendre au sérieux.
D’autant que le casting 100% féminin, c’est ici la seule originalité (si on peut dire) de ce spin-off à la franchise Ocean’s, dont le premier opus est déjà lui-même inspiré de L’Inconnu de Las Vegas (Ocean’s 11) de Lewis Milestone, sortie en 1960.  

En effet, Ocean’s 8 ne révolutionne pas le genre des films de braquages au cinéma, et cela fait désormais plusieurs décennies que ça dure (et ce n’est pas l’utilisation d’une imprimante 3D, qui me fera changer d’avis.). De plus, on est encore sur un schéma scénaristique très classique : formation du groupe (phase de recrutement), préparation du plan (s’approprier l’environnement du casse, voler des passes, s’introduire comme serveur, etc.) et exécution du plan. Et même sur ces trois aspects, le film reste basique et platonique.

Les filles choisies ont toutes des caractéristiques différentes, mais que l’on retrouve dans tous les films du genre : la ou le pirate informatique, la ou le pickpocket ou l’expert.e en pierres précieuses.
Seul coup d’éclat (il faut bien que le film ait une petite qualité.) : la styliste incarnée par Helena Bonham Carter, qui permettra d’approcher le personnage de Daphne Kluger (Anne Hathaway) et de faire sortir le Toussaint de chez Cartier.
Par ailleurs, beaucoup des actrices présentes au générique ne servent strictement à rien.
Cate Blanchett (Lou Miller) n’est qu’une roue de secours. Sa seule mission aura été de se faire passer pour une nutritionniste durant le Gala, car, comme par hasard, certains invités mangeaient végétarien (quel rebondissement !).
Sarah Paulson (Tammy) va travailler chez Vogue (je ne savais pas que c’était si facile d’intégrer une équipe journalistique et en quelques heures seulement), afin de récupérer les plans de table de la soirée. Mais entre nous, il aurait suffit que le personnage de Nine-Ball (Rihanna) pirate les ordinateurs de chez Vogue pour les obtenir.
Awkwafina (Constance) qui, outre le fait de se faire passer pour une serveuse lors de la soirée au Met Gala, n’aura que pour objectif de voler discrètement le collier au cou de Daphne. Mais là encore, n’allait pas me dire qu’une personne normale ne sentirait pas qu’on lui vole son collier, même en étant en train de vomir aux toilettes. D’autant qu’elle-même se laissera faire et le révélera à l’équipe, avant de rejoindre Debbie Ocean dans sa petite vengeance.

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Plus haut, je parlais de « prendre au sérieux  les actrices ». Et pas une seule seconde le réalisateur Gary Ross ne les prends au sérieux. Toutes les personnalités des protagonistes féminins sont très clichés, que ce soit dans leurs origines, leurs looks vestimentaires, leurs démarches ou leurs attitudes (Ex : La hakeuse a une allure désinvolte, fume le joint…) ou sur la même tonalité (cf. Helena Bonham Carter fait du Helena Bonham Carter. L’impression étrange de voir une version New-Yorkaise de Carter dans Alice aux Pays des Merveilles).
Leur développement personnel est ultra-limité, et même les motivations de l’héroïne et leadeuse du groupe, Debbie Ocean, fait peine à voir. Comme si les femmes étaient toutes des pestes qui veulent se venger de leurs ex-petits-amis. Alors oui, il y a de quoi être énervé après ce que ce dernier a fait, mais le point de départ aurait pu être moins bateau.

Mais le plus étonnant dans le film, reste l’exécution du plan. Tout se déroule sans accro. Aucun rebondissement. Comme nous l’avons vu juste au-dessus, Lou Miller s’incruste comme nutritionniste sans problème à une des soirées privées les plus chics de la planète (personne lui demande son CV ?), Constance se fait aisément passer pour une serveuse (elle ne passe pas d’entretien d’embauche ? Et le coup du serveur, franchement, c’est tellement classique…), Debbie Ocean a simplement besoin d’une belle robe et de prendre un accent allemand pour passer inaperçu à la soirée, etc., etc. Les facilités scénaristiques s’enchaînent, rendant la globalité de l’intrigue totalement ennuyante (on en parle de l’énorme micro collé derrière une simple corbeille à papier. La véritable personne chargé de l’entretien ne s’en serait pas aperçue par la suite ? Puis prévenu aucun un responsable ?).
De plus, le film n’a aucun un élément perturbateur pour venir mettre en déroute le bon déroulement du plan, histoire de créer un semblant de suspens. Mais pourquoi vouloir tromper le spectateur avec des faux-suspens, alors que le dénouement final est prévisible ? Même si c’est un argument valable, le but d’une bonne histoire est malgré tout de surprendre, de semer le doute, d’être imprévisible. Un autre problème récurrent chez Hollywood aujourd’hui, tout paraît simple pour les héros, qui ne sont jamais mis en grande difficulté.

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Côté réalisation, si la franchise Ocean’s (surtout Ocean’s Eleven) avait une mise en scène assez intéressant et un jeu de lumière cohérent avec l’environnement dans lequel évoluaient les personnages, Ocean’s 8 est là encore, strictement vide d’ambition et en symbolique.
Même la mise en scène du plan d’action est fade. Il n’y a que trois prises de vues différentes : La salle à manger, les cuisines et les toilettes (+ angle mort). Un espace restreint où on sent les personnages à l’étroit et peu à l’aise, alors que le Musée entier offrait des possibilités immenses. Une utilisation de l’environnement donc, pas très optimal, d’autant que les plans dans le Met Gala sont très serrés et ne permettent même pas d’apprécier les décors autour.

En conclusion : Actrices perdues dans une histoire banale et tout à fait dénué d’intérêt, tandis que le schéma scénaristique du film se déroule avec une facilité déconcertante.
Un spin-off donc, sans saveur, qui ne prend aucun risque, que ce soit sur la réalisation, la mise en scène, l’éclairage, et même les dialogues (Mon Dieu les dialogues de ce film…).

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