SANS UN BRUIT : BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN ?

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – SANS UN BRUIT * SPOILERS *

Ce mois-ci, ce n’est ni Ocean’s 8 ou Jurassic World : Fallen Kigndon et encore moins les deux comédies françaises, Le Doudou ou Comment tuer sa mère, qui fait parler la communauté cinéphile, mais deux films d’horreur : Hérédité de Ari Aster et Sans un Bruit de John Krasinski. Deux productions horrifiques qui brisent apparemment les codes du genre, ne jouant pas sur les jump scare, mais plutôt sur la sensibilité, l’angoisse profonde et les situations malsaines.
Je ne peux malheureusement me prononcer sur le premier, parlons donc de Sans un Bruit, au scénario étonnement singulier.

Le spitch. Dans un monde post-apocalyptique, les rares survivants vivent sous la menace de créatures aveugles, mais très sensibles aux sons. Pour survivre : rester muet et ne faire aucun bruit. Dans ce nouveau monde silencieux, une famille du Midwest va devoir lutter pour survivre, avec une mère sur le point d’accoucher.

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Si je me suis d’abord précipité sur Sans un Bruit plutôt qu’Héridité, c’est donc pour ce concept de production post-apocalyptique (dont je raffole), mais aussi pour ce point départ plutôt original, où les survivants doivent apprendre à vivre d’une manière peu commune. Et croyez-moi, à l’heure où les dirigeants de notre monde ne font que blablater pour ne déclamer que des âneries ou voter des lois faisant régresser les Droits de l’Homme, un peu de silence, ça fait du bien – il aurait d’ailleurs été intéressant d’avoir un film du point vue d’une mégalopole où des millions de personnes cohabitent dans un brouhaha d’enfer.
Je partais donc confiant, d’autant que les critiques étaient unanimes. Cependant, il faut dénoncer la propagande journalistique (et hypocrite ?) lorsqu’un film un peu original sort au cinéma et ici, c’est une fois de plus bluffant. Car si Sans un Bruit est un bon divertissement, avec des atouts indéniables, ce n’est pas le film  » le plus flippant de l’année  » comme le soulignent GQ, The Sun ou encore MovieWeb sur les affiches géantes qui parcourent nos villes aujourd’hui.

Sans un Bruit, c’est un peu le chat qui se mord la queue. En effet, le concept de départ où les survivants doivent rester muets sous peine de se faire dévorer par des créatures dans la seconde qui suit, empêche tout effet de surprise et donc de jouer sur l’appréhension des spectateur, une peur évincée que devrait pourtant ressentir chaque personne lorsqu’il va voir un film dit  » d’horreur « . Dès qu’un des protagonistes va faire un bruit, on sait donc qu’un monstre va tout de suite débarquer et on est préparé, avant même de les voir débarquer. Sans un Bruit, ne mets jamais en scène de situations réellement horrifiques cependant, était-ce vraiment le but du film que de provoquer des hurlements stridents à tout-va ? Pas sûr. Car, malgré tout, le film à un atout : la maîtrise des tensions. Même si l’arrivée des créatures est toujours due à des énormes ficelles scénaristiques, pas très cohérentes pour la plupart (on y reviendra), une fois que les héros sont confrontés aux monstres, la tension est tellement palpable que nous-mêmes, sommes incapables d’émettre le moindre son, osant à peine faire respirer – d’ailleurs dans ces moments-là, tout le monde arrêtaient de manger son pop-corn, étrange ! -. Un effet qui est notamment dû à une ambiance sonore, parfois inexistante. Seuls les bruits de pas, le souffle des personnages, etc., viennent animer ces séquences-là, offrant une véritable immersion, au point donc, d’être nous-mêmes pris au piège du silence. Sur ce point, c’est une réussite, mais ça ne le serait pas sans les interprétations incroyables de John Krasinski et Emily Blunt. Car la tension est d’abord lisible sur leurs visages et arriver à un tel niveau d’interprétation avec des créatures virtuelles en CGI, c’est une performance d’autant plus remarquable.
Une scène le démontre parfaitement. Lorsque que John Krasinski court vers son fils pour le sauver au début du film, on peut lire sur son visage toute la crispation, la peur et l’angoisse qui l’habite.
Pareil pour Emily Blunt, notamment dans la séquence d’accouchement, son désarroi et sa peur sont d’une sincérité déconcertante.

Cependant, quelques éléments m’ont empêché de plonger pleinement dans le film, ce sont, comme je le disais un peu plus haut, les ficelles scénaristiques pour faire apparaître les monstres à l’écran. Et cela commence dès le début du film lorsque que le plus jeune des fils, Beau Abbott (Cade Woodward) veut ramener un jouet (une fusée) à la maison, alors que tout le monde était sorti dehors chercher des vivres. Le père lui fait comprendre qu’un jouet comme celui-ci ferait trop de bruits et qu’il était donc impossible de le ramener à la maison. Il enlève alors délicatement les piles et pose la fusée sur une table, ainsi que les piles, et ressort du magasin. Mais la sœur, Regan Abbott (Millicent Simmonds), compatissante, lui dit de garder la fusée, mais de la cacher. En sortant, il prend les piles, inconscient du danger. Et alors qu’ils marchent pour rentrer chez eux, le gamin active la fusée par mégarde et meurt des mains d’une des créatures, alertées par le bruit.
Premièrement, pourquoi le père n’a-t-il pas laissé la fusée aux mains du petit ? Sans piles, la fusée n’aurait pas fonctionné et un accident aurait été évité. Grosse erreur !
Secondo, comment se fait-il que les parents sortent du magasin, sans attendre que tout le monde soit sorti ? Dans une situation pareille, un adulte ouvre la marche et un autre la ferme. Deuxième erreur.
Enfin, on pourrait se dire que le petit n’aurait pas dû prendre les piles, mais je mets ça sur le compte de l’insouciance dû à son jeune âge plutôt qu’une facilité scénaristique pour attirer le monstre.
Et le film est parsemé de ce genre d’incohérences. Il n’y a aucune subtilité pour amener les monstres, tout est assez téléphoné. Il y avait pourtant des moyens plus intelligents pour confronter créatures et humains, un peu comme la scène du clou qui est franchement improbable.
Une paresse d’écriture qui va jusqu’au synopsis : la grossesse d’Evelyn Abott (Emily Blunt). Dans un monde post-apocalyptique où on ne doit pas faire un bruit, est-ce bien sage de faire des enfants, malgré les précautions prises (murs insonorisés…) – et encore, je les trouve assez légères ? Si cela donne naissance à des scènes puissantes, je ne peux m’empêcher de ressentir un petit arrière-goût de :  » tout cela ne serait pas arrivé si… « .

Un concept original, je le disais, et si je plaisantais (encore que !) tout à l’heure sur l’utilisation de la parole, Sans un Bruit est finalement un long-métrage centré avant tout sur la famille. Et quoi de mieux que de se recentrer sur l’essentiel, la famille donc, en ne communiquant seulement par les gestes (ou la puissance du regard). À travers ce film, est-ce que John Krasinski n’est pas entrain de nous dire que le geste, la force d’un regard, etc., sont plus sincères que le mot? Si l’absence de communication verbale peut s’avérer trompeur à certains égards (Regan Abbott ne sait pas si son père l’aime vraiment, suite au drame pour lequel elle se sent responsable, car il ne lui a jamais dit ouvertement) et elle aussi source de communion. En effet, il y a une scène dans le film où Lee, Evelyn, Regan et Marcus sont à table et avant de manger, se prennent par la main. La beauté communiale créer/recréer des liens, bien plus qu’un simple :  » Bon Appétit « .
Le fait de ne pas faire de bruit, approfondie donc les liens entre les êtres, comme on peut le voir également dans la scène ou Evelyn et Lee dansent au sous-sol. Il se dégage, en effet, une émotion pure, un amour sincère et une bienveillance, qui n’aurait peut-être pas été la même dans d’autres circonstances (bon, John et Emily sont en couple dans la vraie, ça joue peut-être aussi).
Le film dénonce aussi, réciproquement, l’absence de communication. À l’heure où frères et sœurs s’enferment chacun dans leurs chambres pour participer à des loisirs individualistes, Sans un Bruit replace la famille au cœur de toutes choses (cf. la scène où Marcus et Regan jouent ensemble au Monopoly).

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Enfin, un petit mot sur la créature au design irréprochable. Au début du film, nous ne savons que très peu de chose sur eux, mise à part qu’ils sont aveugles, sensibles aux sons/bruits et possèdent une armure impénétrable. Des caractéristiques et un choix scénaristique (dont celui de ne pas leur une origine clairement définie) qui ajoutent à leur aspect un côté mystérieux et finalement, plus angoissant.
De plus, l’utilisation des appareils auditifs s’alignant sur la fréquence des créatures était une idée de génie, même si peu exploitée (pour l’instant ?). Par ailleurs, une indication sur la façon dont cela fonctionne aurait été également la bienvenue, pour les incultes du bricolage comme moi (rire), d’autant que ça fait un peu genre :  » on n’explique pas, parce que nous-mêmes, on n’a pas d’explications plausibles à vous donner « . Encore de feignantisse ?!.

En conclusion, la maîtrise de la tension et le jeu des acteurs sauvent le film (hormis Millicent Simmondes, véritable tête à claques), qui souffrent d’énormes facilités scénaristiques. Cependant, Sans un Bruit, de part son concept de départ, ses bruitages immersives et quelques partis pris (le registre dramatique est très présent et les personnages sont constamment en danger, le film ne fait pas semblant d’imposer des situations dangereuses pour que les protagonistes puissent jouer aux héros, en sortant indemnes) reste un excellent divertissement qui arrive à placer le spectateur à la place des acteurs. Et puis, pour une fois que Michael Bay produit un film qui tient la route, on ne va pas se priver d’applaudir. Non, taisez-vous, ils sont là !

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