SICARIO : LA GUERRE DES CONVICTIONS

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – SICARIO : LA GUERRE DES CARTELS

A priori, on pourrait se dire que les deux longs-métrages Sicario ne sont que des énièmes productions passables mettant en scène des cartels de la drogue et la guerre entre les États-Unis et Le Mexique, comme il y en a depuis plus de 30 ans dans les salles obscures. Seulement, voilà, en 2015, Denis Villeneuve donnait un nouveau regard sur cette « guerre », notamment au travers d’un récit complexe, mais jamais trop difficile à suivre et une mise en scène sauvage, mais maîtrisée et jamais outrancière.
Lorsqu’une suite fut annoncée, je ne voyais pas de raisons valables pour continuer cette histoire, d’autant que le changement de réalisateur était risqué. Surtout, lorsqu’il faut passer après Denis Villeneuve, chose qui n’est pas aisée.
N’ayant pas suivi la promotion du film, je suis donc entré en salles espérant être surpris. Et je l’ai été…

L’atout principal de Sicario : La Guerre des Cartels, c’est son scénario qui, sous couvert d’une intrigue classique cache en réalité une histoire plus trouble, celle des convictions. Chaque personnage (notamment ceux interprétés par Benicio Del Toro et Josh Brolin) est tenu par ses propres convictions, mettant parfois à mal leur propre moralité, leur propre intégrité en tant qu’être humain. Une moralité bafouée pour atteindre des objectifs communs et/ou différents et qui dévoile une vérité implacable : pour parvenir à ses fins, doit-on suivre les règles imposées par une haute autorité, fixées par des lois ou seulement suivre sa ligne de conduite, nos propres limites ?
Très vite donc, la Guerre des Cartels devient La Guerre des Convictions, celle entre deux hommes, que tout rassemblent, mais également que tout opposent. 
D’un côté Alejandro Gillick (Josh Brolin), qui poursuit sa lutte contre le trafic de drogue à la frontière mexicaine et à qui l’on propose d’y mettre un terme en déclenchant une véritable guerre entre les gangs et de l’autre, Matt Graver qui, désormais, vie en solitaire, avant de finir par accepter l’offre de son ami, afin de se venger de celui qui a tué sa fille, il y a quelques années. Mais lorsque l’opération dérape et que le Ministre à l’origine de cette manœuvre décide d’annuler la mission, Alejandro et Matt vont prendre des chemins opposés, s’opposer, pour ambitions diverses, qui vont donner lieu à cette Guerre des Convictions, dont je parle. Accomplir, Servir, Protéger, Se venger, chacun d’entre eux va se poursuivre sa voie, celle qu’il pense être la plus noble, la plus juste, celle qui va se rapprocher le plus de leurs certitudes, de leurs croyances.

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Taylor Sheridan adore mettre en avant des rivalités entre individus, au travers de conflits d’intérêts, mais également mettre en scène ses personnages dans des décors naturels rudes (désert, étendues montagneuses, villes isolées du reste du monde…), comme c’est le cas dans Comencheria ou Wind River. Avec Sicario : La Guerre des Cartels, Sheridan continue de confronter ses héros à leurs propres convictions, dans un environnement abrupt, où finalement, le danger est partout, même à côté de soi.
Une écriture intelligente, qui met davantage en lumière le personnage incarné par Benicio Del Toro, nouvelle icône héroïque de cette future trilogie, donc. Une icônisation voulue et qui offre plus de profondeur à Matt Glaver, que l’homme brutal et sanguin présenté dans le premier volet. C’est notamment grâce à une sous-intrigue introduisant la jeune Isabela Reyes (Isabela Moner), fille de Carlos Reyes, ancien chef de Cartels et commanditaire de l’assassinat de la fille de Glaver. En se prenant d’affection pour elle, Taylor Sheridan donne alors à son héros plus d’épaisseur, tout en maintenant le côté mystérieux de son personnage, qui fait le charme de son personnage dans l’opus précédent.  
D’ailleurs, les séquences entre Matt et Isabela sont parmi les plus poignantes et les plus sincères de Sicario : La Guerre des Cartels, Benicio Del Toro livrant, une fois encore, une magistrale leçon d’interprétation (et entre nous, il est meilleur dans ce genre de rôle, que dans celui du clown chez Marvel Studios). Avoir un tel talent dans ses rangs et le réduire au comique de base étage, c’est un pur gâchis). Son regard froid mais compatissant, attire la sympathie et on comprend pourquoi Benicio Del Toro est/sera la vedette de Sicario.

Cette bataille idéologique va donc supplanter l’intrigue principale, prendre ouvertement sa place et ainsi ouvrir à une nouvelle histoire, pour un éventuel Sicario 3. Cependant, certains regrettent ce choix, puisque le complot visant à détruire les Cartels de l’intérieur est totalement évincé au prix d’une confrontation, qui n’a pour l’instant aucun dénouement. Un reproche que je peux comprendre, mais l’erreur, selon moi, à été de vouloir créer un tissu scénaristique à une échelle trop conséquente, qui aurait eu, de toute façon, un dénouement moins efficace que ce qui a été proposé là.

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Concernant réalisation/photographie, elle est forcément moins aboutie et moins ambitieuse que pour Sicario 1. Il faut dire que Denis Villeneuve arrive à donner une ambiance très particulière à des films apparemment basique aux premiers abords (Prisoners et Enemy en sont sûrement les meilleurs exemples), mais ce n’est malheureusement pas le cas du réalisateur italien Stefano Sollima. Ce n’est pas un mauvais réalisateur – ses scènes d’actions sont impeccables, violentes et organisée -, mais il n’arrive jamais à reproduire l’atmosphère pesante, sale et poussiéreuse du premier volet, pourtant essentiel à ce genre d’histoires, qui sont souvent fades et peu originales.
Bien entendu, chaque cinéaste à sa propre patte et doit se démarquer de son prédécesseur, mais la beauté de Sicario résidait notamment dans sa photographie, et il est dommageable qu’elle ait été évincée pour quelque chose de plus classique et de plus lumineux.
Il faut dire qu’à la photographie, nous avons Dariusz Wolski, qui n’a pas été très audacieux sur les derniers Pirates des Caraïbes, ni sur les derniers films de Ridley Scott (Prometheus, Alien : Convenant…), malgré des qualités indéniables sur The Walk, Seul sur Mars et Tout l’Argent du Monde

En conclusion, Sicario : La Guerre des Cartels se démarque par un scénario efficace, mettant en lumière le personnage de Benicio Del Toro, dont l’héroïsation, subtile, ajoute un caractère inédit à cette franchise. À l’instar de la trilogie Incassable/Split/Glass et même celle de Captain America, Sicario renouvelle également le genre trilogique au cinéma, en proposant des films avec différents points de vues, tout en ayant un fil conducteur cohérent (histoire, protagonistes…) et en gardant le ton et le genre du premier opus.

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