THE PREDATOR : LE RETOUR DU RETOUR DES RETOURS

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – THE PREDATOR * SPOILERS *

Créature mythique du 7ème art et objet de nombreux fantasmes cinématographiques, le Predator est de retour cette année sur grand écran, après des suites aussi mauvaises (Predators, 2010) qu’inutiles (Alien v Predator, Requiem), qui n’auront jamais la même saveur que le premier opus, réalisé par John McTiernan en 1987 et mettant en scène une des plus belles rencontres du cinéma entre un extra-terrestre surpuissant à la technologie dévastatrice et un Arnold Schwarzeneger bodybuildé, dans une jungle inhospitalière d’Amérique Centrale.
Signé Shane Black (Iron Man 3), ce Predator nouvelle génération est une suite directe de Predator 2, une intrigue qui se déroule donc 28 ans plus tard, dont l’objectif était d’apporter quelques réponses à leur venue sur Terre, mais surtout, ouvrir la voie à une nouvelle ère prédatrice, trancheuse de box-office, sans trop se fouler les méninges.

Un scénario bancal

Autant Shane Black peut accomplir des merveilles en tant que scénariste (L‘Arme Fatale, Le Dernier Samaritain), autant, il est capable de délivrer des scripts totalement foireux, comme c’est le cas avec The Predator. Son problème ? La nostalgie. En effet, lorsque le cinéaste doit réaliser un blockbuster, il reste coincé dans une époque révolue, celle des années 80/90, où forcer le trait sur des personnages et des situations ne posait aucun problème, avait même un certain charme, leur conférant alors ce désormais statut culte. Une ère dominée par les Terminator, les Rambo et les Rocky, en passant par les petits films d’action (Volte-Face, Speed, Piège de Cristal) et la SF (Jurrasic Park, Independence Day) que beaucoup regrette, car tout était à bâtir et donc neuf, original et où l’admiration pour les effets spéciaux naissant surpassaient l’envie de s’attarder sur les incohérences scénaristiques et les dialogues un peu kitchs. Quels films d’action des années 2000/2010 pourront se targuer d’être encore aussi culte d’ici 50 ans ?
Malheureusement, en 2018, ce genre de blockbusters légers, parfois à la limite de la caricature, mais extrêmement bien foutus malgré tout (notamment ceux mettant en lumière les acteurs bodybuildés que sont Stallone, Scwharzy ou Van Damme), ne fonctionnent plus.
Ainsi, The Predator est un produit fade, sans ambition artistique, au scénario plat, rythmé par des dialogues nullissimes – et qui ont même la vantardise de se prétendre drôles (Quinn : Il faut foutre le camp d’ici. Casey : Ça tombe bien, mon deuxième prénom, c’est foutre le camp  » – voyez le niveau d’écriture !) -, mettant en scène des personnages caricaturaux, voire totalement idiots, pour ajouter ce côté humoristique dont je parlais. Mais n’est pas Marvel Studios qui veut, et après un passage chez eux, on pensait que Shane Black aurait compris le style d’un humour maîtrisé, mais, non seulement, il ne l’est pas, mais en plus, c’est un humour trivial/sexuel bête et absolument pas hilarant.

L’histoire est simple. Un nouveau Predator se crache sur Terre (après une bataille dans l’espace de quelques secondes, vraiment pas prenante et mal filmé), alors qu’il est poursuivi par un Predator mutant 2.0. Le premier se retrouve prisonnier dans un laboratoire secret où il est étudié, avant de s’échapper pour récupérer, on ne sait un objet important (j’avoue, je n’ai pas compris cette partie, c’est moyennement bien expliqué et mal-améné), mais qui permettrait à l’humanité d’affronter la venue d’autres Predator dans les années à venir. Parce que oui, les Predator attendent que la Nature se rebelle et détruise l’Humanité (ils sont patients !) pour coloniser notre planète.
Voilà pour les bases.
Vous l’aurez compris à la lecture du résumé, rien de folichon dans ce scénario à la tendance hollywoodienne actuelle, formaté et conventionnelle, sous couvert d’une morale écologique qui ne sera jamais développée, simplement évoquée, sans que personne ne se remette jamais en question sur ce sujet-là.
Et pour combler ce vide scénaristique, The Predator enchaîne les scènes d’actions (on y reviendra plus tard) à une vitesse ahurissante. Pour passer d’une séquence d’action à l’autre, le scénario est bourré d’incompréhensions/facilités scénaristique et la plus flagrante est sans toute celle, où le personnage de Quinn McKenna juge bon d’envoyer le casque et le bracelet d’un extra-terrestre au domicile où habitent son fils et son ex-femme. Tout ça pour intégrer un enfant au casting et ameuter un nouveau public en salles, mais n’y avait-il pas des moyens plus intelligents de le faire ? À aucun moment Quinn ne s’est posé la question de savoir si sa décision s’avérerait dangereux pour son fils d’envoyer un colis, que le Predator pourrait facilement localiser ?
Vouloir que l’intrigue se développe rapidement pour donner un rythme soutenu et voir le Predator en action le plus souvent possible, pourquoi pas, mais si cela doit se faire au détriment de toutes cohérences, alors c’est NON !

Enfin, pourrait-on m’expliquer pourquoi en 31 ans, aucune arme n’a été créée pour contrer la technologie des Predators ? Personne n’a envisagé leur retour et anticiper la fabrication d’armes extra-terrestres pour se défendre dans l’avenir ? Bizarre !

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Des personnages caricaturaux

Je le disais un peu plus haut, ce qui fonctionnait dans les années 80/90 ne fonctionne plus dans le blockbuster moderne du XXIème siècle, notamment dans le choix des personnages et leurs traitements personnels et psychologiques. Ici donc, rien de nouveau, nous avons le héros blanc, blond, beau gosse, irréprochable dans ses fonctions militaires, père de famille un peu absent, dont on sait pertinemment qu’il ne lui arrivera rien de dramatique. Viens logiquement la bande à tonton, des mercenaires dont les seuls objectifs sont de servir de gibier au Predator. Un latino, deux noirs, un asiat, une chinoise, un handicapé avec la petite nouveauté et qu’il est atteint de Gille de la Tourette (pratique pour placer des blagues de culs !) et vous avez la meilleure brochette de clichés possible. Si encore chacun avait une spécialité bien précise et utile à l’intrigue (informatique, infiltration…) cela aurait épuré un peu cette histoire bas de gamme et permis d’avoir des protagonistes plus ou moins intéressants, mais, ces derniers passent leur temps à faire des blagues dans les moments  » calmes  » (peu nombreuses heureusement). Et j’en reviens par conséquent au scénario. Lorsqu’il s’agit de blablater, ce n’est jamais pour préparer un plan d’attaque ou pour parler science avec intelligence, mais pour détendre l’atmosphère, dédramatiser les situations. Sauf qu’à trop cherché le rire du spectateur, on ne prend plus le film au sérieux, ni l’intensité de la menace. On passe alors d’un long-métrage de science-fiction à une vieille série B, déposséder de subtilité et de perspicacité. Vous voulez un autre exemple ?

À quel moment l’autisme permet-il de lire et comprendre un langage extra-terrestre ? Shane Black vous dira certainement de ne pas prêter attention à ce genre de détails. C’est un fait et voilà. Ne nous embarrassons pas de trop de complications, le scénario est déjà assez complexe comme ça. IRONIE.
Plus sérieusement, il y avait pourtant une idée intéressante à creuser, celle des sons. Le jeune garçon est, en effet, sensible aux bruits trop forts et stridents (alarmes…) et la compréhension et la communication entre lui, les Predators et leurs langages auraient pu alors s’apprivoiser via des fréquences. Pourquoi ignorer totalement tous les aspects scientifiques du film à ce point-là ? Bien sûr, c’est souvent ennuyant et Shane Black le sait, mais il y a une différence entre rien n’expliquer pour ne pas assommer le spectateur avec des futilités et le prendre pour un idiot, en ne lui servant qu’un ramassis d’action, pour l’abrutir.
Cependant, Jacob Tremblay, qui interprète Rory McKenna, tire son épingle du jeu au milieu de tous ces protagonistes un peu con-con et malgré une écriture sans envergure (autisme = exclusion = des camarades de classe méchants).

Et doit-on évoquer sa maman ? L’ultime caricature de la mère forte qui tient tête aux agents fédéraux parce que ça fait badass. La lutte pour le féminisme à Hollywood à encore de beaux jours devant lui !

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Une réalisation fade

Finissons sur la réalisation. Si le travail de Shane Black sur Iron Man 3 contenait quelques belles ambitions, avec The Predator, on peut dire qu’il ne s’est franchement pas cassé les noisettes pour proposer au public des séquences plus travaillées et audacieuses. Les combats n’ont pas d’âmes et ont déjà été vus et revus des dizaines de milliers de fois dans les blockbusters, que ce soit dans la façon de filmer, de cadrer ou dans les chorégraphies. Une œuvre bâclée, jusqu’à son final dans la jungle, où il n’y strictement aucune volonté d’exploiter l’environnement comme une arme (à l’instar du premier volet) pour mettre en scène un affrontement poignant, sous haute-tension.
Même les Predators n’ont pas changé. Mêmes allures, même technologies, mêmes armes. Seule nouveauté, les chiens Predator, un ajout qui n’apporte rien au film sur la durée, tout comme le Prédator mutant dont le sujet, pourtant essentiel, de la mutation, est totalement évincée du film une fois évoqué.

En conclusion. Nostalgique des années 80, The Predator vous séduira pour sa structure narrative de séries B et le traitement cliché de ses personnages. Pour les autres, qui cherchent un cinéma plus attentif aux constructions scénaristiques, au développement des protagonistes et aux mises en scène pointilleuses, passez votre chemin, il n’y rien à voir, sauf le néant. En effet, The Predator est un film vide de tout propos, de sens, sans saveur, comme beaucoup de blockbusters d’aujourd’hui où la feignantisse à remplacer la créativité.

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