LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – CASSE-NOISETTE ET LES QUATRE ROYAUMES * SPOILERS *
Sur le papier, l’adaptation du conte allemand d’Ernst Theodor Amadeus Hoffman, Casse-Noisette et le Roi des Souris, était plutôt alléchante.
Parmi ces éléments alléchants, le choix des réalisateurs. Lasse Hallström, amateur de comédies en tous genres (Les Recettes du Bonheur, Casanova, Mes vies de chien…) et Joe Johnston (Chéri, j’ai rétréci les gosses, Jumanji et le sous-estimé Captain America : The First Avengers), qui organisera les reshoots du film sur 32 jours, d’où sa présence au générique en tant que co-réalisateur. D’autant que ce dernier est habitué aux fictions bien huilées comme celles estampillées Disney puisqu’il a travaillé en tant que directeur artistique sur deux opus de la saga Indiana Jones et la trilogie Star Wars (Épisode IV, V, VI). Ce n’est clairement pas un amateur, loin de là, malgré quelques loupés (Jurassic Park III), mais qui n’en a jamais eu ?
– La perspective d’une reprise du ballet Casse-Noisette avec deux danseurs classiques professionnels, Misty Copeland et Sergeï Polunin.
– Une bande-originale rythmée de quelques musiques composées par Piotr Illitch Tchaïkovski et remisent au goût du jour par James Newton Howard, auteur de chefs-d’œuvre musicaux sur des longs-métrages tels que Sixième Sens, Incassable, Batman Begins et tant d’autres. Il est également familier aux univers fantastiques associés aux contes puisqu’il a récemment harmonisé Peter Pan, Blanche-Neige et Le Chasseur ou encore Maléfique. De quoi nous rassurer.
Enfin, un casting osé. Mackenzie Foy, qui sort tout juste de Twilight et La Grande Muraille, pas évident de rebondir après ça, malgré des présences convaincantes, entre temps, dans Conjuring : Les Dossiers de Warren et Interstellar, Keira Knightley, Helen Mirren et Morgan Freeman, qu’on ne présente plus.
Tout allait donc pour le mieux, sauf que cette version du conte Casse-Noisette est finalement beaucoup trop édulcorée, que ce soit dans son intrigue ou le développement de ses personnages. Certes, il s’agit d’une production Disney, production destinée à un jeune public, mais, même les plus jeunes ont le droit à des films mieux traités, plus surprenants, plus fantaisistes. Et Casse-Noisette et les Quatre Royaumes passe totalement à côté de tout ça.
Une galerie de personnages sans âme
Le véritable point faible de cette œuvre réside dans ses personnages et leur traitement, notamment son héroïne, Clara Stahlbaum. Orpheline de mère, repliée sur elle-même, ne franchissant jamais les limites du monde réel lui préférant les folies de la création scientifique, Clara est finalement projetée dans un univers fantastique, où elle apprendra que sa mère en était Reine. Avec un point de départ pareil, on pourrait donc croire qu’il allait être aisé de s’identifier à elle. Malheureusement, sa souffrance, sa douleur, ce sentiment de non-appartenance, n’est que brièvement évoqué, rendant le personnage inaccessible à nos yeux. L’accessibilité est une caractéristique pourtant essentielle pour un héros dans le processus d’identification du spectateur, afin que ces derniers partagent avec le protagoniste principal les mêmes affects et qu’ils puissent évoluer ensemble tout au long du film. D’autant que tout va très vite. Elle accepte son rôle de Princesse et de Sauveuse assez rapidement, sans grande réticence, prend la tête d’une petite armée et combat les méchants avec une aisance impressionnante pour une fille de son âge. Il n’y a aucune période de doute, aucun évènement majeur qui pourrait la faire basculer dans une profonde remise en question, aucun rebondissement en ce qui concerne ses affaires familiales (qui a tué sa mère ?, le temps étant pratiquement figé de l’autre coté, son père, son frère et sa sœur sont isolés, amputant l’intrigue d’une part importante dans l’évolution du personnage de Clara ; le Parrain, campé par Morgan Freeman est tout ce qu’il y de plus banal, alors qu’une petite fourberie aurait été la bienvenue, etc…) afin de créer une tension dramatique et des enjeux plus élevés. À la fin, elle sort des Quatre Royaumes et se réintègre au monde réel sans effort apparent, comme si de rien n’était et devient plus encline à se faire une place dans la société. Easy !
Concernant l’aspect inventeur de Clara, jamais les scénaristes n’utilisent les capacités créatives de leur personnage, pour mêler avec habileté, science et féerie. Et non, enlever une misérable pièce à une machine, ce n’est pas de l’ingéniosité ! Il manque à Clara, plus de scènes de création, de débrouillardise, qui mettent en avant ses capacités intellectuelles, face au danger.
Quant à la méchante, la Fée Dragée, incarnée par Keira Knightley, ses motivations sont d’une incompréhension totale. Cette dernière souhaite en effet dominer les Quatre Royaumes… * suspens * … parce qu’elle est triste de la disparition de la mère de Clara, l’ancienne Reine. Seriously ?
Les vilains sont les piliers d’une histoire, conte pour enfants ou pas, il faut malgré tout qu’un antagoniste inspire la peur, qu’elle soit la personnification de la méchanceté pure, tout en restant en adéquation avec son histoire personnelle, son passé, pour davantage de relief à sa psychologie (car on ne naît pas méchant, on le devient, par des concours de circonstances). Être méchant pour être méchant, comme c’est le cas ici, sans réelle raison, n’a strictement aucun intérêt.
Et quitte à rester dans le cliché, autant mettre en scène une Fée assoiffée de pouvoir, attirée par la domination totale. Au moins, les objectifs auraient été certes plus lisses, mais plus clairs.
Je vous passe également les rôles secondaires. Que ce soit Casse-Noisette, La Mère Gingembre, Hawthorne, Shiver, le Parrain ou Le Roi des Souris, ils sont tous quasi-inexistants et inutiles à l’intrigue.
Un environnement sous-exploité
Concernant l’environnement, c’est une totale déception. On ne voit des Quatre Royaumes (notamment, La Terre des Bonbons, la Terre des Fleurs et la Terre des Flocons de Neige) que quelques plans d’environ une dizaine de secondes, au travers une ellipse temporelle, où Clara découvrait toutes ces Terres, après son arrivée. Aucun décor n’est traversé pour d’éventuelles quêtes, chercher un objet utile à l’intrigue ou recruter des alliés. Avec un budget de 120 000 millions de dollars, on était en droit de s’attendre à davantage de scènes aux quatre coins des royaumes, car ce qui manque cruellement au film, ce sont des séquences féeriques, poétiques, dont les enfants et les adultes sont friands et lorsqu’on limite une production à deux décors (le château et la forêt) on perd alors en immersion et donc en magie, en merveilleux.
Enfin, on ne reprochera pas une nouvelle fois à Disney d’avoir léché sa réalisation et ses images de synthèse très réalistes et colorées, ainsi que les costumes, toujours travaillés avec une grande précision. Tout comme les scènes de ballets, incroyablement réussies sur le plan technique, mais également sur le plan de la mise en scène, malgré peut-être, l’exécution un peu rapide de l’histoire des Quatre Royaumes sur le premier ballet.
Dernier point décevant, la troisième partie du long-métrage manquait d’une vraie bataille finale, d’un vrai moment d’émotion et de suspens. L’affrontement entre le Roi des Souris, Casse-Noisette et les soldats crées par la Fée Dragée dans la forêt est d’une médiocrité atterrante, avec cet espace boisée mal exploité, donnant l’impression d’une séquence brouillonne, filmée à la va-vite, sans recherche d’une quelconque ambition artistique.
On oubliera aussi celle dans l’usine à jouets, où, comme je le précisais plus haut, l’ingéniosité et la créativité de Clara sont passées sous silence alors qu’avec un peu de roublardise, cela aurait permis de livrer une séquence d’action plus fun et moins conventionnelle.
En conclusion, Casse-Noisette et les Quatre Royaume à ce goût amer de travail inachevé. Aucune recherche sérieuse sur le monde à exploiter, sur les capacités des Terres à offrir des moments magiques et la façon dont les personnages auraient pu évoluer en leur sein. Aucune prise de risques sur un scénario vide de sens, de rebondissements, d’ambitions.
Le format en est la principale cause. 1h40 (1h30 sans compter le générique) est une durée trop courte pour caser une aventure palpitante à travers plusieurs contrées, donner une dimension plus héroïque à une intrigue où le temps joue contre elle et offrir une bataille finale plus prenante, plus poignante. Mais cela n’excuse pas tout. L’évincement des caractéristiques de Clara, les légères motivations de la Fée Dragée, l’absence d’un rebondissement familial, sont impardonnables. Il y a avait des possibilités d’écriture plus intelligentes, pour qui voulait bien réfléchir un minimum.