7 QUESTIONS À LAURENT BOURDON : LES PÉPITES DE LA CRITIQUE CINÉMA

Journaliste et chroniqueur cinéphile ayant officié sur plusieurs radios dont Radio Classique, Europe 2 ou encore France Inter, mais également écrivain (Dictionnaire Hitchcock, Chabrol se met à table, Définitivement Belmondo), Laurent Bourdon revient en cette fin année 2018 avec un nouvel ouvrage : « Les pépites de la critique cinéma, les plus drôles, les plus impertinentes, les plus assassines…  » Un recueil donc, vous l’aurez compris, qui recense le meilleur de la critique cinématographique. Tout y passe, chefs-d’œuvre, films cultes, nanars, aucune production n’est épargnée.

Qu’est-ce qui vous a poussé à recueillir les critiques « les plus drôles, les plus impertinentes, les plus assassines » dans un livre ?

En écrivant mon livre précédent, Définitivement Belmondo chez Larousse, j’ai découvert tout ce qu’avait écrit ou dit la critique française sur la star. La méchanceté et/ou la drôlerie de certains articles m’ont donné l’idée d’un florilège, plein de critiques drôles, impertinentes ou assassines. C’est, à la fois, un livre qui se moque des critiques mais qui, aussi, rend hommage aux plus talentueux d’entre eux. Pour écrire, comme l’a fait Éric Neuhoff du Figaro à propos de l’Amant double de François Ozon, « C’est pas l’Amant double, c’est lamentable », il faut avoir un certain talent. De même pour Jean-Paul Grousset qui, à propos du Secret de Brokeback Mountain, écrivit dans le Canard enchaîné : « Ang Lee mérite d’être salué avec les égards dus à son ranch. ».

Il y a des critiques vraiment très dures, celle sur Matrix notamment « Keanu Reeves a beau avoir arrêté son régime à la pizza, il joue toujours comme un anchois », pour ne citer que celle-ci et bien entendu, c’est drôle, mais est-ce le but d’un critique d’être aussi virulent envers une œuvre cinématographique ? C’est d’ailleurs un reproche qu’on fait souvent aux critiques cinéma, le manque de modération dans leurs propos. Ou est-ce simplement la recherche de la phrase choc, du buzz ?

En effet, la critique cherche souvent la phrase choc. La formule qui fera sourire, au détriment de ceux qui ont travaillé longuement sur le film et qui y ont cru. En trois lignes, voire trois mots, un critique peut flinguer des années de travail, et souvent avec mépris, avec dédain. J’ai aussi voulu montrer cela dans ce livre. Dire, à propos de Lola Montès, de Max Ophuls, « On croirait se promener à travers une tête de veau », ça rime à quoi ?

Certains ne prennent même pas la peine d’aller voir le film : « J‘ai beaucoup aimé, je ne l’ai pas vu » – Nicolas Schaller, Brillantissime, est-ce que mettre en avant des critiques de ce genre dans votre ouvrage ne crédibilise pas le métier de critique cinéma ?

Honnêtement, je ne suis pas très sûr que ce Nicolas Schaller n’ait pas vu Brillantissime. De même, lorsque Éric Neuhoff (encore lui) lance au micro du Masque et la Plume, sur France Inter, à propos des Tuche 3, « Je n’avais pas vu les deux premiers, alors j’ai du mal à resituer l’œuvre dans son contexte », je ne suis pas sûr qu’il dise la vérité. Quoi qu’il en soit, c’est évidemment pour faire un mot, pour faire rire. Je crois vraiment qu’aujourd’hui, peu de critiques parlent d’un film sans l’avoir vu. Enfin, j’espère !

Quelle est la citation préférée de votre ouvrage ?

Question difficile ! Disons que lorsque j’ai entendu, au Masque et la Plume, Gérard Lefort, le critique de Libération, déclarer à propos de la Lune dans Le caniveau (1983) de Jean-Jacques Beineix, « Ce film est nullissime… mais j’ai pas envie d’en dire du mal », là je me suis dis qu’il y avait vraiment quelque chose à faire !

Votre livre recueille des critiques de films des années 30, 50, 60, 70 et il faut parfois une culture cinéphilique assez importante pour rire et comprendre les critiques/références, ce qui peut donc être excluant. Avez-vous pour projet de recenser dans un prochain recueil, des critiques sur des productions plus grand public, afin de cibler un lectorat plus jeune ?

Cette question me pose un gros problème car, en citant la Grande Vadrouille, Les dents de la mer, E.T. l’Extraterrestre, Massacre à la tronçonneuse, Mort à Venise ou Titanic, je ne pensais pas m’adresser aux seuls cinéphiles purs et durs, versions Cahiers du cinéma, mais plutôt, à un public large qui aime le cinéma, voir à un public jeune. Je me suis même intéressé à ce qui a été dis sur Fast and Furious : « Une bonne bagnole est une bagnole morte » ; Fast & Furious 8 : « Ça ne va pas très loin, mais ça y va » ; voire Taxi 5 : « On n’est pas loin de la panne sèche. » C’est dire que le rat de cinémathèque ne fut pas ma cible !

Comment percevez-vous l’évolution du cinéma, entre les nouvelles sagas qu’on étire jusqu’à épuisement, les désormais univers partagés que chaque studio tente de construire sur le modèle de Marvel Studios et les nombreux remake/reboot ? Hollywood, est-il réellement en panne d’imagination ?

J’avoue ne pas être très au courant de l’actualité cinématographique d’aujourd’hui. Cependant, il me semble qu’Hollywood, en effet, n’est plus ce qu’il était et que le petit écran – de plus en plus grand – le dépasse en terme de créativité. Ne m’en demandez pas davantage, je travaille actuellement sur deux projets, l’un consacré à Claude Chabrol, l’autre à un comédien né en 1920. Alors !…

En conclusion, quel est selon la recette d’une bonne critique ?

Il me semble que le bon critique analyse le film réalisé par le réalisateur, et non le film qu’il s’est imaginé aller voir. C’est pourtant très souvent le cas. Il ne faut pas d’à priori. Accepter l’inattendu. L’autre solution est de faire comme Claude Chabrol, du temps où il était critique aux Cahiers du cinéma : « Ne parler que des films que l’on aime. ».

* Question bonus *

Le meilleur film de l’année 2018 ?

Parmi les rares films vus en 2018 : Au Poste ! Comédie belge inattendue et cocasse, pleine d’invention et de drôlerie.

Le pire film de l’année 2018 ?

Parmi les rares films vus en 2018 : Ni juge, ni soumise. Documentaire mis en scène d’une manière tout aussi factice que la série télé belge Strip-tease. D’ailleurs, du même réalisateur !

PS : Je ne vais pas voir que des films belges !

Merci à Laurent Bourdon d’avoir accepté cet entretien.
Si vous avez des amateurs de cinéma ou cinéphiles confirmés dans votre entourage, glissez donc « Les pépites de la critique cinéma, les drôles, les plus impertinentes, les plus assassines…  », sous votre sapin, assurément, vous ferez des heureux !

Vous pouvez commander l’ouvrage de Laurent Bourdon, directement sur le site internet de la maison d’édition Dunod, ici. Ainsi que sur toutes les plateformes de vente en ligne : Fnac, Amazon…

Crédit photo : Ouest France

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