BIENVENUE À MARWEN : LA DOUCE MÉLODIE DE ROBERT ZEMECKIS

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – BIENVENUE À MARWEN * SPOILERS *

Robert Zemeckis est certainement l’un des cinéastes hollywoodiens les plus doués, quand il s’agit de raconter des aventures humaines, parfois tirées de faits réels. Forrest Gump, Seul au monde, Flight et même The Walk, sont des modèles d’écriture et de mises en scène, pour des générations de jeunes réalisateurs. Et avec Bienvenue à Marwen, le créateur de la saga culte Retour Vers le Futur, prouve, une fois encore, qu’à 66 ans, il est toujours un conteur hors-pair, un incroyable faiseur d’histoires.

SYNOPSIS : Après s’être fait tabasser dans un bar, Mark Hogancamp est resté plusieurs jours dans le coma. À son réveil, il est frappé d’amnésie. Il va alors se créer un monde imaginaire, Marwen, un village belge fictif durant la Seconde Guerre Mondiale. La création de ce village en miniature devient une obsession. Comme une auto-thérapie, Mark invente des lieux imaginaires qu’il peuple avec des poupées représentant principalement des femmes de son entourage et de son passé. Dans ce monde imaginaire, son alter ego Captain Hogie côtoie ainsi la sorcière belge Deja Thoris, GI Julie ou encore Caralala. Tout cela lui redonne la force physique et mentale nécessaire pour le retour à la réalité : Mark doit se rendre au procès de ses agresseurs.

Cette histoire est inspirée de faits réels, celle de Mark Hogancamp.
En avril 2000, à la sortie d’un bar de Kingston, dans l’État de New-York, Mark est attaqué par cinq hommes, le laissant pour mort. Son seul crime, avoir confié, quelques minutes plus tôt à ses futurs tortionnaires, qu’il aimait se travestir. Brisé, aussi bien mentalement que physiquement, Mark Hogancamp va retrouver une seconde vie, grâce à l’art, ce que l’on peut découvrir dans le documentaire Marwencol, sortie en 2010, et dont Robert Zemeckis s’est inspiré pour réaliser son long-métrage, Bienvenue à Marwen.
Un film au cœur de l’actualité donc, puisque les agressions LGBT+ se multiplient ces dernières années et, on pense notamment au jeune Marin, tabassé après voir pris la défense d’un couple homosexuel et qui doit, aujourd’hui, réapprendre à vivre.
Ici, notre héros, Mark, a lui perdu tous ses souvenirs datant d’avant son agression, une partie de sa motricité et est sujet à des crises de stress post-traumatique. Il va alors s’offrir une seconde chance en s’aménageant chez lui, un monde de poupées, dont il sera le héros, sous le pseudonyme de Capitaine Hogie. Entouré de cinq belles jeunes femmes, qui représente chacune une habitante de son village, Mark va se construire son propre univers, ses propres histoires et photographier ses poupées dans des pauses aventureuses.

Les principaux ennemis du Capitaine Hogie, des nazis, figures allégoriques des bourreaux de Mark. Ils seront d’ailleurs en permanence au nombre de 5.
Hogie représente ce que Mark ne pourra plus être ou aurait aimé être, un héros à l’image d’un James Bond ou d’un Indiana Jones, un homme charmeur, fort, fier, courageux et combatif, entouré de jeunes femmes à la poitrine généreuse, aux courbes aguicheuses et au visage d’ange. Symbole de ses fantasmes, Mark ne se cache jamais de mettre en avant la beauté féminine, avec sincérité et respect, alors qu’il assume également au grand jour, son fétichisme pour les talons en dotant, notamment, son Capitaine Hogie de ces accessoires féminins. Comme un pied de nez à ses agresseurs.
Pour évoquer sa passion pour les talons, Mark a, en outre, une très belle formule : « Les talons, ce n’est pas un objet fétichiste. C’est la quintessence féminine. ». D’un coup, un simple fétichisme souvent caractérisé par la perversion, devient un acte poétique, presque divin, où la femme est mise sur un piédestal et non considérée comme un vulgaire objet de désir. Lorsque Mark Hogancamp chausse une de ses poupées ou en prend soin, cela est perpétuellement fait dans une opération romantique plutôt que malsaine.

La question désormais : un héros, un homme viril, doit-il être à l’image d’une société encline à nous imposer ses codes esthétiques ? Un preux chevalier doit-il se conformer à une certaine virilité imposée par les nombreuses fables lues aux enfants depuis des siècles ?
En mettant en scène son personnage principal, portant des talons hauts, Robert Zemeckis, même s’il n’invente rien, casse le mythe du héros moderne, celui aux muscles saillants, au sourire ravageur et aux costumes sur-mesure.
Petite note : je vous conseille fortement le film sud-coréen, Le Flic en Haut Talons, vous verrez comment un homme souhaitant devenir une femme, arrive, malgré tout, à mettre des mandales sévères à des mafieux (rires). Magistral ! Ou d’écouter la chanson Kid d’Eddy de Preto. Sublime de vérité !

Quant à la sorcière, c’est le symbole de ses échecs, son subconscient démoniaque, celle qui le ralenti dans ses efforts quotidiens. Ironiquement, en fabriquant cette poupée, il se bâtit lui-même ses barrières, fait naître ses propres obsessions, ses propres peurs. Finalement, comme le disait Tony Stark dans Iron Man 3« Nous créons nos propres démons. ».
Toutefois, un artiste ne met-il jamais en lumière toutes ses phobies, pour mieux les vaincre par la suite ? Les nazis de Mark sont ses ennemis d’hier. Les mettre en scène, chercher une fin à son histoire, c’est aussi, inconsciemment, tenter de trouver une solution à ses problèmes. Et lorsqu’il affronte la méchante sorcière, il a le choix, celui de rester ancré dans un passé moribond ou d’avancer vers le futur, sereinement (ce n’est pas pour rien que sa décision se fait dans la voiture de Retour vers le Futur).

C’est donc l’art, ici, la photographie, qui va servir d’exutoire à son mal-être, à sa timidité, à son manque de courage, tandis qu’il faut se confronter aux personnes qui ont détruit sa vie. En sublimant la réalité avec Marwen, un monde imaginaire et manichéen où tout est possible, Mark va peu à peu retrouver, à la fois une paix intérieure, mais aussi la force d’affronter ses pires cauchemars, dont la sorcière maléfique, digne représentante de ses ambitions perdues (une vie d’artiste, une vie amoureuse, etc…), comme je l’ai exposé précédemment.

Au-delà de cette histoire poignante, sublimée par l’interprétation d’un Steve Carell au sommet, c’est surtout les animations et les prouesses techniques du film que l’on retiendra. Après avoir donné vie à des personnages de cartoons dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ou avec une motion capture peu conventionnelle dans Le Pôle Express, Robert Zemeckis délivre une nouvelle performance artistique pour Bienvenue à Marwen. Ses petites poupées animées (là encore en motion capture) sont d’un réalisme flagrant, arrivent à transmettre des émotions aussi pures que celles d’un vrai acteur, troublent jusqu’à la frontière entre fiction et réalité. La séquence d’introduction, celle où le Capitaine Hogie pilote un avion alors qu’il est poursuivi par des chasseurs allemands, est confondante : est-ce réel ou non ? La peau du personnage, ses articulations, sa voix, tout sonne vrai.
Enfin, les transitions entre scènes « animées » et scènes en prises de vues réelles sont toutes cohérentes avec les ressentis de Mark, son état émotionnel, ses craintes, ses joies, qui brouillent donc cette distinction nette entre le réel et la fiction.

En conclusion, Bienvenue à Marwen, est avant tout un film sur la tolérance, un hymne à la différence, mais également une œuvre pleine d’espoir, pour des millions de personnes touchées par les drames de la vie. L’art comme exutoire, c’est ce que Robert Zemeckis met en lumière ici, avec un certain brio et beaucoup de lyrisme. N’abandonnez jamais !

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