CREED 2 : BOXE, AMOUR ET REVANCHE

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – CREED 2 * SPOILERS *

Tron : L‘Héritage, Le Transporteur : L‘Héritage, Jason Bourne : L‘Héritage, Jigsaw, les sagas « Legacy » n’ont jamais réellement brillé par leur originalité et ont souvent été des gros fours au box-office, toutefois, Creed : L‘Héritage de Rocky Balboa, s’il n’a pas eu un énorme succès financier (173 millions de dollars récoltés dans le monde, mais avec seulement un budget de 35 millions ce n’est pas un échec) a su séduire les nostalgiques et la critique, comparé à ses précédents rivaux. Et nous voilà donc avec une suite, sobrement intitulée Creed II (faut pas trop se fouler hein !), un second opus où Adonis Creed, va affronter le fils de l’homme qui a tué son père. Subtil !

À la réalisation, Steven Capble Jr., le nouveau chouchou d’Hollywood, depuis un premier long-métrage adulé par la critique en 2016, The Land. Fort de ce succès, il est officialisé, l’année suivante, pour prendre en main ce nouvel opus de Creed, tandis que le cinéaste Ryan Coogler était, lui, occupé du côté de chez Marvel Studios avec Black Panther.
Du côté du scénario, Juel Taylor et Sylvester Stallone, succède donc à Ryan Coogler (également scénariste) et Aaron Covington et, le problème du film réside peut-être ici. Car, si la mise en scène de Steven Capble Jr. est plutôt bonne, Creed II souffre cependant d’un schéma scénaristique trop basique, trop classique, sans réels rebondissements pour surprendre le spectateur et ainsi donner à l’ensemble, un caractère moins lisse.
Pour résumer : une histoire de vengeance, la fierté et l’arrogance du héros qui lui coûte la « victoire », les questions existentielles clichés liés à la paternité et la confrontation avec la famille, le coach et l’élève qui s’embrouillent, mais finissent par se réconcilier et l’affrontement final, sous haute-tension, que le héros remporte, humiliant son adversaire sur son propre terrain. En somme, rien de nouveau sous le soleil du 7ème art. Et s’il y a une progression dans l’évolution des personnages, notamment d’un point de vue familiale, émotionnellement parlant, on a dû mal à s’investir dans les multiples épreuves que subit Adonis Creed, puisque tout semble se régler avec une simplicité déconcertante.
Les problèmes avec sa femme, la naissance de sa fille et surtout les épreuves qu’il doit surmonter après la « perte » de son combat, ne sont qu’une succession de séquences qu’on abrège, comme si elles n’avaient pas d’importance.
Dans ce cas, pourquoi mettre en scène une confrontation entre Adonis et sa mère, si elle n’a pas d’objectif précis dans la réflexion du héros sur ses choix futurs ? Pourquoi les « problèmes conjugaux » ne sont-ils pas plus pertinents ? Pourquoi évoquer la carrière musicale de Bianca et la surdité de sa fille, si ce n’est pas pour leur donner une raison d’exister et de véritables conclusions narratives ? Les scénaristes collent des sous-intrigues à gogo, mais ne les exploitent jamais, pour offrir une envergure dramatique et des enjeux plus profonds à un film qui manque cruellement de finesse. Quant à ses blessures physiques, aucun souci, Adonis est remis sur pied en l’espace d’un quart d’heure, alors qu’il aurait été plus efficace de développer davantage les répercussions d’une souffrance psychologique liée à une violente défaite et les difficultés d’une rééducation.

Il y avait également un autre moyen d’enrichir ce scénario, du côté des Drago.
Effectivement, le personnage le plus intéressant est le fils d’Ivan Drago, Viktor Drago. Élevé par son père, vaincu par Rocky Balboa quelques décennies plutôt, Viktor a donc été éduqué dans cette haine du passé, dans les ambitions et les espoirs de ce dernier, qui rêve de retrouver sa gloire d’antan et l’amour de sa mère patrie, la Russie, un pays où il n’a plus sa place depuis sa défaite. Ce jour-là, Ivan avait aussi perdu jusqu’à l’amour de sa femme, et c’est en nourrissant cette rage qu’il a élevé son propre fils, une façon égoïste, de récupérer les sollicitations des grandes pontes de Russie, comme on peut le voir dans la séquence où il est invité, lui et Viktor, chez des milliardaires russes.
Toute cette partie aurait été intéressante à développer, au travers de flashbacks, des scènes sur l’après-match entre Ivan et Rocky et la façon brutale dont il a été lâché par son pays et les gens qui étaient censés l’aimer, mais aussi sur la jeunesse de Viktor, la manière avec laquelle il a dû gérer cette perte maternelle et cette éducation agressive, avec des séquences plus intimistes, pour s’imprégner de sa douleur et mieux comprendre l’intensité et l’impact des enjeux.
Malheureusement, mettre en scène des héros américains et plus vendeur que des protagonistes russes qui, continuellement, seront toujours les ennemis des États-Unis d’Amérique. Soulignons, malgré tout, la fin du film et cette séance de sport entre père et fils, touchante, où les liens fraternels se dessinent alors qu’Ivan saisit enfin qu’on ne peut pas perpétuellement cultiver la haine de l’autre ou enseigner que seul compte l’amour de sa nation. Un très beau moment.

Creed II est cependant sauvé par sa réalisation, notamment celle concernant les séquences sur le ring. Le second duel entre Creed et Drago, même si on en connaît le dénouement final, est d’une ampleur dramatique palpitante et d’un suspens haletant, une sensation due en partie grâce à la violence des coups portés, accentuée par quelques ralentis bien placés et un mixage son/bruitage sonore percutant.s, à tel point qu’on ressent les coups donnés, comme si nous les recevions nous-mêmes. Et quand Drago tombe au tapis, c’est un énorme soulagement, nous pouvons enfin respirer et arrêter de retenir notre souffle. Arriver à donner une telle puissance à une séquence, où l’on connaît d’avance le résultat, est un vrai tour de force et rien que pour ça, Creed II est une réussite.

Le contexte politique

Forcément, lorsque l’on analyse Creed II, on se rend rapidement compte qu’il a de nombreux points communs avec Rocky IV, dont l’affrontement entre le gentil américain et le méchant russe. À cette époque, nous sommes en pleine guerre froide, et Stallone symbolise alors le rêve américain, tandis que Rocky, représente le héros dont l’Amérique a besoin pour mettre au tapis le régime communiste. Une guerre idéologique entre les deux blocs, que dépeint sans délicatesse ce quatrième opus. Et même si cela pouvait paraître cliché à certains moments, il y avait une forme de légitimité historique à raconter cette histoire qui, quoi qu’on en dise, donnait des enjeux à la fois passionnants et déchirants à l’ensemble. Mais aujourd’hui, quel intérêt de faire s’affronter sur un ring le petit gars de Philadelphie devenu champion du monde de boxe poids lourds et un antagoniste tout droit venu des fins fonds de la Russie ? Aucun, si ce n’est rappelé avec arrogance la supériorité américaine sur un autre pays. D’autant que le contexte historique et politique étant différent, l’impact sur l’intrigue s’en trouve atrophié.

Restera, comme Rocky IV, ce joli message d’espoir à la fin du film ici, la séquence père/fils, souffrant ensemble et renouant des liens forts, comme je le soulignais précédemment.

Adieu Rocky Balboa

Enfin, l’une des scènes les plus émouvantes et qui conclut l’histoire Rocky Balbo est celle où l’ancienne gloire de la boxe décide de rendre visite à son fils, après des années d’absence. C’est alors un Sylvester Stallone toute en finesse qui apparaît à l’écran, humble, d’une sincérité confondante, un moment délicieux et une belle fin pour ce personnage culte que fût Rocky Balboa depuis 43 ans. Une légende cinématographique qui aura connu le meilleur, le pire, côtoyant le sublime et le grotesque, rivalisant à la fois avec l’inoubliable et la bêtise.

En conclusion, Creed II est un divertissement efficace, néanmoins, les facilités et maladresses scénaristiques gâchent la totalité d’un métrage où l’ambition semble avoir été évincée au profit d’un mépris narratif assez cucul.
Heureusement, les acteurs sauvent le film de la noyade et surnagent dans cet océan, où règne donc une paraisse d’écriture absolument prodigieuse.

 

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