L’INTERVENTION : LA NAISSANCE DU GIGN

En février 1976, à Djibouti (colonie française), des terroristes indépendantistes prennent en otage un bus assurant la tournée de ramassage scolaire d’enfants de militaires français. Le bus s’enlise à une centaine de mètres de la frontière avec la Somalie, à Loyada. Les autorités françaises envoient alors sur place une unité de tireurs d’élite de la Gendarmerie Nationale Française. Cette équipe va devoir mener une opération à haut risque afin de libérer les enfants otages, une opération qui marquera les débuts du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN), crée en 1973 et réorganisé « au printemps 1976 ».

La nouvelle production de Fred Grivois, L’Intervention, est un film au caractère très actuel, à l’heure où cette force d’élite est adulée par la foule, à la fois pour son efficacité/rapidité dans la gestion de crise, mais surtout pour le courage dont font preuve ces hommes, quotidiennement face à la menace terroriste et, dans le même temps, détestée, eux, la gendarmerie et la police, de manière plus globale, pour tout ce qu’ils peuvent aussi représenter : la répression et la soumission à l’état.
Cependant, persuadé que les gens sont assez intelligents pour faire la part des choses, L’Intervention est, avant même de noter ce long-métrage, un film essentiel, ne serait-ce pour savoir comment le GIGN a été créé et qui sont ces hommes, dont la mission principale est de sauver des vies et de neutraliser des menaces qu’aucun autre groupe ne pourrait stopper.

6 hommes, des cibles

Fred Grivois, comme dans la plupart des films du genre, nous présente ainsi un groupe hétéroclite, composé de personnalités venant d’horizons divers, ayant des visions diamétralement opposées de leur métier. Certains auront une devise privilégiant la vie humaine, d’autres considéreront que la mort fait partie du job. Le réalisateur soulève alors une première question existentielle : doit-on épargner la vie de terroristes / qui sommes-nous pour juger qui doit vivre ou mourir ?

Et même si Fred Grivois ne va jamais, philosophiquement parlant, au cœur du débat, avec des positions tranchées au travers de ses personnages, le simple fait de l’évoquer suffit pour interpeller le spectateur.

Au même titre que la peine de mort, la légitimité qu’un seul homme puisse décider de sauvegarder ou de supprimer la vie d’un autre homme est remise en question. Pourtant, aujourd’hui, plus que jamais, les gens semblent heureux et satisfait qu’un terroriste soit abattu froidement par le GIGN. Toutefois, à l’image, lorsque ces derniers donnent l’assaut et qu’on assiste au carnage, il n’y a pas de quoi se réjouir.
Sujet sensible, et la question ne se pose certainement pas, lorsque nous sommes en pleine action. En effet, dans ces moments-là, il n’existe plus ce qu’on croit être le Bien et le Mal, une frontière très mince, surtout dans un contexte politique comme celui-ci, mais deux camps, aux idéaux prédéterminés, lesquels justifient leurs actions ou comportements.

Sur le casting, plusieurs médias ont soulevé l’interprétation caricaturale de Vincent Perez (Le Général Favrart) et des acteurs composant le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale. Personnellement, si je suis du même avis concernant Vincent Perez, sur le reste du cast, cela ne m’a pas dérangé outre mesure, puisque la « caricature » va de paire avec la personnalité cow-boy « forcé », brute et courageuse de ces membres du futur GIGN. Et pour une fois que les gendarmes français ne passent pas pour des cons dans un film, on peut bien leur donner un côté ultra-héroïque, non ? (cf. la scène où Georges Campère utilise deux pistolets en mode bourrin, espérant toucher sa cible. Cliché, mais badass.).
D’autant que Fred Grivois arrive à rendre attachants plusieurs de ses personnages, en peu de temps, en leur accordant quelques moments de confidence savoureux, tout en gardant un point de vue mystérieux et énigmatique.

La seule petite chose que l’on pourra regretter, c’est le manque d’informations sur le contexte général. On sait qu’il s’agit d’un contexte historique et politique liés à l’indépendance d’un pays, ici Djibouti, néanmoins ce manque d’informations complémentaires produit cette sensation étrange que les preneurs d’otages ne sont finalement que d’ordinaires figurants, assignés à une seule tâche : prendre une balle en pleine tête, à la fin du film.
Pourtant, le personnage de Barkhad (Kevin Layne) et ses conversations avec Jane Adersen (Olga Kurylenko) laissaient entrevoir un duel psychologique entre deux visions, deux convictions différentes, qui auraient pu être intéressantes sur le fond et, auraient offert davantage de profondeur à des protagonistes (les terroristes) avec lesquels, au premier abord, nous n’aurions aucune empathie. Il n’y a pas simplement, d’un côté les gentils et les méchants de l’autre, cela est assurément plus complexe.
Bien entendu, résumer une histoire vraie de cette envergure en 1H30 est toujours un exercice délicat, il faut faire des choix scénaristiques, parfois au détriment de quelques détails, évidemment essentiels.

Un désert, une épreuve

Mais là où Fred Grivois excelle, c’est dans la mise en scène. L’Intervention a, certes, une réalisation assez classique, cependant, elle compte aussi quelques plans absolument majestueux. Je pense, notamment, à la composition de l’image des ellipses temporelles, découpée en plusieurs cadres (split screen), formant le viseur d’un sniper ou encore la mise en scène des tireurs d’élite du GIGN, tandis qu’ils s’apprêtent à tirer sur les preneurs d’otages. Le choix de gros plans successifs sur les visages de chacun des hommes, ajoute une tension dramatique extrême qu’eux-mêmes doivent ressentir et, on s’agrippe, nous aussi à notre siège, en priant que tous se déroule sans accroc.
Le tout est sublimé par la photographie granuleuse et caniculaire de Julien Meurice, immersive, où se mélangent la finesse d’esprit, le courage, le doute, la fatigue et les hallucinations.

En conclusion, Fred Grivois rend une copie propre d’une histoire vraie dramatique, qu’il retranscrit parfaitement à l’écran, avec une part de fiction, juste et pertinente, malgré quelques petits défauts apparents.
Poignant dans son dernier tiers, rythmé par un suspens maîtrisé et haletant, L’Intervention nous plonge en plein cœur d’un cauchemar terroriste, où finissent par émerger des héros brisés par la boucherie qu’ils viennent de vivre/commettre et les dommages collatéraux qu’ils porteront sur leur conscience, jusqu’à la fin de leur jour. Par ailleurs, cette séquence finale dégage une force incroyable dans sa composition scénique, laquelle intensifie la dramaturgie de cet épisode effroyable.
Enfin, Alban Lenoir, quant à lui, explose dans le rôle du Capitaine André Gerval et confirme, si ce n’était pas déjà fait auparavant, qu’il est un grand acteur, capable de jouer, à la fois la comédie, mais également des drames avec une habile subtilité, lui qu’on a notamment découvert en 2006 grâce à la série Kaamelott, dans le rôle d’un des guerriers de Lancelot, chétif, insouciant et naïf. Quel beau chemin parcouru depuis !






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