ESCAPE GAME : UN FILM SANS ÉCHAPPATOIRE ?

LE CAPITAINE CINEMAXXA VU – ESCAPE GAME * SPOILERS *

Il n’aura pas fallu attendre longtemps avant qu’Hollywood ne s’empare du phénomène des Escape Game (à ne pas confondre avec les nombreux « Escape Room » classiques) pour le cinéma, ces jeux où un groupe de personnes se laisse volontairement « emprisonner » dans un lieu et doit résoudre des énigmes pour s’échapper.
Et pour adapter ce jeu d’évasion sur grand écran, Original Film et Columbia Pictures ont fait appel à Adam Robitel (Paranormal Activity : The Last Dimension et Insidious : The Last Key), un petit réal qui sort un peu de nul part, comme ils en existent des centaines, et a qui on confie des projets foireux, parce qu’on sait justement qu’ils sont foireux. Néanmoins, si Escape Game ne sera, effectivement, pas le film de cette année 2019, le film peut compter sur un scénario certes, parfois très convenu, mais avec quelques belles surprises, auxquelles on ne s’attend pas, de prime abord. Un scénario écrit par Bragi F. Schut (Le Dernier Templier) et Maria Melnik, qui a officié sur deux séries à succès, Black Sails et American Gods.

Pour composer le casting d’Escape Game : Zoé, Ben, Danny, Amanda, Mike et Jason. Six personnes, six individus composés des pires clichés possibles du cinéma.
– Zoé, la jeune fille coincée, intello, propre sur elle.
– Ben, le jeune alcoolique.
– Amanda, l’ex-militaire avec des troubles post-traumatiques.
– Mike, l’ouvrier moyen pas très fute fute.
– Jason, le trader imbus de sa personne.
Et Danny, l’intello-génie, survolté, ayant participé à tous les Escape Game possibles.
Des caricatures que l’on retrouve jusque dans leur comportement au sein du jeu. Jason va nous lancer le grand discours classique sur la survie, en ne pensant qu’à lui-même, ou le sacrifice de la militaire dans la salle du bar, cliché ultime du sacrifice.

Cependant, chaque salle de cet Escape Game mortel est un miroir à la vie d’un personnage, des échos à des évènements tragiques qu’ils ont vécu. Et c’est là que le scénario devient plutôt astucieux. Car chacun de ces protagonistes a été choisi selon un critère bien particulier, ils sont tous les survivants d’un drame les ayant touché eux, leurs amis et/ou familles.
Jason, par exemple, est le seul survivant d’un accident en mer tandis que Ben, d’un accident de voiture, qu’il a provoqué après avoir trop bu.
Des mégalomanes organisent donc des Escape Game avec des thèmes précis, pour celui-là, le survivalisme. Confronter ensemble des personnalités qui ont chacun survécu à une tragédie, pour connaître « l’ultime chanceux », est une idée perverse, mais totalement jouissive sur le papier, pour entamer une partie psychologique dans un huit-clos où l’intelligence et la finesse d’esprit ne seront pas forcément les clés de la réussite.
Les personnalités se dévoilent alors peu à peu, malheureusement, le but étant qu’il y est un mort dans chaque salle, certains protagonistes sont sous-développés, faisant d’Escape Game, un petit jeu sans grande conviction. L’ambition d’un thriller psychologique était là, quelques scènes survolent l’action, néanmoins, jamais le film d’Adam Robitel ne va plus loin que ce qu’il expose : des clichés ou des caricatures. Et lorsque le film veut nous surprendre, il ne nous étonne guère, la faute à des propositions attendues et déjà vues. En effet, si on est sujet à croire que le gagnant sera le petit génie, Danny, ce dernier décède dans la salle 2, le premier à périr. Un retournement de situation prévisible, tout comme la mise en scène de sa mort : la caméra se fixe sur lui, le regard du personnage se suspend, un petit arrêt sur image, qui interpelle le spectateur : « Attention, il va se passer quelque chose d’atroce », la glace se fend et Danny tombe, sans moyen d’être sauvé. Je hais ce type de réalisation avenante, qui gâche le peu d’effet/rebondissement, pouvant provoquer chez nous un sentiment de choc brutal.

Cependant, le vrai tour de force du scénario réside surtout dans les fausses pistes dévoilées dans la scène d’exposition du long-métrage et son dénouement final, inattendu.
La première scène du film présente Ben, dernier survivant de cet Escape Game, au sein de la dernière salle et qui, logiquement, est en train de mourir. Au départ, je ne vous cache pas que ce genre de scène introductive est assez frustrante, puisqu’elle spoile la fin de son propre film toutefois, habilement, les scénaristes prennent le contre-pied. Ben s’en sort, mais également Zoé, qu’on pensait morte dans la salle précédente. Une surprise à laquelle, je l’avoue, je n’étais pas préparé.

Eh les gars, j’ai la tête qui tourne !

Coté réalisation, seulement deux scènes m’ont marqué. La salle du bar au décor inversé était assez jolie en terme de mise en scène et sur l’optimisation de l’espace, même si Adam Robitel aurait pu aller encore plus loin sur le côté énigme, un peu trop simpliste, mais c’est le cas dans toutes les salles et, avec un format d’1H30, s’attarder 15-20min sur chacune des salles est impossible.
Puis, l’avant-dernière salle, celle où Ben et Jason se font empoisonner. La composition scénique nous plonge dans les hallucinations des deux personnages. Troublant. Il y a également une très belle photographie, une distorsion de l’image assez déroutante, malgré là encore, un faux-suspens, puisque le début du film spoile Ben, survivant de cette avant-dernière épreuve.

En conclusion, Escape Game avait d’énormes qualités, si seulement le réalisateur Adam Robitel avait pris le temps de mieux affirmer ses personnages, afin de nous livrer un véritable thriller psychologique, dont l’intensité émotionnelle est proche du zéro absolu.
Très souvent bombardé de clichés, de caricatures et de rebondissements visibles à des kilomètres, Escape Game est un huit-clos aux thèmes psychologiques et philosophiques (avec le thème du survivalisme/syndrome du survivant) intéressants, mais peu exploités, donnant un goût amer à l’ensemble, accentué par la simplicité des énigmes, laquelle saborde la tension dramaturgique de ces séquences. Et ce ne sont pas les quelques coups d’éclat scénaristiques (que l’on doit surtout à Maria Melnik – Black Sails et American Gods -, ?) qui sauveront la production de l’hypothermie ou de la noyade.

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