FESTIVAL DE CANNES 2019 / CHAMBRE 212 : UNE ODE À L’AMOUR

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – CHAMBRE 212 * SANS SPOILERS *

Nommé dans la catégorie Un Certain Regard, de la 72ème édition du Festival de Cannes, Chambre 212 est le 12ème film de l’écrivain Christophe Honoré, dans lequel Maria (Chiara Mastroianni) décide de quitter le domicile conjugal, après que son mari, Richard (Benjamin Biolay), a découvert un SMS de l’amant de sa femme, un certain Astrubal Electorat. Une nuit, elle part s’installer dans la chambre 212 de l’hôtel d’en face. De là, Maria a une vue plongeante sur son appartement, son mari, son mariage. Elle se demande si elle a pris la bonne décision. Bien des personnages de sa vie ont une idée sur la question, et ils comptent le lui faire savoir.

Une ode à l’Amour

Avec nuance, Christophe Honoré dépeint les difficultés de la vie en couple et les problèmes sous-jacents, liés au temps qui passe. Toutefois, sans tomber dans les clichés débiles que veut nous imposer la société moderne où les hommes sont des salauds sans moralité, lesquels trompent leurs femmes au moindre souci, par lâcheté ou, simplement, par envie.
L’écrivain lui, nous présente sa vision, une vision ou rien n’est jamais blanc ou noir. En effet, dans un couple en crise, remettre la faute uniquement sur l’une des deux parties est d’une puérilité infantile. En vérité, et comme le démontre Chambre 212, une séparation est beaucoup plus complexe que la conception étriquée de l’homme aux multiples défauts à qui l’on rejette inlassablement la faute. D’ailleurs, si Christophe Honoré inverse les rôles, c’est aussi pour dénoncer, casser ce schéma de la femme parfaite, sans reproche, pourtant résolument humaine, avec ses défauts et ses qualités.
Lorsque l’amour s’effrite au sein d’un couple, après plusieurs années de mariage, très souvent, il est évident que la faute revient aux deux camps. Si Maria trompe son mari, outre sa peur de ne plus être désirable, c’est notamment parce que ce dernier a lui-même délaissé son aspect physique et les ambitions de sa jeunesse. Si Richard a radicalement changé, c’est parce que Maria ne l’a pas assez désiré, écouté, soutenu, aidé dans ses démarches, au point d’accepter sa transformation.

Négligence physique, caractère.s qui change.nt, s’endurcit.ssent, passion qui s’estompe, désir non-entretenu, chacun doit apprendre de ses erreurs, se réinventer, pour avancer. L’Amour s’entretient, s’équilibre.
Et tout ces problèmes, qu’ils soient physiques ou mentaux, toutes ces petites choses auxquelles doivent se confronter les personnages, Christophe Honoré les met en scène avec brio, dans une tempête aux allures métaphysiques où se succèdent une multitude de personnages chimériques (Richard jeune, les amants et La Volonté de Maria…), ayant pour but de les accompagner, à comprendre pourquoi leur couple en est arrivé à ce point de non-retour.
Finalement, Chambre 212 est une ode à l’Amour, où Christophe Honoré redessine la définition de ce mot universel qui anime notre vie, la détruit parfois, dérange aussi. Un mot plein d’espérance pour les nombreux couples en plein doute, comme Richard et Maria. Rien n’est perdu, il suffit de se remettre en question, d’y croire et de persévérer.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Chambre 212 est un petit bonbon délicieux à deux visages. Brutal et délicat, drôle et émouvant, violent dans le propos, tendre dans son dénouement, Christophe Honoré offre ici un charmant conte sur les problématiques conjugales, en mettant en scène des personnages abimés par la vie, par le temps, par l’amour. Une ode à l’Amour, d’où naît l’espoir d’une renaissance sentimentale (pour Richard et Maria), qui s’opère en affrontant de face, les obstacles du passé. Le tout est sublimé par une réalisation très esthétique, en huit-clos, de chambre en chambre, laquelle nous entraîne donc dans un tourniquet infernal, où le cinéaste brouille fiction et réalité avec une totale maîtrise. Déroutante, surprenante, cette histoire d’amour laissera des séquelles, une trace dans nos réflexions intimes et, poussera sûrement la plupart d’entre nous à réfléchir sur notre propre avenir amoureux.

Quant au casting, il impressionne. Benjamin Biolay est méconnaissable dans le rôle de l’homme trompé et abattu par les coups de la vie, Vincent Lacoste est impeccable et apporte une légèreté folle au ton parfois fataliste du film et, Camille Cottin, est bouleversante dans celui de la professeure de piano éprise de son ancienne élève, elle-même confrontée à ses propres démons.
Enfin, Chiara Mastroianni fait une femme dure et douce à la fois, dont le double jeu nuance parfaitement son interprétation, afin de donner une réelle complexité psychologique, une profondeur aux difficultés à tenir ses engagements.

Photo by Alberto PIZZOLI / AFP