FESTIVAL DE CANNES 2019 / LE JEUNE AHMED : UN FILM EN PLEINE CRISE IDENTITAIRE

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – LE JEUNE AHMED * SANS SPOILERS *

En compétition officielle pour le 72ème Festival de Cannes, Le Jeune Ahmed est le nouveau film engagé des frères Dardenne, dans lequel Ahmed, 13 ans, se retrouve dans un centre fermé, après une tentative de meurtre sur sa professeur d’arabe, Madame Inès, après qu’il a commencé à se rendre à la mosquée, tenue par un Imam radicalisé.
Un sujet fort, délicat, important et terriblement d’actualité, malheureusement, les frères Dardenne livre un drama simpliste, limite insignifiant.

Le faux pas des Frères Dardenne

Avec Le Jeune Ahmed, les frères Dardenne loupe donc le coche et ce, pour plusieurs raisons. La composition scénaristique déjà, manque de finesse et d’intelligence, là où il fallait étoffer la façon dont un Iman s’y prend pour corrompre un jeune en pleine crise identitaire, comme tout adolescent de cet âge, les frères Dardenne débutent leur film alors qu’Ahmed est déjà sous l’influence de son Imam. Une entrée en matière très brutale, laquelle oublie une chose essentielle : informer et éduquer. En effet, et même si certains films l’ont déjà fait avec énormément de force (Le Ciel Attendra, l’Adieu à la Nuit), il est toujours intéressant de comprendre les motivations profondes et les enjeux d’un recrutement ainsi que la manière dont un Imam (ou tout autre religieux radicalisé) prend contact des jeunes adolescents, leur lave le cerveau, les arguments qu’il emploie pour les convaincre et comment ces derniers se laissent séduire par le Djihad.
Et le long-métrage des frères Dardenne fait l’impasse sur les objectifs, les tentations et les raisonnements du Djihadisme. On évoque simplement le cousin de Ahmed, devenu un « héros », un argument de vente assez mince. Ahmed est empoisonné par les mots de son Imam, c’est un fait établi et le spectateur doit l’accepter, dès les premières secondes. Mais cela pose un autre souci. Sans progression, on a effectivement du mal à ressentir de l’empathie pour Ahmed, d’être compatissant à son égard et lors du dénouement final, on finit par se détacher de lui et de son sort.

La notion d’identité, la crise identitaire qu’est censé traverser Ahmed est également évincée au détriment d’un élément, la mission sacrée d’Ahmed. Durant tout le film, ce dernier cherchera à se venger envers celle qu’il appelle désormais une « apostat », une « impie », Madame Inès.
Tous les sujets intéressants sont donc écartés. Il y avait pourtant matière à fournir un débat idéologique essentiel et intense. Lorsque sa professeur, Madame Inès, propose à Ahmed de venir parler avec elle du Coran, les réalisateurs avait l’occasion de soulever les problèmes d’interprétation du Coran, dont les paroles sont détournées pour embrigader des jeunes, de mettre en avant les nuances d’une religion de paix mais aussi de confronter l’Histoire à ses propres pièges. Ici, on se contente de suivre Ahmed dans sa nouvelle vie, dans un centre pour mineurs, où il croisera une galerie de personnages aussi ennuyeux qu’inutiles. À aucun moment, les protagonistes censés l’aider ont une parole forte, qui pourrait avoir un impact sur la vision de sa religion ou sur sa vie elle-même et, leurs quasi-absences, font de Le jeune Ahmed, un film stagnant, sans répercussion.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

En lissant leur sujet, les Frères Dardenne passent complètement à côté d’une histoire passionnante, celle d’un jeune adolescent en pleine crise identitaire, persuadé que son cousin est un vrai héros musulman.

*SPOILERS * : Quant au dénouement final, il déçoit. La rédemption d’Ahmed est la conclusion du film, mais elle ne dure qu’un court instant, un instant trop court, alors que son changement aurait dû se faire pas à pas, progressivement, de manière moins frontale, avec une évolution identitaire argumentée. Face à la « mort », il est toujours plus aisé de se repentir. Une option scénaristique cliché et déjà-vu.


Loïc Marie avec ON’R RADIO

Crédit photo : lesoir.be

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