GODZILLA : ROI DES MONSTRES OU ROI DES NAVETS ?

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – GODZILLA : ROI DES MONSTRES * SPOILERS *

Lorsque Godzilla : Roi des Monstres a dévoilé ses premières images au monde, il y avait eu un engouement certain de la communauté cinéphile et des critiques cinéma autour du long-métrage de Michael Dougherty. Moi-même, les visuels présentés lors de la promotion du film m’avaient séduit et, comme la plupart d’entre vous, j’attendais avec impatience sa sortie au cinéma. Le retour de Godzilla, 5 ans après Gareth Edwards s’annonçait esthétiquement surprenant. Et que ne fût pas ma déception…

Humains & Monstres : Cohabitation difficile

Les véritables problématiques qui se posent, après des décennies à tenter d’imposer le film de monstres au cinéma, sont les suivantes : quels rôles attribuer à des protagonistes humains et comment leur donner des enjeux profonds, à échelle humaine, dans un film mettant en scène des créatures sans moral,e dénuées pour la plupart, de tout sentiment ?
Pacific Rim, Transformers, Kong, Godzilla, autant de productions où les soi-disant héros humains ont toujours les mêmes caractéristiques (un adolescent en pleine crise identitaire, des parents trop protecteurs ou totalement absents – ayant laissé une trace indélébile dans le comportement du ou des personnages principaux, des scientifiques divisés sur la manière de gérer les évènements et un groupe de militaires, jamais bien armé et préparé, lesquels tirent sur des robots ou des créatures quasi-invincibles avec un aplomb légendaire, offrant, toutefois, des scènes absolument inutiles) et les mêmes objectifs (protéger le gros monstre gentil et survivre à « l’apocalypse »). Un schéma répétitif où se mêlent sans aucune ingéniosité sous-intrigues amoureuses niand-niandes, sous-intrigues parentales foireuses, sous-intrigues scientifiques aux discours pompeux et sous-intrigues survivalistes à base de coups de feu et de bombes nucléaires, comme pour justifier encore l’utilité d’armes plus dévastatrices que la présence de Titans sur Terre.

Sur l’aspect familial de Godzilla : Roi des Monstres, si les enjeux de la famille Russell avait un semblant de valeur scénaristique sur le fond, avec les difficultés et la rancœur qui peuvent émaner et ronger les membres d’une famille suite à la perte d’un enfant, sur la forme, les scénaristes tombent dans le cliché permanent, notamment sur la manière de traiter le personnage de la mère, Emma Russell, prête à tout pour sauver le monde (et donc son enfant) quitte à fréquenter un éco-terroriste. Elle-même finira par se sacrifier en comprenant son erreur (si ça, ce n’est pas le cliché ultime de la rédemption), crédibilité des actions passées : zéro !

Autant d’intrigues futiles, telle que la mythologie du film, que les scénaristes tentent d’introduire, sans succès, mais avec une énergie folle. En effet, et si je suis très friand lorsque les cinéastes lient une franchise cinématographique avec des aspects mythologiques de notre propre Histoire, Godzilla : Roi des Monstres ne va jamais plus loin que l’exposition de faits : les Titans dominaient le monde, les Titans étaient vénérés par les Hommes, les Titans vivaient en harmonie avec les humains. Comme je le disais, la réécriture des histoires mythologiques, peut-être passionnante, si elle est amenée avec un but précis. Néanmoins, en quoi est-ce utile à l’intrigue de savoir que Gidorah vient de l’espace ? Que lui et Godzilla se sont affrontés il y a des millénaires pour la suprématie de la Terre ? Cela a-t-il permis aux humains d’aider Godzilla à vaincre Gidorah ? Non. Les origines évoquées de Gidorah ont elles donné un avantage quelconque aux humains pour créer, par exemple, une arme capable de l’affaiblir ? Non. Les scénaristes comblent du vide avec du vide. On en revient à l’inutilité de l’humain dans les films de monstres. On explique des choses somme toute captivantes, mais qui sonnent creux dans le contexte général. Quitte à faire un film de monstre, autant copier-coller sur d’autres franchises et ouvrir comme l’a fait Independence Day : RESURGENCE ou Pacific Rim : UPRISING, sur d’autres dimensions ou des intrigues mettant l’univers en son centre et non plus simplement la Planète Terre.

Que faire alors, pour donner aux humains une vraie place au milieu de créatures gigantesques, éviter les sous-intrigues clichés et les affrontements, où les figurants ne sont que de la chair à saucisse ?
Si les background sur la vie des personnages humains sont nécessaires pour que les spectateurs soient investis dans des enjeux à leur échelle, peut-être que ces mêmes enjeux devraient prendre davantage d’ampleur, qu’il faudrait penser à élever les protagonistes à un rang supérieur, afin qu’ils ne subissent plus les combats (en tant qu’observateur), mais qu’ils puissent y prendre part de façon décisive (la plupart sont des scientifiques, experts en génome, la création d’un virus ou d’une arme capable d’affaiblir un Titan pourrait être envisageable.). C’est ce qui avait été plus ou moins tenté lors de la dernière scène avec Emma, lors de la course-poursuite de Gidorah. Toutefois, ce sacrifice, n’avait le goût que d’une pirouette scénaristique non-assumée, car un parent, ne peut pas devenir le méchant de l’histoire.

Quel avenir pour le film de monstres ?

Sur l’intrigue écologique, il y avait là aussi une réelle intention d’offrir une identité unique à une franchise déjà bien fatiguée, scénaristiquement et visuellement (après seulement après 3 épisodes, un comble !).
Lorsque le personnage d’Emma Russell révèle que la Nature a repris ses droits en Californie après le passage de Godzilla et du MUTO, on tenait un vrai propos écologique et une façon de détourner le film de monstre simpliste, classique, en une œuvre philosophique et humaniste. Malheureusement, les scénaristes ont joué la carte des vilains éco-terroristes, d’une mère de famille qui n’assumera jamais sa pensée jusqu’au bout (pourtant pas si idiote, je vais y revenir) et du gentil monstre sauveur de l’Humanité. Monstre (Godzilla) qui n’interagit, au demeurant, très peu avec les Hommes. Mise à part deux regards échangés, un avec le docteur Ishiro Serizawa et l’autre avec Mark Russell, on ne sent aucune volonté de créer des liens fraternels, plus profonds entre monstres et humains, notamment avec le personnage incarné par Kyle Chandler, dont les liens avec Godzilla sont trop pragmatiques. Une relation plus développée et, vers la fin, une vraie séquence de pardon, auraient eu un impact émotionnel puissant sur le spectateur. Parce qu’entre nous, dans le regard échangé entre Godzilla et Mark, on se ressent aucune émotion, le contexte et le jeu d’acteur y est aussi pour beaucoup, je pense.

Pour en revenir sur l’aspect écologique de Godzilla : Roi des Monstres, les pensées du Colonel Alan Jonah et Emma Russell n’étaient pas totalement dénuées de sens. En effet, le titan Béhémoth, hybride entre le Mammouth et le Gorille est un Titan bénéfique puisqu’il régénère une partie de la jungle amazonienne à la fin du film. On le voit furtivement, mais cet élément-là aurait pu être intéressant à conceptualiser et à mettre en scène, de même que pour le Titan Scylla, dont la capacité est de stopper la fonte des glaces et donc, la montée des eaux. Pourquoi alors, les protagonistes n’ont-ils pas étudié ces espèces avec plus d’attention et engagé un processus intelligent, afin de les libérer sous-contrôle, pour aider l’Humanité ? Une intrigue de cette trempe, avec les problématiques que cela soulèveraient, aurait été dix fois plus fascinante, que la simple structure narrative du film de monstre où les grandes villes du monde finissent en miettes. La destruction pour la destruction (un des soucis majeurs de Pacific Rim 2, par ailleurs) n’a d’intérêt que s’il y a un propos, que si elle est justifiée. Ce qui n’est pas le cas deGodzilla : Roi des Monstres, dont l’intrigue principale est évincée au détriment du spectaculaire.

À l’heure où j’écris ces mots, je ne sais pas quel sera l’avenir du Monsterverse de la Warner, mais à l’instar de Jurassic World : Fallen Kigndom, j’aimerais voir comment créatures/monstres vont cohabiter avec le reste du monde. Si la direction d’une cohabitation dans Jurassic World 2 semble inévitable, est-ce que cela sera exposé dans Godzilla V King Kong ? Je n’en suis pas si sûr. Et je regrette donc ce happy-end, car si les scénaristes avaient choisi d’aller au bout de leur idée en imposant, dès le départ, une cohabitation forcée, le MonsterVerse de Warner aurait pris une dimension différente, aux enjeux écologiques planétaires, où la Nature reprend peu à peu ses droits, grâce à la présence de certains Titans.

Amen

Michael Dougherty, un bon réal ?

Concernant la réalisation, c’est une impression mitigée qui se dégage de Godzilla : Roi des Monstres. S’il y a bien quelques plans remarquables, les duels entre titans restent bien fades. On ressent parfois cette sensation d’immensité et de puissance, mais il y a très peu d’intérêts visuels lorsque les créatures s’affrontent, sous une pluie de CGI absolument immonde, notamment lors de la bataille finale. Et en même temps, comment mettre en scène des chorégraphies de monstres avec des créatures si imposantes ? Peut-être avec des plans plus serrés, pour mettre en lumière des purs moments de brutalité. Et Godzilla : Roi des Monstres manque cruellement d’animalité. Le réalisateur s’essaie à une mise en scène trop esthétique, là où il fallait resserrer l’image, avec des coups acharnés de part et d’autre des deux adversaires – et pour une fois, le shaky-cam aurait pu trouver une utilité.
Le spectateur doit endurer la difficulté pour Godzilla de vaincre son ennemi et vice-versa. Michael Dougherty y parvient, de temps à autre. Quand Godzilla croque une des têtes de Gidorah, il y cette bestialité monstrueuse, mais il ne s’agit que d’un plan épisodique, une maigre consolation, pas suffisante pour éprouver ensuite un quelconque émoi pour Godzilla, lorsque ce dernier est à terre, dans le dernier acte. Car l’absence de violence brute impacte sur l’émotionnel (l’inquiétude, le bouleversement).
Pour moi, si on ne ressent pas la même difficulté, la même douleur que le héros, même s’il on sait que ce dernier remportera le combat, alors le film est raté.

Parmi les plans symboliques, iconiques, très picturaux, cette image de Gidorah trônant sur le volcan d’Isla de Mara, une croix chrétienne au premier plan, est certainement une des plus marquantes. Un symbole aux multiples interprétations malheureusement, le film est extrêmement radin dans sa composition scénique et, ce genre de plans, est bien trop rare pour faire de Godzilla : Roi des Monstres, une œuvre visuellement originale. Encore une occasion manquée !

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

On a beaucoup critiqué le Godzilla de 1998, mais Roland Emmerich avait su donner de l’humanité à sa créature, une histoire poignante, un contexte politique solide et sa mise en scène avait une incontestable tenue, où le gigantisme côtoyait la minuscule avec intelligence et sensationnalisme. Bien-sûr, il existait des scènes clichés aux dialogues poisseux néanmoins, on avait là un film de monstres étonnant, comme le fut le film de Gareth Edwards en 2014, à l’esthétique plus assumée et moins brouillonne.
À peine divertissant donc, Godzilla : Roi des Monstres se révèle affreusement classique, sans ambition scénaristique, ni artistique, alors que les petits moments d’éclats de Michael Dougherty à l’écran auraient pu transcender une œuvre bien trop lisse, si le cinéaste s’était acharné à rendre l’ensemble cohérent. Il ne suffit pas de quelques séquences superficielles pour étonner le public, il faut une constance dans la création, une rigueur. Cependant, Hollywood et ses créateurs ne semblent pas prendre la mesure d’un phénomène (le blockbuster) qui, visuellement, s’épuise, ni de l’incroyable potentiel de ces franchises. Lancer des univers partagés sans aucune motivation concrète, sans message, simplement par facilité, n’est-ce pas le commencement d’une inévitable chute pour l’industrie du cinéma ?



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