ANNA : OÙ SONT LES MATRIOCHKAS ?

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – UNE MANNEQUIN DE RUSSIE * SPOILERS *

Après l’échec de Valérian et la Cité des Mille Planètes – qui a causé quelques ennuis à la société Europacorp -, Luc Besson revient avec une nouvelle création, Anna, histoire de redorer le blason de son entreprise et de renflouer les caisses de celle-ci. Un double objectif sur lequel je ne m’attarderais pas puisque je préfère, vous le comprendrez aisément, parler cinéma plutôt que d’argent. Sachez simplement que la situation d’Europacorp m’attriste, des studios aussi ambitieux que celui-ci manquent terriblement dans le paysage cinématographique français. Espérons que dans les prochaines années, Europacorp puisse sortir la tête de l’eau et retrouver une totale autonomie.
Passons désormais à Anna.

SYNOPSIS : Les Matriochka sont des poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres. Chaque poupée en cache une autre. Anna est une jolie femme de 24 ans, mais qui est-elle vraiment et combien de femmes se cachent en elle ? Est-ce une simple vendeuse de poupées sur le marché de Moscou ? Une top model qui défile à Paris ? Une tueuse qui ensanglante Milan ? Une flic corrompue ? Une agent double ? Ou tout simplement une redoutable joueuse d’échecs ? Il faudra attendre la fin de la partie pour savoir qui est vraiment ANNA et qui est « échec et mat ».

La comparaison avec Red Sparrow est-elle justifiée ?

Il n’y a pas que dans son catalogue personnel que Luc Besson s’est inspiré pour créer Anna, puisqu’on retrouve également des influences américaines et notamment dans le récent Red Sparrow de Francis Lawrence. Le seul problème avec cette comparaison est qu’elle n’est absolument pas justifiée puisque, scénaristiquement parlant, Red Sparrow et Anna sont des films d’une grande prévisibilité. En effet, la bande-annonce de Red Sparrow spoilait déjà l’intégralité des rebondissements à venir avec cette phrase : « Tu leur appartiens, ils ne te laisseront jamais partir » ce à quoi Dominika répondait : « Je trouverais un moyen ». Tout le suspens entourant le long-métrage s’effondrait alors. On savait que l’espionne russe tenterait d’échapper à l’Etat et que l’aspect « manipulation psychologique » ne serait plus qu’un prétexte marketing, une simple accroche, et non plus une réalité complexe dans laquelle démêler le vrai du faux ne serait pas si aisé.
Chez Anna, c’est l’inverse. La bande-annonce promettait une intrigue d’espionnage complexe, un film caméléon, aux changements d’identité multiples. Finalement, la production de Luc Besson évince absolument cette partie du scénario pour livrer une œuvre, elle aussi, très prévisible, notamment sur son cliffhanger final, que l’on voit venir à des kilomètres, même étant myope. Le coup de génie, n’aurait-il pas été de laisser Anna morte ?

Je vais te crever sale garce !

Une fois n’est pas coutume, on reprochera donc à Luc Besson une écriture maladroite (les dialogues sont malgré tout meilleurs que dans Valérian, difficile de faire pire me direz-vous), qu’on ressent surtout dans les séquences flashbacks, parfois alambiquées, trop longues et pas nécessairement utiles, venant à certains moments, casser le rythme du récit principal.

Concernant les influences de mises en scène, Luc Besson s’éloigne du côté froid et austère de la photographie de Red Sparrow – laquelle s’harmonisait dans un ballet parfait avec la personnalité de Dominka -, pour une réalisation aux couleurs plus vives, plus chaudes, avec des étalonnages bluffants (cf. le plan panoramique de Paris) malheureusement, une esthétique bien trop rare pour insuffler une vraie dynamique artistique à Anna.
Côté action, le film étant très bavard, il est donc assez radin en séquences d’actions (seulement deux scènes : cf. celle du restaurant et celle au sein du bâtiment russe). Si on perçoit « l’effet John Wick » avec ce désir de chorégraphies aux gestes millimétrés, Sasha Luss n’est pas Keanu Reeves. Là où John Wick se dynamise avec ses plans séquences incroyables par la rigueur d’un Keanu Reeves sur-entraîné, les nombreux cuts pour palier le manque d’expérience de Sasha Luss dans le domaine des arts martiaux, font perdre la fougue des scènes d’action mettant en scène Anna. Néanmoins, elles restent d’excellentes factures et occasionnellement intelligentes dans l’utilisation de l’environnement et des objets environnants.

Enfin, j’aimerais finir sur l’analyse d’une scène amusante, qui restera sûrement dans les annales du mauvais acting et surpassera la mort de Marion Cotillard dans The Dark Knight Rises. Lorsqu’Anna décide de se « suicider » après la proposition d’Alex Tchenkov (Luke Evans), cette dernière décide de se trancher les veines. Sasha Luss tente alors de simuler un malaise lié à la perte de son sang. Et, excusez-moi de ma virulence, mais c’est absolument catastrophique en terme d’acting. En tant que spectateur, on a davantage envie de rire, comme certains riaient devant la mort de Marion Cottilard dans le Batman de Nolan, que d’être compatissant.
D’autant qu’il y a un énorme problème d’écriture : le malaise survient trop vite pour être crédible, surtout au vu du peu de sang perdu (la caméra nous montre une toute petite flaque de sang). Et il me semble, à mon humble avis, qu’on ne tombe pas dans les vapes avec si peu de sang perdu.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Anna avait toutes les promesses d’un grand film à commencer par un scénario où le principe de la « matriochka » aurait pu tendre à des réflexions philosophiques sur l’identité, afin d’offrir au public plus qu’un thriller d’espionnage basique, où les surprises sont donc refoulés par des décisions scénaristiques qui ne compromettent jamais l’intérêt du film. Là où Luc Besson avait l’occasion unique de prendre un virage à 180 degrés et de complexifier son œuvre et la rendre unique en son genre.
Restera un divertissement honnête où Sasha Luss se révèle une comédienne honnête et sincère dans sa proposition et, étonnamment, bien meilleure que ses comparses masculins, Luke Evans et Cillian Murphy, lesquels font le minimum requis.

Quant à la question, Anna sauvera-t-il EuropaCorp? La réponse est non. Aux États-Unis, le film est un flop monumental. En France, je ne suis pas persuadé que le public soit au rendez-vous puisqu’Anna est un film trop Bessonien pour attirer un public, peut-être lassé par la formule Besson.
Le réalisateur du Cinquième Élément devrait apprendre à déléguer. S’il est un excellent producteur et cinéaste, il est en revanche un mauvais scénariste/dialoguiste et le problème vient peut-être de là, son omniprésence à toutes les étapes de production d’un film.
La précipitation de la sortie d’Anna pour sauver Europacorp est également un facteur de cet échec. Comme je le disais un instant, avec plus de temps, de réflexions et de bons choix, Anna aurait, potentiellement, offert à Besson une nouvelle bouffée d’air frais…


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