HOBBS & SHAW : PLUS RAPIDE ET PLUS FURIEUX?

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU… (ET VOIR, C’EST DÉJÀ BIEN) – * SPOILERS *

Comment créer un mauvais spin-off au cinéma? La recette pas si inédite du Professeur Cinemaxx.

1. Prendre d’abord une saga qui cartonne au cinéma, une saga capable de dépasser le milliard à la seule force de ses testostérones et de son kérosène. Par exemple, à tout hasard… Fast and Furious.

2. Extirper de là deux personnages secondaires dont tout le monde se fiche royalement (même la Reine) mais, lesquels ont toutefois une certaine côte auprès du grand public.

3. Choisir de préférence des protagonistes aux personnalités diamétralement opposés, afin de créer des situations comiques et/ou cocasses. Cela allège toujours les films trop sérieux, car vous le savez, les spectateurs n’aiment pas quand un long-métrage est trop sérieux.

4. Une fois que vous avez trouvé la franchise idéale à dériver et que vous avez à l’esprit les personnages que vous souhaitez développer dans votre spin-off, il vous faut désormais trouver votre méchant principal.
Un bon méchant, c’est quoi? C’est sans nul doute un vilain qui possède des capacités surhumaines, un vilain physiquement et/ou technologiquement plus puissant que les héros.
Pour incarner votre bad-guy, prendre une autre tête d’affiche. Un acteur (ou une actrice) capable d’enchaîner aussi bien les excellentes productions, comme les navets. Un élément essentiel à prendre en compte puisque si votre film est une catastrophe critique et financière (ou les deux), on dira qu’il s’agit simplement d’un malheureux faux pas de la part du comédien, que le reste de sa filmographie rattrape aisément le peu de mauvais films auxquels il a participé. On lui pardonnera donc aisément et, votre long-métrage pourrait même finir par devenir culte avec le temps ou du moins, plus apprécié par les cinéphiles. Exemple : Lone Ranger de Gore Verbinski ou John Carter d’Andrew Stanton.
Si le film est, au contraire, une réussite, les gens crieront aux génies, continueront d’aduler sans vergogne sa filmographie et de lui lancer des petites culottes rouges en dentelle à chacune de ses apparitions publiques.
– Idris Elba? C’est parfait!

5. Ajouter ensuite un zeste d’une intrigue viruso-robotico-terroristo-familiale, mélanger et vous obtiendrez un spin-off original -, une machine à billets verts pour les grandes pontes hollywoodiennes, qui aiment se torcher le derch avec des coupures de 500 dollars lors de soirées qu’on appelle : « soirée du milliard », lesquelles sont organisées lorsque qu’une production cinématographique dépasse le milliard de dollars au box-office mondial -.
– Comment? Un anarchiste génétiquement modifié? Et une arme de destruction massive pouvant tuer la moitié de la population mondiale? Excellente idée! Vendu!

Pour résumé, un spin-off doit être:
– Facile à produire.
– Facile à réaliser.
– Facile à vendre.

Je porte un manteau en pleine été parce que ça fait grave bonhomme!

Superman Noir et autres cocasseries

Je ne vais pas m’attarder trop longtemps sur le marketing outrancier de Hobbs & Shaw, où 80% du film avait déjà été spoilé dans les bandes-annonces, mais revenir sur un aspect promotionnel en particulier : la présentation du bad-guy de l’histoire.
La communication de Hobbs & Shaw était, en effet, axée sur une phrase prononcée par Brixton : « Je suis le Superman Noir ». Le souci, c’est qu’à force de nous rabacher inlassablement que le personnage incarné par Idris Elba est une sorte de « Superman Noir », nos exigences grandissent et, on attend en retour une menace à la hauteur de ce surnom, à voir Hobbs et Shaw malmenés, au bord de l’implosion physique. Or, ce n’est jamais réellement le cas. Pire, le méchant est décrédibilisé de sa première, à sa dernière apparition à l’écran. Si David Leitch s’évertue à donner l’impression que son méchant est imbattable – ce qui est une vérité -, il n’empêche que ce dernier a bien du mal à rattraper une simple agente du MI-6 ou à maîtriser/briser deux héros parfaitement humains. Courses-poursuites en voiture/moto/hélico, combats à mains nues, sauvetage, affrontement final, Brixton subit échec sur échec et finit par devenir la caricature de l’antagoniste surpuissant qui n’a d’autre destin que d’être tourné en ridicule pour exister un temps soit peu à l’écran. À aucun moment, on ne doute du succès d’Hobbs et Shaw, puisque la composition scénaristique du film n’offre aucune victoire concrète à Brixton. De ce fait, comment prendre en considération une menace, lorsque celle-ci n’est qu’une pâle figuration illustrative?
La dramaturgie du film ne fonctionne donc jamais, même lorsqu’il s’agit de sauver la sœur de Shaw d’un terrible virus – qu’elle s’est elle-même injectée – ou lorsque Hobbs doit régler ses problèmes familiaux, problèmes, par ailleurs, évincés en deux-trois mouvements. Et pourquoi un film d’action s’ennuierait-il à offrir un peu de profondeur à ses personnages?

Spectacle blockbusterien ou spectacle clownesque?

La seule chose sur laquelle on pouvait espérer un minimum de soin, résidait dans la mise en scène. Avec la présence David Leitch derrière la caméra -, ancien coordinateur de cascade devenu réalisateur et, qui avait marqué les esprits avec son délicieux Atomic Blonde et son Deadpool 2 pas dénué d’intérêt, visuellement parlant -, les chances pour que la réalisation d’Hobbs & Shaw soit alléchante était élevée. Malheureusement, de ce côté-ci, la magie n’opère pas non plus. Que s’est-il passé? On supposera un lourd cahier des charges à respecter et une réécriture du scénario by Jason Statham trop peu subtile, pour laisser le talent de Leitch s’exprimer.

David Leitch s’est bien adapté à la saga Fast & Furious et livre donc une succession de séquences d’action aussi irréalistes qu’immondes. Si les combats à mains nues ont de la tenue et sont suffisamment nerveuses pour ressentir quelques frissons, les autres scènes (les courses-poursuites, notamment) sont une avalanche d’idées fourre-tout, farfelues, aux CGI plus que douteux. Et si certains se plaignent encore de la mise en scène finale d’Avengers : Endgame, de son étalonnage, de sa composition ou de sa lisibilité, celle de Hobbs & Shaw sur l’île des Samoa vous procurera davantage de maux de tête, avec sa caméra vibrant dans les sens et son rendu aussi brouillon, qu’un discours préparé de Christophe Castaner.
Et, on se demandera également pourquoi l’armée de Brixton n’a-t-elle pas subit les mêmes traitements génétiques que son leader? Les Samoa les dégomment comme de vulgaires petites fourmis.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Fast and Furious : Hobbs & Shaw n’est qu’un buddy-movie sans âme, où le n’importe quoi a remplacé le spectaculaire, là où les Mission Impossible, pour ne citer qu’eux, sont des productions à grand spectacle, calibrées, portées par un Tom Cruise admirable.
Overdose d’explosions, de cascades improbables aux ralentis inutiles (qu’on peut accepter jusque dans une certaine mesure), de blagues lourdingues qui cassent le rythme d’une narration déjà bancale avec son intrigue vue et revue – qu’on essaie même plus de recycler avec un peu d’intelligence -, la saga FF et ses désormais spin-off ne délivrent plus aucune sensation de grandeur et, en même temps, en a t-elle déjà donné?
En étant perpétuellement dans la surenchère, Hobbs & Shaw perd en efficacité, en cohérence, en qualité. Du gâchis !

Retrouvez ici, mon interview de Jean Paul-Ly, cascadeur sur le film Hobbs & Shaw.


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