SCARY STORIES : L’OMBRE DE RICHARD NIXON

LE CAPITAINE CINEMAXX A VU – DES ENFANTS AVOIR PEUR DES HISTOIRES * SPOILERS *

Hollywood aime s’octroyer les droits de best-sellers pour une retranscription cinématographique et, il était donc logique que les studios s’emparent des livres pour enfants d’Alvin Schwartz, Scary Stories, récits d’épouvantes à raconter dans le noir. Classique du fantastique qui ressuscite le folklore américain et ses légendes urbaines, Scary Stories version grand écran s’est rapidement vu offrir les services du cinéaste Guillmero Del Toro (Le Labyrinthe de Pan, La Forme de l’Eau), lequel est un adapte des contes mettant en scène des créatures hors du commun. Et, avec un tel talent sous la main, le film d’André Ovedral ne pouvait être qu’une réussite. Est-ce le cas? Réponse.

Scary Stories : reflet de l’Amérique moderne

Scary Stories est bien plus qu’un basique film d’horreur, c’est aussi et avant tout un pamphlet de l’Amérique de l’ère Trump, lequel s’acharne à vouloir barrer la route aux immigrés mexicains en construisant un mur à la frontière des deux pays. Ce n’est, d’ailleurs, pas un hasard, si un des héros du film est d’origine mexicaine. Scary Stories met en évidence les difficultés pour un « étranger » de vivre dans les années 60 aux États-Unis, le long-métrage d’André Ovedral est malheureusement toujours d’actualité et fait donc le parallèle entre l’ancien monde de Nixon et le nouveau monde de Donald Trump, pas si différent, finalement.
La politique (et Nixon, par conséquent), parlons-en. Les débats présidentiels et l’ombre du 37ème Président des Etats-Unis planent constamment sur Scary Stories et, chacune de leurs évocations et apparitions sont lourdes de sens.
Exemples.
Dans la scène où Ramon et Stella échappent au croque-mitaine au sein de la prison, le réalisateur choisit d’intégrer, à ce moment précis, un plan télévisé où Richard Nixon est élu Président d’une nation en détresse. Ainsi, pourrait-on y voir un symbole, celui où ce dernier, ainsi que la politique menée par les USA depuis des années, seraient, eux-mêmes, l’allégorie du croque-mitaine, les démons fantasmagoriques des hommes, lesquels les tentent à poursuivre une guerre qui n’est pas la leur, des miroirs dans lesquels personne ne se reconnaît. Ils contraignent, culpabilisent, notamment le jeune Ramon, dont la peur liée à la guerre ne semble en rien justifier sa désertion. Il faut se battre! Et si Ramon surpasse cette peur à la fin du long-métrage pour enfin s’engager, son destin n’est tracé que par les désirs d’êtres cupides, sans empathie.

Enfin, dans la scène où Nixon apparaît une nouvelle fois à la télévision chez « Loulou » , laquelle est aveugle, nous pouvons y voir un jeu de miroir, le reflet d’une politique menée aveuglement par des hommes politiques avides de pouvoir et, prochainement, celle de Nixon.

Et le mensonge des hommes impactent souvent les autres…

Regardez-moi, je crie pour faire peur! Vous avez peur?

Scary Stories : un film d’horreur féministe?

Sarah Bellows est victime de la cupidité des hommes. Elle est, également, le miroir d’une société masculine décadente, individualiste, égocentrée sur les réussites entrepreneuriales plutôt que familiales, où les différences, semblent, ici aussi, difficile à accepter. En effet, Sarah Bellows est maltraitée, séquestrée, torturée, au nom de la vérité. Une vérité qui aurait détruit la réputation de la famille Bellows.

Les femmes de la famille Bellows sont d’ailleurs (la mère et la grand-mère) évincées du film. Le réalisateur prend soin de ne les montrer que furtivement ou jamais plus de quelques secondes, comme si leur place auprès des hommes n’étaient légitimées, acceptées, simplement grâce à leurs mauvaises actions, passées ou présentes.
En outre, c’est pour cela que la mère soutient son mari et son fils concernant le futur de sa propre fille, c’est pour cela que la grand-mère dénonce Sarah-Stella lorsqu’elle se réfugie dans la chambre de cette dernière, lorsqu’elle tente d’échapper à l’incarcération.

Le message féministe est ainsi limpide. Les hommes contrôlent le destin des femmes, les âmes corrompues des hommes pervertissent le coeur des femmes, dont la seule issue est la rage, la violence. Sarah, victime de bourreaux masculins, n’a alors plus d’autres choix que de se rabaisser à un niveau de conscience inhumain, afin de reprendre le contrôle sur sa destinée, tragique, au demeurant. Néanmoins, la vérité finit toujours pas éclater et, si les histoires guérissent, c’est avant tout l’humanité dont faire preuve une jeune adolescente, qui offrira une porte de sortie à un esprit en peine.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Scary Stories peut paraître classique dans sa composition scénique (André Ovedral use de rudimentaires jump-scares pour effrayer le spectateur) cependant, sa façon de tenir sa caméra et le choix d’une mise en scène oppressante (cf. la scène où Auggie se fait piéger par une étrange créature dans l’hôpital psychiatrique) apportent des moments dramaturgiques efficaces. D’ailleurs, on sent toute l’influence de Guillermo Del Toro dans Scary Stories. Que ce soit dans la transposition/conception des créatures, aux aspects aussi étranges qu’originaux, la photographie, avec ce gris-bleuté, qui parcourt très souvent les productions du cinéaste, ainsi que sa fascination pour les reconstituions historiques (décors, costumes, etc…), la patte Del Toro est omniprésente, une plus value à un film maîtrisé par André Ovedral, qu’il ne faut pas oublier.

Scary Stories est une belle surprise, une œuvre intelligemment référencée, laquelle n’a jamais la prétention d’être une production horrifique et terrifiante à la Conjuring (au contraire des récents La Nonne, La Malédiction de la Dame Blanche ou Brightburn, l’enfant du mal) afin de conserver l’essence des œuvres littéraires. Honnête dans sa démarche donc, avec ses jump-scares certes, comme je le disais à l’instant, prévisibles, mise en scènes, toutefois, avec un certain style. Brillant sur la réalisation et, notamment, le montage (j’ai énormément apprécié le début du film, lorsque la caméra passe d’un personnage à l’autre et d’une situation à l’autre) et efficace dans la narration, Scary Stories confronte alors ses personnages à une réalité politique et sociétale brutale, au travers d’histoires maléfiques, qui sont elles-mêmes des reflets d’une Amérique en souffrance. Les monstres ne sont, en somme, que des représentations fantastiques d’une population américaine en peine. Qu’il s’agisse d’Harold ou Sarah Bellows, ces deux êtres ne sont que des victimes. Victimes de méchanceté gratuite (Tommy) ou de mensonges organisés à des fins financières. La question est donc, qui est le véritable méchant du film? La politique, Richard Nixon ou Sarah Bellows?

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *