FESTIVAL DE DEAUVILLE 2019 / AMERICAN SKIN : LA PUISSANCE DES MOTS

CAPITAINE CINEMAXX A VU – UN FILM BEAUCOUP TROP ÉMOUVANT * SANS SPOILERS *

Quinze minutes.
La standing ovation pour le réalisateur Nate Parker, aura duré pas moins de quinze minutes. Ému aux larmes, le public Deauvillais s’est levé en direction du jeune cinéaste, présent durant la projection de son second long-métrage et n’a cessé de l’applaudir. Nate Parker, lui aussi, était bouleversé par la réception inattendue de son American Skin et, avant de repartir, nous a lancé comme un cri du cœur « Je vous aime », avant de conclure par « Nous y arriverons que si nous sommes tous ensemble ! ». Un triomphe que les habitués n’avaient pas vu « depuis 30 ans ». Il faut dire que le sujet du film prêtait à l’émotion : les violences policières.

SYNOPSIS : Lincoln Jefferson, un vétéran afro-américain de la guerre en Irak, travaille depuis son divorce comme surveillant dans un prestigieux lycée de Californie. Il a choisi ce poste en premier lieu pour permettre à son fils de 14 ans d’intégrer cet établissement réputé. Mais un soir, ce dernier est tué lors d’un contrôle de police de routine. L’officier blanc qui lui a tiré dessus est rapidement déclaré innocent et peut reprendre son service sans être mis en examen. Désabusé et désespéré, Lincoln décide alors de prendre lui-même les choses en main afin d’obtenir justice pour son fils.

Un sujet d’actualité

Nombreux sont les films qui ont traité des violences policières, notamment au cours de cette dernière année – que l’on pourrait attribuer à l’ère Donald Trump, où les fascistes et autres suprématistes blancs sont libres d’exprimer leurs idées sordides sans avoir peur d’être inculpés. On se souviendra, tout particulièrement, de The Hate U Give de George Tillman, de Detroit de Katheryn Bigelow ou encore des séries Seven Seconds de Veena Sud et Dans leur regard d’Ava DuVernay. On aurait alors pu croire que cet énième long-métrage sur un thème déjà évoqué à maintes reprises serait difficilement original, touchant, mais pas davantage. Or, American Skin est non seulement doté d’une réalisation à l’identité forte, mais le film de Nate Parker est absolument bouleversant, pour ne pas dire, déchirant.

Ainsi, pour que le spectateur soit investi physiquement et émotionnellement dans cette histoire, dans cette lutte sociétale qui pourrait, de prime abord, nous éloigner de part notre couleur de peau (si l’on est blanc), Nate Parker a choisi de mettre en scène son film, au travers le prisme du documentaire. Un moyen efficace pour se rapprocher des personnages, de les découvrir sous un angle plus intimiste. De cette manière, le cinéaste nous prend en otage, nous lie de force avec ses protagonistes, nous impose leurs douleurs, afin de mieux comprendre les enjeux de son long-métrage. Voilà, comment avec cette technique de réalisation, American Skin nous transperce le cœur et nous abandonne avec nos larmes toutefois, dans un intérêt commun : celui de nous sensibiliser à une cause juste.

Nate Parker a également choisi le huis-clos pour faire passer son message. En effet, la quasi-totalité du film se déroule dans un commissariat de police, que Lincoln Jefferson et ses amis ont pris d’assaut. Commissariat où travaille l’assassin de son fils, l’officier Mike Randall. Pour rendre justice à son fils, ce dernier décide de reconstituer un procès avec un juge, un jury, composé de civils et de prisonniers afro/latino-américains et les avocats de la défense, les policiers.
Une réplique parfaite d’un procès, lequel va prendre des tournures politiques. Des débats enflammés qui dévoilent, notamment, la façon dont les policiers sont conditionnés dès leur arrivée dans les écoles de police. « C’est ce qu’on nous enseigne », « C’est le protocole » se défendent-ils, tandis qu’ils répéteront en vain que les latinos tatoués sont tous des dealers de drogues, sans exception, et que les afro-américains sont des délinquants notoires, influencés par une musique rap qui ne cessent d’attiser la haine envers les forces de l’ordre. De leurs côtés, les minorités expliquent souffrir de ces clichés, de ces préjugés, des suspicions, de remarques déplacées, de la violence des policiers à leur encontre. Et tout cela est orchestré avec brio par une symphonie scénaristique mélodieuse, intelligente et maîtrisée, où Nate Parker fouille et pointe du doigt les erreurs d’un système archaïque, basé sur des « on dit » et sur l’apparence.
Le réalisateur pose les problèmes, questionne, interroge et laisse le soin aux spectateurs de se faire sa propre vision des choses, sans imposer la sienne ou celle de ses personnages. Malin est-il, car, il devient alors difficile de choisir quel camp a raison et quel camp a tort. Et si les deux camps avaient raison? Chacun des arguments est entendable, louable, d’où la complexité de la situation qui émane de ce huis-clos, à la mise en scène virulente et poignante.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Incontestablement la pépite de ce 45ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, American Skin de Nate Parker est un bijou d’écriture, d’argumentaire et de réflexions sur des sujets communautaristes pour lesquels, les amalgames sont légions. La puissance des mots et de l’interprétation des acteurs, font du film de Nate Parker une véritable réussite.

Crédits photos et vidéos : Ouest-France et capitainecinemaxx.fr

Extrait de la standing ovation
Le réalisateur Nate Parker sur la scène du 45ème Festival du Cinéma Américain de Deauville
Standing Ovation pour Nate Parker

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