MON CHIEN STUPIDE : RENCONTRE AVEC YVAN ATTAL ET CHARLOTTE GAINSBOURG

Le 30 octobre prochain sortira en salles la nouvelle comédie d’Yvan Attal, Mon Chien Stupide. Adapté du roman de John Fante, le réalisateur mais également acteur incarne ici Henri, un ancien écrivain à succès, lequel désigne sa femme Cécile et ses quatre enfants comme responsables de ses échecs, de son manque de libido ou encore de son mal de dos. À l’heure où il fait le bilan critique de sa vie, de toutes les femmes qu’il n’aura plus, des voitures qu’il ne conduira pas, un énorme chien mal élevé et obsédé, décide de s’installer dans la maison, pour son plus grand bonheur mais au grand dam du reste de la famille et surtout de Cécile, sa femme dont l’amour indéfectible commence à se fissurer.

Présenté en avant-première à La Rochelle le 3 octobre dernier, en présence d’Yvan Attal et de Charlotte Gainsbourg, j’ai eu l’opportunité d’interviewer les deux comédiens. Rencontre avec un acteur en pleine crise de la cinquantaine et d’une actrice toujours aussi charmante (et en manque de chiens).

Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir adapter le roman de John Fante, Mon Chien Stupide?

Je me suis tout de suite identifié à ce personnage. Quand on fait un film, en général, c’est parce qu’il y a quelque chose dans cette histoire qui vous touche, vous amuse, vous avez forcément une proximité, une intimité avec le sujet. Donc, l’histoire d’un mec qui en peut plus de sa femme et de ses enfants, ça me parlait beaucoup. Surtout si c’est pour leur dire à la fin que sans eux, ça ne vaut pas le coup.

Il y aurait donc des points commun entre vous et le personnage d’Henri?

Je crois, oui. Je pense qu’il y a beaucoup de points communs entre moi et Henri, et je vais même vous dire, j’ai rencontré la famille Fante. Ils m’ont décrit leur père et, je m’y retrouvais encore plus. Ils disaient que leur père était impatient, etc. Je crois effectivement que j’ai des points communs avec ce Henri et probablement avec John Fante.

Vous avez traversé comme lui, une crise de la cinquantaine?

Je suis en plein dedans (rire). Toutes les dix ans on a une crise. On en a une à vingt ans, à trente ans, à quarante ans, même à dix ans, je pense (rire).

Et il y a des différences de crises entre les décénnies?

Alors, je ne me souviens plus de ma crise de la quarantaine mais en réalité, s’il y a une crise de la cinquantaine, je dirais que c’est un moment où l’on se remet en question. Qu’est-ce que j’ai fait? Combien de temps me reste-t-il pour faire ce que j’ai à faire? Qu’est-ce que j’ai envie de faire? Est-ce que je vaux le coup? Ce sont des remises en question les crises, ce n’est rien d’autre.

Pour revenir sur le film, quelles sont les difficultés qu’on peut rencontrer lorsqu’on adapte un roman littéraire? Je n’ai pas lu le roman néanmoins, j’ai entendu dire que le personnage de Cécile avait été étoffé pour le grand écran.

Les difficultés d’adaptation, c’est toujours un mélange entre la volonté de vouloir rester fidèle à un auteur – parce que l’on aime son livre – et, en même temps, ne pas vouloir le trahir donc, oser à un certain moment prendre des libertés. Voilà, la difficulté. C’est de rester fidèle, de rendre hommage à l’auteur de qui on s’inspire et, en parallèle, le trahir, parce que l’objet n’est plus un objet littéraire, mais un film.
Pour ce qui est du personnage de Cécile, elle n’existait pas beaucoup dans le roman. Elle était réduite à cette femme raciste, qui en voulait à son fils d’être avec une fille noire. Mais ce n’était pas le sujet du film.

Le vrai héros du film, si je puis-dire, c’est Stupide, le chien. Est-ce qu’on peut dire que ce chien, mou et paresseux, capable d’une violence inouïe envers les autres, est le reflet animal d’Henri?

C’est absolument le miroir d’Henri. Et c’est pour cela qu’il aime tant ce chien et qu’il veut le garder. Il s’est trouvé son alter-ego. Il est paresseux, dégeulasse, arrogant, obsédé, comme son maître.

Charlotte : Oui enfin, le miroir jeune de Henri.

Yvan : Bah pourquoi?

Charlotte : Parce que Stupide a encore une fougue que Henri n’a plus.

Yvan : Tu veux t’attaquer à l’âge? (rire)

Charlotte et Yvan rient.

Yvan : Fait gaffe hein! (rire)

Est-ce que c’était difficile de tourner avec un chien? Vous avez rencontré des difficultés particulières sur le tournage?

J’imagine que c’est aussi compliqué qu’un autre tournage, mettant en scène un animal. C’est la vedette du film. Il faut l’attendre, qu’il est envie de tourner ses scènes, c’est aussi bête que ça.

Il y a eu des moments, où il n’avait pas du tout envie?

Bien évidemment. D’abord, il y avait plusieurs chiens. Donc, on espère toujours qu’il y en ait un qui puisse faire ce qu’un autre ne peut ou ne veut pas faire. Mais c’est toujours compliqué un chien.

En tant que fan de Plus Belle la Vie, j’étais heureux de voir Lola Marois (Arianne) et Thibaut Vaneck (Nathan Leserman) faire quelques apparitions dans votre long-métrage. Pourquoi ces deux choix en particulier?

Premièrement, je ne regarde pas Plus Belle la Vie, contrairement à vous, parce que je ne regarde pas la télé. Deuxièmement, j’ai une directrice de casting, et quand il y a des rôles, elle fait venir des acteurs. Moi, je regarde les essais. J’ai vu cette fille arriver, c’était pour moi la meilleure de toute celle que j’ai vue.
J’ai vu ce jeune homme arriver pour jouer cet avocat, c’était le meilleur. Il convenait parfaitement. Pour moi, Plus Belle la Vie n’existait pas au moment du casting. Je ne me laisse pas influencer par « l’acteur est dans ceci ou dans cela ». Si l’acteur est bon, il est bon. D’ailleurs, je trouve ça très bien de ne jamais regarder le CV des comédiens – ce que je ne fais pas d’ailleurs -, pour ne pas me laisser influencer en me disant : « Oh il a tourné avec lui ou avec elle ». Je m’en fous. Je regarde les essais et si ça me va, ça me va.

Alexandre, un autre journaliste : Si vous ne regardez pas la télé, comment vous avez choisi Payanotis?

Pareil. Je ne le connaissais pas. Il est arrivé au casting et je vais même vous dire, un jour, je me suis retrouvé dans la rue avec lui. Là, des jeunes filles sont arrivées pour lui demander des autographes. J’ai cru qu’elles venaient pour moi et non (rire). Et je me suis dit : « Mais c’est qui celui-là? » Puis, on m’a confié que c’était une vedette de la télévision. Je ne savais pas, avant cela, qui était Payanotis.
Mais même Pascale Arbillot et Sébastien Thierry que l’on connaît. Ce n’était pas des essais. Je n’aime pas ce mot. Ce n’est pas un test. Je ne remets pas en question leurs talents d’acteur, je veux juste voir si c’est ma musique. En tout cas, si c’est ma musique à ce moment-là, dans ce film.

CHARLOTTE GAINSBOURG

C’est la cinquième fois que vous tournez avec Yvan Attal. Il est comment en tant que réalisateur?

Il sait exactement ce qu’il veut. Comme il est acteur, il a déjà la musique du film dans la tête et il faut exécuter ce qu’il imagine. Il est très directif. Sans le vouloir, car il reste néanmoins très ouvert aux propositions qu’on pourrait avoir. Mon personnage, par exemple, comme vous l’avez mentionné toute à l’heure, n’avait pas un grand rôle et, Yvan, m’a demandé ce que je voulais, ce que je voyais dans ce personnage, si j’avais des manques. Il est très ouvert à toutes sortes de propositions toutefois, il reste extrêmement précis sur le texte.

C’est un perfectionniste, pourrait-on dire…

Oui, vraiment. Et heureusement. Heureusement qu’il ne laisse pas passer des trucs qu’il regretterait après.

Alexandre : Vous voulez dire que l’impro est compliquée?

Non, l’impro n’est pas compliquée du tout parce qu’on se sent libre de faire ce que l’on souhaite, sauf lors des plans-séquences. Il adore ça. Ici, ça ne laisse malheureusement pas beaucoup de place à l’improvisation. Un plan-séquence, c’est une partition qui est réglée, c’est une technique qui me stresse beaucoup d’ailleurs, ça met une pression, mais ça fait de très beaux plans, il faut le reconnaître.

Qu’est-ce qui vous a convaincu d’intégrer le casting de Mon Chien Stupide?

C’est l’histoire. Le ton du film qui m’a attiré. Le fait que ce soit un film d’Yvan bien-sûr, mais j’aimais aussi son personnage, lequel me rappelle le personnage de Ma femme est une actrice. Le côté un peu mauvais poil, bougon, ça lui va vachement bien, c’est drôle. Et moi, il m’a donné un rôle qui, aussi, a un côté plus agressif que ce que j’ai pu jouer, en tous cas qui n’a rien à voir avec Ma femme est une actrice donc, c’était excitant ce rapport là et ses enguelades. C’est véritablement marrant à jouer.

Le personnage de Cécile déteste le chien Stupide et vous, Charlotte, est-ce que vous le détestez aussi?

Moi j’aime les chiens. Et je suis en manque de chiens.

Yvan : Je suis en manque de chiens. Tu te rends compte de ce que tu dis? (rire)

Alexandre : On va juste garder cette phrase (rire).

Charlotte (rire) : On a eu une chienne avant nos enfants, qui était belle comme tout, et nous l’avons perdu à 4 ans. Ça nous a beaucoup marqué. Yvan prétexte que c’est pour cela qu’il n’en veut pas un autre, moi je pense que ça fait partie de la vie de famille, qu’un chien fait du bien aux enfants et aux parents. On a un chat désormais, mais pas de chien. Et Yvan m’a nargué durant tout le film avec ce gros Matin de Naples, une race dont je ne voudrais pas. Ça pue affreusement. C’est invivable. Il m’a nargué sinon, parce que je l’ai vu tombé amoureux de ce chien, alors qu’il n’en veut pas dans la vie.

Yvan : Non mais évidemment que j’étais attaché à ce chien et, quand on joue, on se prend au jeu. D’abord, il n’était pas tout seul, il y en avait 4. Mais il est vrai qu’il y en avait un en particulier que j’aimais mieux filmer, auquel j’étais plus attaché, aussi parce que je le trouvais très cinégénique. Il avait une allure, une tronche, un regard tellement mélancolique, qu’il m’a touché. […] Dans le roman, c’est un Akita, pas un Matin de Naples. Mais le Akita ne correspondait pas, même à la description que John Fante faisait du chien dans son roman. C’était bizarre. Et d’ailleurs, je me suis senti encore plus libre de prendre un autre chien. Même la fille de Fante m’a avoué que, lorsque son père avait eu lui-même envie d’adapter son roman au cinéma, il avait imaginé un Bull Terrier. Vous voyez.

Vous jouez une nouvelle fois avec votre fils, Ben, j’imagine que ce sont des moments précieux, émouvants, de le voir évoluer ainsi…

Charlotte : Très émouvant même. Au moment où l’on a tourné Ils se marièrent, il avait 6 ans et j’avais peur pour lui, peur qu’il soit brusqué, peur que comme tous les enfants, il en ait marre et décide d’arrêter de tourner donc, tout était angoissant. J’avais également fait quelques clips avec lui, et j’ai tout de suite vu sa générosité dans son approche. Il voulait bien faire. Il savait aussi que c’était la première fois que je prenais une caméra, il jouait le jeu à fond, et on sentait qu’il avait envie d’être derrière la caméra. Alors, quand Yvan a eu envie de le faire tourner, il a passé des essais. Yvan était convaincu puis, j’ai vu Ben plutôt douter, avoir le trac, mais s’épanouir sur le tournage, avec l’équipe, prendre du plaisir, être sincère. C’était touchant à voir.

QUESTIONS BONUS

En préparant notre entretien, je me suis aperçu Yvan, que vous aviez doublé à plusieurs reprises l’acteur américain Tom Cruise. Dans Mission Impossible II et Minority Report, notamment. Comment une telle chose a pu se produire? (rire)

Eh bien il cherchait un gars assez beau pour le doubler (rire). Plus sérieusement, ce sont des hasards en fin de compte. Sur un film en particulier, ils ont fait des essais pour voir avec quel acteur ça pouvait matcher et ça a matché. C’était une expérience très intéressante que de doubler Tom Cruise et puis, au bout d’un moment, cela m’a lassé. J’avais l’impression d’avoir fait le tour, même si j’y avais pris énormément de plaisir.

Il me semble que la voix officielle est Jean-Philippe Puymartin…

Je pense que c’est Puymartin qui l’avait doublé avant et qui le redouble maintenant, effectivement.

J’ai une dernière question plus globale sur votre carrière Charlotte. Vous avez tourné avec de grands réalisateurs, Emmerich, Lars Von Trier, Blier, Argento, Inaritu et même Yvan Attal ici présent (rire)…

Yvan : Merci c’est très gentil (rire).

Je le pense.
Et je voulais savoir, qu’est-ce que toutes ses expériences avec des metteurs en scène très éclectiques vous ont apporté en tant qu’actrice?

Je ne fais pas de bilan. Ce sont des expériences différentes. Aucun projet ne se ressemblait, même en tournant plusieurs fois avec le même réalisateur, comme avec Lars Von Trier. Je me suis juste enrichie de tous ça. J’ai un souvenir incroyable d’un film français avec Eric Barbier, où c’était la première fois qu’on me confiait un rôle de cette dimension. Les tournages, ce sont avant tout des souvenirs, des rencontres.

On peut dire que le rôle est plus important que le metteur en scène, pour vous?

Je ne dirais pas ça. C’est aussi la rencontre avec un metteur en scène. Mais vous savez moi, je ne sais pas trop lire un scénario, j’y vais à l’instinct. Si j’accroche un minimum avec un scénario, j’aurais tendance à avoir envie de tourner. Je me fie à ça. Après, ce qui compte plus que le scénario finalement, c’est le réalisateur et l’aventure qu’on aura avec ce dernier, les acteurs, etc. C’est un tout.

Entretien organisé par le Méga CGR de la Rochelle et Pamela Nicoli, dans les locaux de France Bleu La Rochelle, en duo avec Alexandre, journaliste à NA Radio.

Critique : Comédie cynique, à l’humour noir cinglant, tendre et poétique à la fois, Mon Chien Stupide est une aventure familiale introspective, où chaque protagoniste essuiera la dureté des propos d’un père et d’un mari coincé dans un passé glorieux, désabusé par une vie qu’il n’a jamais souhaité, coincé dans un rêve inaccessible. Et, tandis que tout le monde prend son envol, confronté à la solitude, Henri débutera ce voyage intérieur, où les remords, mêlés aux regrets, viendront étoffer un récit initiatique d’une grande profondeur émotionnelle.
Yvan Attal sublime ce personnage tantôt détestable, tantôt romantique, pour lequel on ressent une certaine affection, malgré son ton parfois impitoyable. L’acteur livre une performance qui lui scied parfaitement en contraste avec le jeu simple et séduisant de Charlotte Gainsbourg dont le personnage, Cécile, est capable de foudre divine, touchant en plein cœur celui d’Henri. L’actrice apporte alors un nouveau souffle, une nouvelle énergie à l’histoire, belle et tranchante.

Mon Chien Stupide sortira le 30 octobre prochain. Une comédie irrésistible à voir absolument!

Yvan Attal était également présent au 45ème Festival du Cinéma Américain, en compagnie de Kristen Stewart pour le film Seberg. Conférence de presse à lire ici.


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