BAD BOYS FOR LIFE : RENCONTRE AVEC LE RÉALISATEUR ADIL EL ARBI

17 ans après la sortie du second volet Bad Boys, le tandem Will Smith et Martin Lawrence s’est reformé cette année pour une nouvelle mission à haut risque. Intitulé Bad Boys For Life, ce troisième opus n’est plus dirigé par le cinéaste Michael Bay, mais par le duo belge Adil El Arbi et Billal Fallah, découvert par le grand public en 2015 avec leur premier long-métrage : Black.

J’ai eu l’incroyable chance de pouvoir interviewer l’un des réalisateurs de Bad Boys 3, Adil El Arbi. Pour capitainecinemaxx.fr, il revient sur le début du projet, le tournage du film et les influences cinématographiques qui l’ont jusqu’à présent guidé.

Comment se retrouve t-on à réaliser un film américain et surtout, la suite d’une franchise aussi culte que Bad Boys ?

Cela a commencé avec notre film Black, un film à la Roméo et Juliette, qui avait été à l’époque sélectionné au Festival International du Film de Toronto (Black a reçu le prix Discovery). C’est là que nous avons rencontré pour la première fois des agents de Hollywood – de l’agence CAA -, et nous avons signé avec eux à ce moment-là. Ils ont montré le film à plusieurs de leurs clients et un de leurs clients n’était autre que le producteur Jerry Bruckheimer. On était fan de son cinéma, on adore tous les films qu’il a produit. C’était un peu comme une blague d’étudiants en cinéma entre Billal et moi, on se promettait toujours qu’on ferait un Bad Boys 3. On se voyait nous-mêmes comme les Bad Boys de l’école (rire). Quand nous avons eu la chance de rencontrer Jerry, c’est donc la première chose que nous lui avons demandé. Cependant, le film n’était pas encore disponible, il y avait un autre réalisateur sur le projet. Dans le même temps, Will Smith avait vu Black. Paraît-il qu’il avait vraiment apprécié. Il voulait absolument travailler avec nous sur un projet. Lorsque que Joe Carnahan a quitté la production de Bad Boys 3, c’est Will Smith qui a proposé nos noms.

Il y a quelque chose qui m’a marqué dans cet opus, c’est la violence plus prononcée et le côté très dramatique de l’histoire : la mort du Capitaine de police Conrad Howard (Joe Pantoliano) ou le passé tragique de Mike Lowrey. C’est aussi ces aspects du film qui vous ont convaincu de vouloir réaliser Bad Boys 3 ?

Exactement. Quand on reçoit un script et, notamment celui de Bad Boys 3, on a un certain a priori. On se questionne : est-ce que cela va être la copie des deux premiers opus ? Est-ce que le scénario va être inspiré ? L’histoire intéressante ? Lorsqu’on lisait le script, il y avait des choses vraiment inattendues, des belles surprises, un côté, comme tu le disais, très dramatique. Et ça, nous, en tant que cinéastes, ça nous parle. Nous n’avions pas envie de faire de Bad Boys 3, qu’un simple blockbuster à l’américaine. Quand vous regardez les films que nous avons tourné en Belgique, c’est avant tout du drame, de l’émotion. Le script de Bremmer et Craig avait ça. On a été séduit. Mais surtout, je le répète, ce n’était pas une copie des deux premiers Bad Boys, on allait pouvoir prendre des risques et ça, on aime vraiment.

On critique souvent les séquels au cinéma. Bad Boys 3 était attendu au tournant pour cette raison, est-ce que la pression de réaliser la suite de trop vous pesait ?

Oui. C’est une suite qui vient 17 ans après ; les deux premiers Bad Boys ont été réalisés par Michael Bay. Michael a son propre cinéma, son propre style, son propre public donc, forcément, l’attente est plus grande. Le monde entier vous regarde. On a eu très peur, peur de foirer. Il y avait énormément de la pression. Heureusement, autour de nous, il y avait des gens avec de l’expérience – certains avaient même déjà travaillé sur les anciens Bad Boys. Cela nous a rassuré, aidé, et nous avons pu faire usage de leurs expériences pour nous mettre à l’aise.

Il y a un petit caméo de Michael Bay dans le film. Il apparaît lors du mariage de la fille de Markus. Pouvez-vous nous raconter les coulisses de cette incroyable séquence ?

Pour nous, c’était important d’avoir Michael Bay quelque part dans notre film. Bad Boys For Life est également un hommage à son cinéma, surtout son cinéma des années 90. L’avoir avec nous pour une scène, c’est aussi comme s’il nous passait le flambeau.
Le premier jour où nous l’avons rencontré, le jour où nous avons fait ce plan avec lui, on était très stressés. Toute notre équipe avait travaillé avec Bay auparavant, et ils nous racontaient beaucoup d’histoires sur sa façon d’être sur un plateau de tournage. En fait, il hurle souvent, il est très hardcore, presque militaire donc, j’avais peur qu’il trouve que Billal et moi faisions de la daube. Il est arrivé et, finalement, il a été hyper sympa, bienveillant, tel un grand frère. Mais il voulait vraiment que son apparition soit réussie. Nous, on voulait que ce soit un plan Michael Bay avec Michael Bay. On a opté pour un 360 degrés avec un steadicam, où il devait tourner. Il a dit au steadicamer comment faire le plan, nous, nous devions pas trop réaliser.

Parmi les influences, j’ai trouvé que les liens entre Mike et Armando ressemblaient étonnement à celle entre Henry Brogen et son clone dans Gemini Man. Il y a d’abord cette phrase : « Il est comme moi. Il est fonceur et sans pitié, comme moi. » puis, cette scène où Mike et son fils sont en prise au sol et se voient dans le miroir. Gemini Man est un film qui vous a inspiré ?

C’est marrant parce que les producteurs de Bad Boys 3 sont les mêmes que Gemini Man. Pendant qu’ils finissaient Gemini Man nous, nous étions en pleine préparation pour Bad Boys donc, nous n’avions encore rien lu, rien vu. À cause de cela, si je puis dire, nous avons été parfois pris en traître. Nous avions des plans dans notre tête, Jerry venait et nous disait : « Les mecs, on ne peut pas faire ça, car nous avons une scène (ou un plan) similaire dans Gemini Man. ».
Pour nous, c’était une source de stress, on ne voulait pas que Bad Boys ressemble à Gemini Man même si dans les thématiques, il y a effectivement des similitudes. Cependant, c’était une volonté, un désir de la part de Will Smith et de Jerry Bruckheimer d’explorer ces thèmes-ci, au travers Gemini Man et Bad Boys 3.

Quelles ont été la ou les scènes les plus difficiles à tourner ?

La plus difficile à tourner, c’est certainemment la course-poursuite, la séquence à moto. Il faut savoir que cette scène n’a pas été tournée à Miami, mais à Atlanta, la nuit, en plein hiver. Atlanta en hiver, ça ressemble à l’Europe et ça ne ressemble plus du tout à Miami (rire). Cela fut très difficile, nous avons du jouer avec les lumières, utiliser des images de synthèse, pour faire croire qu’il y avait de l’eau, des ponts, qu’il y avait de la couleur, qu’il faisait chaud. Mais, on ne voulait pas qu’il y ait trop d’images de synthèse pour cette scène, que les cascades, les explosions soient vraies, qu’il y ait un vrai hélicoptère sur place, etc… Cette course-poursuite nous a demandé beaucoup de travail et amené énormement de stress, notamment sur l’aspect sécuritaire. C’est une scène dangereuse, les conditions (nuit/hiver) rudes, ça a été un gros challenge.

Dans une interview, Will Smith a récemment déclaré qu’il n’était « pas plus balèze que Tom Cruise », pour les scènes d’action. Il a quand même réalisé quelques-unes de ses cascades sur le film ?

Will Smith est très physique – et même Martin Lawrence au demeurant. Nous, nous avions planifié les scènes avec les cascadeurs. Une fois sur place, il y a l’égo qui monte et Will nous disait : « Ah les mecs, je vais quand même tenter. » (rire).
Les deux ont toujours essayé les cascades. Ils en ont fait même plus que nous l’aurions imaginé. Will et Martin y allaient à fond, à chaque prise. Néanmoins, il y a des cascades vraiment trop dangereuses sur lesquelles on ne peut pas demander aux acteurs de réaliser.

Martin Lawrence appréhendait-il le tournage du film ? On ne l’avait pas vu dans un film d’action depuis plusieurs années et, contrairement à Will Smith qui s’entraîne régulièrement, lui avait changé physiquement…

Il est aussi plus âgé que Will, qui est une vraie force de la nature. Ils ont deux modes de vie différents. Martin avait arrêté de jouer pour se consacrer à sa famille, c’est devenu un père de famille, mais il était super motivé. Il a été honnête et nous a confié qu’il ne pouvait plus faire les mêmes choses (physiquement parlant) qu’avant. Il a fait de son mieux et, étonnement, plus le tournage avancait, mieux ça allait, plus il gagnait en assurance, en endurance. Vers la fin du tournage, Martin faisait la plupart de ses cascades lui-même. Et puis, il a également perdu du poids donc, avec ce film, c’est comme s’il avait retrouvé une seconde jeunesse. S’il fait le quatrième film, il aura davantage d’assurance.
D’un autre côté, cela correspondait parfaitement à l’image de son personnage, lequel souhaite prendre sa retraite et profiter de son petit-fils.

Finalement, Martin est le reflet de Marcus et inversement…

Exactement. Ce film est plus personnel que les deux autres. Il raconte où en est la relation entre Mike et Marcus, où ils en sont dans leur vie, maintenant qu’ils sont plus âgés. D’un côté, il y a Mike qui veut rester un Bad Boys pour la vie et de l’autre, Marcus, qui veut raccrocher avant qu’il ne soit trop tard.

Vous évoquiez plus haut, un quatrième volet. Il a été récemment officialisé. Vous accepteriez de reprendre la caméra si on vous le proposait ?

On en serait honoré. À Hollywood, on ne vous dit jamais oui tout de suite, ils attendent toujours un peu. Mais on sera là, c’est un privilège immense de pouvoir travailler avec ces acteurs-là, cette équipe-là. On va commencer à en parler, nous, on peut encore écrire une dernière histoire.
Réaliser Bad Boys 3 nous a permi d’apprendre à mettre en scène un film d’action. Je crois que maintenant, on peut encore faire mieux, voire même aussi bien.

Et la fin du film est ouverte avec la proposition de Mike à son fils. Il y a une occasion de raconter une dernière belle histoire et, pourquoi pas, un flambeau à passer.

Le passage du flambeau ça, nous ne sommes pas sûr à 100%. En tant que fan de Bad Boys, on ne conçoit pas de tourner un film sans les Bad Boys originaux. Si on nous proposait de réaliser le quatrième opus sans Will Smith et Martin Lawrence, ça ne serait pas si intéressant et, je sais pas si nous serions partant. Néanmoins, travailler avec les deux et leurs personnages, ainsi qu’Armando, qui est vraiment super, et les jeunes, oui. Il y a des choses à concevoir, à raconter et ça serait kiffant de faire encore un bout de chemin avec eux.

Will Smith et Martin Lawrence, ils sont comment sur un plateau de tournage ?

Will c’est le dynamisme et vous l’entendez arriver de loin (rire). C’est un peu comme Mohamed Ali qui arrive pour faire son match de boxe (rire). C’est réellement une boule d’énergie, tout le monde se réveille quand il est là. Il arrive à l’heure, très respectueux envers l’équipe, super professionnel et travailleur à mort.
Quant à Martin, il est très concentré et même timide. Il le dit d’ailleurs lui-même mais, une fois qu’on dit « action », il est là, présent. Le timing, le texte, le rythme, c’est réglé comme une horloge, c’est inimaginable comme il est bien préparé. Et quand on dit « coupé », il est cool, calme, gentil.

Une anecdote de tournage ?

La première semaine de tournage, Will ne voulait pas tourner avec son badge de police autour du cou. C’est assez marrant puisque désormais sur les affiches du film, on le voit avec son collier au cou. Mais à chaque fois, il avait un bon argument pour ne pas le mettre. La scène dans le bar, par exemple, nous lui avions demandé de le mettre et il nous disait que ce n’était pas nécessaire, que son personnage n’était pas en intervention. Dans une autre scène, il nous expliquait que cela ne servait à rien, qu’il était juste entrain de marcher, que son personnage n’était pas en mission.
Toutefois, il y avait autre scène où il devait impérativement le porter et c’était la dernière occasion de le voir avec le badge. Nous sommes prêts à tourner mais il ne le porte pas. Je vais le voir, je lui demande où est le badge et il me répond encore une fois que ce n’est pas logique. Je lui rétorque : Comment ça ? C’est une intervention, tu dois l’avoir sur toi. Ce à quoi il m’affirme que c’est illogique, que ce n’est pas naturel. Il se tourne vers Martin pour savoir si lui va le porter. Martin répond oui. Will refuse malgré tout. Je riposte en disant à Will que s’il ne met pas le badge à son cou, personne ne le met. C’est tous les deux ou personne. C’est seulement après 45 minutes de discussion sur le plateau, devant tout le monde, qu’il accepte : « Vous savez quoi, comme vous êtes les réalisateurs, je vais le faire, juste pour vous. Même si je trouve que c’est une mauvaise idée. ». Nous, on se sentait un peu mal d’avoir contrarié Will Smith, mais je crois que c’était un test. C’était la première semaine de tournage, et il voulait sûrement voir à quel point on pouvait faire passer nos idées créatives.

Mille mercis à Adil El Arbi pour cet entretien, sa disponibilité et sa gentillesse.
Bad Boys For Life, actuellement au cinéma.

Crédits photos : metro.co.uk et zimbio.

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