L’APPEL DE LA FORET : NATURE & CGI

Call of the Wild (« L’Appel de la Forêt » en version française) avait déjà fait l’objet de quatre adaptations cinématographiques et autant de productions télévisuelles, chaque réalisateur renouvelant l’œuvre littéraire avec son époque et ses problématiques. Plusieurs légendes du 7ème art se sont même succédées dans le rôle principal de John Thornton dont Clark Gable ou encore Charlton Hesdon. Aujourd’hui, c’est une autre figure emblématique du cinéma qui reprend le flambeau : Harrison Ford.

Dans cette nouvelle adaptation du roman culte de l’écrivain Jack London, le cinéaste Chris Sanders se démarque de ses pairs par un choix inattendu. Et ce n’est pas sur le plan scénaristique sur lequel le créateur de Lilo & Stitch a subit la colère des cinéphiles mais, sur l’utilisation de CGI. En effet, la figure de Buck, le chien héros de l’histoire, a entièrement été conçu en image de synthèses. Un choix plus que douteux mais justifié ? Réponse !

Buck : L’Appel du CGI

La principale critique concernant le film de Chris Sanders est donc le choix d’un chien en CGI. Cette volonté du live-action s’inscrit dans un processus très hollywoodien, notamment chez Disney, qui revisite ainsi ses plus célèbres classiques. Argent facile ou véritable envie de dépasser les limites technologiques et de pousser plus loin l’expérience cinématographique, il y a néanmoins derrière ce mécanisme, une déshumanisation totale des œuvres animées. Cette déshumanisation, elle se fait au détriment d’images virtuelles abominables qui, d’une part, n’amènent rien de plus aux œuvres originales et dont le CGI retire toute l’âme et le charme des animées d’antan. The Lion King en est le parfait exemple. Les couleurs du film d’animation étaient vives, intenses, les scènes grandiloquentes (cf. la chanson de Scar) avec des intentions artistiques pures, tandis que le long-métrage de Jon Favreau étaient ternes, pâles, sans vie. Notons l’exception Dumbo mais, n’est pas Tim Burton qui veut.

Avec le rachat de la Fox par Disney, on pourrait imaginer que Chris Sanders a subit une sorte de pression pour créer Buck en CGI, avant le début du tournage. Ce qui serait plutôt logique au vu des récentes adaptations en live-action des classiques Disney. Toutefois, il y a sûrement deux autres raisons plus valables à cela.
. À l’heure où la cause animale est de plus en plus prononcée et dénoncée par les associations et les stars internationales, où des pétitions circulent pour interdire l’exploitation des animaux dans les cirques, le choix d’un chien CGI s’inscrit peut-être dans un désir sincère de ne pas utiliser de vrais chiens sur le tournage. Je ne suis pas un spécialiste mais, je suppose que le dressage des chiens ou de tout autre animal, doit être éprouvant pour ce dernier, même si les dresseurs de cinéma font un travail remarquable, dans le respect du vivant.
. Certaines séquences spectaculaires exigeaient des images de synthèses (cf. la scène de l’avalanche). Malheureusement, elles sont rares et l’utilité du CGI et une fois encore, remis en cause.
En revanche, la volonté de faire jouer les acteurs avec un faux chien dans des séquences plus calmes et plus intimistes, est incompréhensible. En effet, ces scènes perdent en qualité émotionnelle, en chaleur humaine, et donne une sensation de distance entre nous et les sentiments que veulent faire dégager ces scènes. Cependant, la performance d’Harrison Ford comble la fausseté des images et livre quelques beaux moments poignants. Le personnage de John est d’ailleurs une des pierres angulaires du récit et, Harrison Ford transcende cette quête de soi avec une émotion pure, qui ne laisse pas nos petits cœurs indifférents.

Je pense également qu’un CGI, outre qu’il s’agisse d’un choix de facilité, permettait à Chris Sanders de pouvoir contrôler le faciès du chien à sa guise en post-production. Regard.s, tic humoristique, sentiment.s (joie, peur, tristesse…) avec le CGI, on peut transmettre n’importe quelle.s émotion.s et rapidement, pas besoin d’un dressage intensif et de faire répéter l’animal pendant plusieurs heures. Les chiens réels sont aussi imprévisibles : refus, fatigue… Je ne cautionne pas le CGI sur une adaptation dont les héros sont des animaux mais, les problèmes de timing, de budget, etc… sont autant de facteurs qui peuvent influer sur la décision finale d’un tout CGI.

L’Appel de la Nature

*SPOILERS*

Chris Sanders a réadapté le roman de Jack London avec les problématiques du XXIème siècle avec pour thème principal : l’écologie.

« Nous ne sommes que de passage mais ça, ça reste ».
Cette phrase prononcée par Harrison Ford face à un magnifique coucher de soleil résonne d’une manière particulière en ces temps troubles, où la nature est pillée, saccagée, martyrisée sans scrupule par l’Homme.
Le thème de l’écologie parsème le film d’une empreinte indélébile. Chris Sanders parvient même à faire des parallèles avec l’actualité (brûlante) des derniers mois, aux feux qui ravagent depuis plusieurs mois les forêts de l’Amazonie et l’Australie. J’en veux pour preuve cette scène, celle où la cabane de Buck et John prend feu. Ici, Sanders ne nous montre qu’un simple habitat qui brûle. Cette cabane, elle symbolise notre monde, elle est représente l’état actuel de notre monde.
L’image de Buck qui pousse le personnage interprété par Dan Stevens dans le feu est aussi une scène très forte. Hal représente ce qu’il y a de pire chez l’Homme : la cupidité au détriment de toute morale. C’est sa folie, sa soif d’or et de vengeance, qui provoque l’incendie, comme la déforestation par l’Homme pour s’enrichir provoque la destruction de notre planète. Sa propre folie signe aussi sa perte. Car si la Nature (caractérisée par Buck) se rebelle, que vous soyez riches ou pauvres, elle ne fera aucune différence.

L’ode à la nature est également omniprésent. On traverse quantité de décors naturels (ou non), de paysages magnifiques, sublimés par la photographie de Janusz Kaminski. Néanmoins, les instants où la caméra s’attarde longuement (en plan large) sur les paysages sont peu nombreuses et les multiples ellipses temporelles empêchent parfois d’apprécier la beauté des étendues enneigées ou de la forêt.

La conclusion du Capitaine Cinemaxx

Le roman de Jack London est dur, cruel. La version de Chris Sanders édulcorée, bien plus que certaines adaptations dont celle réalisée en animée par Kozo Morishita.
La violence animale est passée sous silence alors que le film promettait dans sa bande-annonce des moments difficiles sur la survie (« il avait été gâté et il avait souffert »). La capture de Buck et sa nouvelle condition sont expédiées vitesse lumière et, outre une séquence particulièrement violente entre Buck et Hal, L’Appel de la Forêt reste sage et mielleux.
Ignorer la souffrance d’un personnage, lui retire toute empathie. On ne peut être émotionnellement impliqué dans une souffrance, si on ne la montre pas. Pourtant, avec un chien en CGI on aurait pu penser que Chris Sanders livrerait des séquences rudes, impitoyables, pour dénoncer les violences faites aux animaux, signifier l’horreur d’actes ignobles commis par certains « bouchers » ou éduquer/éveiller les consciences. Que nenni ! Un marketing mensonger pour un film finalement grand public, où le récit, limpide et sans prise de risques, atténue son propos. Il ne faudrait surtout pas ébranler ces pauvres enfants !

Le film se révèle toutefois prenant et troublant, notamment sur la quête de John dont le retour aux sources lui permet de mieux comprendre, de mieux cerner ses propres envies. Tout comme la présence de Buck à ses côtés lui rappelle la beauté d’un contact chaleureux.

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