DIVORCE CLUB : ENTRETIEN AVEC MICHAËL YOUN ET ARNAUD DUCRET

Le mercredi 4 mars s’est déroulé l’avant-première de Divorce Club, au Méga CGR de La Rochelle, troisième réalisation de Michaël Youn, qui avait reçu le Grand Prix ainsi que le Prix de la Presse au Festival de l’Alpe d’Huez en janvier dernier.
Une avant-première organisée par l’émission « Chut, on écoute la télé » d’Alain Jeanne (encore lui !), devant un public hilare et heureux de pouvoir échanger avec les deux stars du film, Arnaud Ducret et Michaël Youn, à la fin de la projection.

J’ai eu l’opportunité d’interviewer les deux comédiens. Une rencontre passionnante, avec un Michaël Youn passionné, dont l’envie de défendre son film est indéniable.
J’appréhendais l’interview. Je pensais qu’elle allait être ingérable. Je me suis retrouvé face à quelqu’un de captivant et d’intéressant sur le fond comme sur la forme. Une interview pleine d’humour, bourrée d’anecdotes et de réflexions intelligentes sur le métier d’acteur et de réalisateur.

MICHAËL YOUN

« Je suis aussi ce premier de la classe, de même que je suis aussi Fatal Bazooka, qui est mon alter-ego excessif, vulgaire et caillera. Titi (son personnage dans Divorce Club) lui, est mon alter-ego timide, lâche, pornocrate et menteur. Je suis tout ça. »

D’où vient l’idée de faire un film avec pour thème, le divorce ?

Le thème principal du film, ce n’est pas que le divorce. C’est aussi un film sur la séparation, c’est un film sur se faire larguer, sur se retrouver seul comme une vieille chaussette, c’est arrivé à tous depuis qu’on à 13 ans et ça arrive jusqu’à notre mort. J’ai un pote qui a 76 ans et qui vient de larguer sa meuf.

Arnaud Ducret : Sa mère, donc (rire).

Michaël : Non (rire). Mais voilà, je voulais parler de tout ça. Le film aurait pu s’appeler « T’inquiètes mec, t’es pas tout seul, on est avec toi Club ».

Vous, comment vous géreriez une rupture ? Vous iriez aussi chez un pote pour faire la fête tous les jours ?

Arnaud Ducret : C’est une phase obligée, ça.

Michaël : C’est la politique de l’autruche. Avant d’assumer le fait qu’une histoire puisse se terminer, comprendre qu’à un moment tu ne corresponds plus au désir de l’autre, tu dois te cacher de tout ça et donc, tu vas voir des potes, tu sors, tu bois, tu rencontres d’autres personnes, c’est un passage obligé. En tous cas, pour des gens qui aiment la vie comme nous.

Au début du film, on peut apercevoir plusieurs caméos de McFly et Carlito. J’en conclus que vous avez tenu votre promesse. Comment étaient-ils lorsqu’ils sont arrivés sur le tournage du film ?
Arnaud Ducret : J’ai vu un Carlito assez stressé moi. Les deux d’ailleurs.

Michaël : Les deux étaient stressés, oui. Quand on a tourné la petite scène au golf, McFly transpirait de ouf.
Ils ont commencé avec les scènes où ils brisent leur amitié avec Arnaud, qui étaient donc des séquences qu’on a tourné en équipe réduite, mais c’est malgré tout impressionnant quand tu viens de Youtube, où les moyens techniques ont moins d’envergure que sur un long-métrage. Néanmoins, ils ont été formidables et ce sont de très bons comédiens. Ils comprennent tout ce qu’il se passe dans l’image. Je suis sûr et certain, qu’ils feront d’autres films.

Il y a des scènes très drôles dans le film, dont celle en rallye. Comment cette séquence a-t-elle été tournée ? Vous avez alterné plans en décors réels avec des cascadeurs et plans en studio avec Arnaud et François-Xavier Demaison ?

On a tourné dans l’autre sens. On a d’abord utilisé la voiture qu’on a « posé » sur un loader, c’est-à-dire un plateau avec des roues et, on lui a fait faire plein de grands virages, des dérapages etc…, et là, la caméra était effectivement sur Arnaud et François. Ici, c’est tout le talent des comédiens, qui font comme si ils valdinguaient à 180km/h sur les routes de l’arrière pays varois. Ensuite, nous sommes allés tourner avec la voiture, la Citroën de Sébastien Loeb et le pilote d’essai de chez Citroën. On a placé pleins de petites caméras sur la voiture et le mec c’est complètement éclaté. C’était génial ! Et une idée qu’on avait eu, dès l’écriture du scénario. Je voulais pas que ça soit un gag gratuit, mais que ce soit un gag cadeau.
On a alors appelé Citroën et ils ont tout de suite dit « oui ». Le projet leur a plu et je me souviens de la phrase du patron de chez Citroën Sport qui m’a tout de suite dit : « Bon, on est d’accord qu’on ne parle pas d’argent entre nous ? ». Cela ne nous a rien coûté. Citroën nous a amené la voiture, le pilote, eux, ça leur a coûté de l’argent. Alors, certes, il y a la visibilité mais quand ça se passe ainsi, c’est vraiment génial.

Et l’idée du runing-gag avec le lémurien, ça vient d’où ?

J’adore les animaux. D’abord dans un sens personnel, j’ai eu des chiens toute ma vie et puis, j’adore les animaux au cinéma. À chaque fois, j’essaye d’intégrer des animaux à mes films. Il y a toujours des difficultés à travailler avec des animaux sur un tournage, mais c’est toujours un petit plus. Je trouvais ça très rigolo d’avoir un animal gentil, mignon, qui soit là très agressif. À la base, il devait avoir toute une histoire toutefois, pour des raisons d’efficacité narrative ont a du supprimer ces scènes. Dans le film, le lémurien venait aussi de se faire larguer et, c’est la raison pour laquelle il était bipolaire.

Moi : Il est vrai que les lémuriens sont assez sous-représentés dans le cinéma français. On voit beaucoup de chiens, de chats mais peu de lémuriens finalement (rire).

Complètement. L’association des lémuriens qui aiment le cinéma, dont je suis le Président, défend cette cause. Effectivement, on parle de discriminations positives pour les chiens, pour les chats, mais jamais des lémuriens qui sont nés sur le sol français…

Arnaud, le coupe : Je tiens à préciser qu’il y aura une manifestation des lémuriens à La Rochelle à 14h00 (rire). Vous savez, il y a eu que deux Césars remis à des lémuriens, c’est peu. D’ailleurs, le plus lémurien des acteurs, c’est Vincent Cassel.

J’imagine qu’il y avait un dresseur sur place

C’était bien plus qu’un dresseur. C’était un amoureux des animaux. Une fois, j’ai eu une expérience extrêmement difficile avec un dresseur d’animaux qui était, je trouve, trop poussif avec ses animaux, limite violent et, cela m’a vraiment dégoûté. Désormais, quand je travaille avec des animaux et des dresseurs, je vérifie bien que ce sont des amoureux des animaux, qui font faire ça dans le plaisir et le respect de l’animal. Pour l’animal, le tournage peut être une contrainte, mais ça peut aussi devenir un jeu. Tiens, si tu fais ça, tu vas gagner des petits trucs à manger et, ça le sort aussi de son quotidien. Donc, c’est très important de faire ça avec ceux qui aiment réellement les animaux. Et dès que le dresseur nous disait que là nous ne pouvions pas faire telle ou telle chose, car l’animal n’en peux plus, qu’il en a marre, en général, on s’arrête. Autant les acteurs, on peut les pousser davantage et, eux, sont payés, autant les lémuriens sont les seuls non-rémunérés.

Arnaud dans le rôle de Ben, c’était une évidence ?

Cela a été une évidence lorsque j’ai rencontré Arnaud. À la base, Arnaud devait jouer le rôle de François-Xavier puis, j’ai eu envie d’inverser les deux rôles. Quand vous montez un film, il faut savoir que vous n’êtes pas le seul à décider. Il y a un distributeur, qui fournit la majorité de l’argent, le producteur, qui porte le projet, etc, et tout le monde donne son avis. Et comme ce n’est pas UN distributeur c’est une société de distribution, il y a 4-5 personnes, ce n’est pas UN producteur mais c’est une boîte de production, il y a 4-5 personnes, ça devient rapidement une armée mexicaine où tout le monde a son avis : « Est-ce que Arnaud Ducret, il n’est pas trop grand ? » (en imitant). Chacun avait son avis sur les deux personnages principaux, tout le cinéma français était représenté et moi, je dois me dépatouiller avec ça.

Je dois essayer de trouver le moins pire compromis et ça, ça m’embêtait vraiment. J’ai quand même écouté les avis de tout le monde et puis, j’ai eu une fulgurance. Je leur ai dit qu’il se trompait tous et qu’on allait caster ce film comme un film américain. Dans un film américain, le rôle de la victime, on va le donner à un acteur flamboyant, à un acteur exubérant, à un acteur ayant une vraie énergie, type Arnaud par exemple, également capable d’une vraie profondeur. Et là bam, tout de suite, on va comprendre la gravité de ce personnage, comprendre que tout ceci n’était qu’un leurre et que nous jouons tous un jeu de dupes, que sa blessure est bien plus profonde qu’on veut bien le croire. Le film prend alors du sens, de la profondeur, malgré que ce soit une comédie, une comédie pop-corn même et je l’assume totalement.

J’ai réussi à convaincre mon distributeur et mon producteur qu’il fallait qu’ils switchent leurs idées et que mon idée à moi, c’était de mettre Arnaud dans le rôle de Ben et non dans celui de Patrick (François-Xavier Demaison).

Dans Divorce Club, vous apparaissez dans le rôle de Titi. Un personnage qui ressemble au premier de la classe : propre sur lui, bien coiffé, petites lunettes rondes. C’est cette caricature, si je puis dire, que vous auriez été si vous vous n’étiez pas lancé dans l’humour ?

Dans tous les personnages que les acteurs interprètent, il y a un peu d’eux. Même lorsque tu joues un psychopathe, tu y mets toujours de toi. Je suis persuadé que lorsqu’Arnaud à jouer Xavier Dupont de Ligonnès, il s’est sûrement pris la tête pour savoir comment un homme pouvait basculer à ce point (Arnaud confirme). Tu es obligé de trouver, je ne dirais pas des circonstances atténuantes à tes personnages toutefois, leur trouver des circonstances. Sinon, tu ne peux pas les interpréter. Tu es obligé de rentrer dans leur psychologie. Donc oui, je suis aussi ce premier de la classe, de même que je suis aussi Fatal Bazooka, qui est mon alter-ego excessif, vulgaire et caillera. Titi lui, est mon alter-ego timide, lâche, pornocrate et menteur. Je suis tout ça.

Divorce Club est votre troisième réalisation. Pour vous, il est plus difficile d’être acteur ou réalisateur ?

Le plus dur, c’est d’être réalisateur dans un film où tu tiens le premier rôle. Fatal, Vive La France, à chaque fois j’ai perdu deux ans de capital vie. C’est véridique, ça a été prouvé par mon médecin. En somme, si tu fais dix films dans ta vie, où tu es acteur, premier rôle et réalisateur, ça fait 20 ans de vie en moins. J’avais l’intention de vivre jusqu’à 78 ans, mais là ça veut dire que je vais mourir à 58 ans et qu’il me reste 12 ans de vie. Du coup, on réfléchit avant un réaliser un film (rire). Plus sérieusement, c’est très fatiguant pour l’égo. Tu es tout le temps en train de te regarder d’ailleurs, Arnaud peut en être témoin, je devais jouer, dans le même temps penser à la mise en scène, à la fois pour moi, pour Arnaud, penser à la position de la caméra, au découpage, etc…

Il y a une scène, par exemple, où je sors d’un jacuzzi. Eh bien tu te juges, tu la refais, tu essayes de t’améliorer, à un moment, tu as envie de te concentrer sur les autres et ça fait du bien de le faire. Nous sommes des saltimbanques, beaucoup centrés sur nous-mêmes, non pas qu’on soit égocentriques mais, lorsque vous faites des seuls en scène, vous êtes obligés de vous regarder, de vous analyser, et d’être tout le temps sur ce que nous sommes. On a des camarades, dont je tairai les noms, qui sont devenus aliénés par ça.

Dès que tu vous vous asseyez avec eux, ils testent leurs blagues de leurs spectacles, te racontent leurs salles, leurs publics, leurs prochains films et, passent leurs temps à faire des vannes, des vannes, des vannes, comme s’ils étaient encore sur scène. (Michael respire, souffle). Il faut redescendre un peu la machine et pour ça, de s’intéresser aux autres. Divorce Club est le film sur lequel je me suis le plus fait plaisir en tant que réalisateur.

ARNAUD DUCRET

Qu’est-ce qui vous a attiré ou attendri dans le rôle de Ben, au point d’accepter de jouer ce personnage dans Divorce Club ?

Ben, c’est un gars foncièrement amoureux, foncièrement gentil. Dès le début, tu ne peux qu’aimer ce mec. C’est vraiment le looser mangifique. C’est super jouissif de jouer cet homme accablé, qui en prend plein la gueule et qui en sort à la fin magnifique. C’est quelque chose qui me plaisait beaucoup.

Vous avez quelques scènes où vous jouez le mec bourré, est-ce que c’est difficile d’interpréter un mec bourré, sans tomber dans la caricature ?

C’est le plus difficile. J’ai vu un film d’ailleurs, il n’y a pas très longtemps, où un acteur jouait le mec bourré et il était complètement à côté.

Michaël : Tu me dis qui c’est ? (Arnaud lui glisse le nom à l’oreille).

Michaël : Ah mais tu sais pour quoi ? Parce qu’il ne boit jamais. […] C’est plus difficile de jouer le mec bourré, si tu n’as jamais été bourré.

Arnaud : Je vois ce que tu veux dire. J’ai été bourré plein de fois mais c’est surtout aussi en regardant les autres. J’en ai tellement vu, que je me suis inspiré de ça.

À part ces scènes-là, y’avait-il d’autres séquences plus difficiles encore à tourner ?

Michaël : Elles sont toutes physiques parce qu’Arnaud est un acteur physique. C’est ce qui m’a totalement fait craquer pour son talent. Excuse-moi Arnaud hein, un truc tout con mais, la scène où il s’aperçoit que sa femme le trompe avec son patron, il fait un petit AVC, il s’écroule, c’est une impro. Moi j’avais fait un plan de cinéma et, finalement, j’ai gardé son improvisation. La comédie chez lui, elle passe dans tout le corps.

Est-ce que vous avez une anecdote de tournage marrante, coccasse, à nous faire partager ?

Sur le dernier jour de tournage, le décor n’avait pas été très bien assuré par la production – que j’embrasse et qui a été super sur plein de points mais sur celles-ci non (rire). Il y avait Michaël qui se retrouvait à gérer des problèmes de décors avec des directeurs de salles de sport et, en même temps, à diriger les comédiens, terminer ce film, c’est une image qui m’a marqué. Je me disais, ce pauvre Michaël, jusqu’au bout, il aura des soucis (rire). En fait, pour être précis, on a perdu le décor, la dernière semaine, à cause d’un quiproquo. Ils n’avaient pas compris qu’on allait refaire la devanture extérieure de leur salle de sport en y ajoutant Oh my Gode, qui est un sex-shop. Les juristes sont arrivés en braillant qu’ils n’avaient pas été prévenus, qu’on ne devait pas assimiler leur salle de sport à un sex-shop. Et, avec la persevérance de Michaël et son énergie, à discuter avec le patron de salle – je pense que les juristes avaient besoin de justifier leurs salaires (rire) -, est tout est rentré dans l’ordre. Surtout qu’à la fin du film, il y a une scène dans cette salle de sport, qui est sublimée par la lumière.

Michaël : Il y a énormement d’anecdotes marrantes. Je me souviens qu’un jour, on devait tourner une séquence dans l’agence immobilière où travaille le personnage d’Arnaud et c’était un samedi. Or, ce n’était pas le même code que la semaine. Impossible de rentrer sur le décor (rire). Donc, tu avais toute une équipe de cinéma qui attendait pour tourner une séquence et, nous n’arrivions pas à joindre les propriétaires de l’agence. Mon directeur de production vient me voir et me dit calmement de défoncer la porte. Je leur réponds qu’on fait du cinéma (rire). S’il y a quelqu’un à l’intérieur, malade, oui, je défonce la porte, mais pas pour du cinéma.

Une autre, allez. Un jour, je pars en week-end, parce qu’on tournait dans la région de Toulon faire une petite soirée. Et je ne sais pas, je me suis battu, il y a quelqu’un qui s’est battu contre moi et qui m’a mis un putain de coup de poing dans les côtes. Je commençais à cracher du sang et j’ai passé la nuit aux urgences. Le lendemain matin, je suis arrivé sur le plateau, pour tourner une scène qu’on a finalement coupé, encore dans les vappes par l’anésthésie avec du vent qui soufflait à 180, au bord d’une falaise… Mais c’est ça qui est génial dans un film, il y a toujours de l’aventure. Et lorsqu’il n’y en a pas, l’histoire est moins belle.

On évoquait toute à l’heure Xavier Dupont de Ligonès, pour lequel vous avez prété vos traits. Un rôle à contre-emploi. Comment vous avez vécu cette expérience ? Vous appréhendiez de jouer ce rôle ?

J’appréhendais l’histoire, la manière dont elle allait être traitée, d’appréhender de le jouer, je ne sais pas si c’est le mot. Je voulais surtout que l’histoire soit bien écrite et, quand Pierre Atkin m’a proposé le scénario, j’ai aimé les quatre épisodes et j’y suis allé. C’est une histoire malheureuse toutefois, j’ai pris du plaisir à jouer un personnage tel que lui, inaccessible et insaisissable.

Ce type de rôle dramatique, cela vous a t-il donné envie de tourner davantage de drames ?
J’ai toujours voulu. C’est une question d’opportunités et mes rôles au cinéma sont souvent très centrés sur la comédie. Néanmoins, les choses viennent naturellement. Je suis content de voir des réalisateurs penser à moi pour ce genre de projets.

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