ARTEMIS FOWL : UN CRAWL VERS LE NAUFRAGE…

* SPOILERS * NOTE : Je n’ai pas lu les romans.

Saga littéraire écrite par l’écrivain irlandais Eoin Colfer, Artemis Fowl avait toutes les qualités pour être la nouvelle franchise bankable des enfants, et ainsi succéder à la machine Harry Potter, dernière octalogie à succès du teen-cinéma fantastique.
Les espoirs de relancer un nouvel univers, après l’échec de John Carter, continuent de hanter Disney qui n’abandonne pas. La Maison de Mickey ressort alors un projet longtemps dans les starting-block : Artemis Fowl. L’objectif, constituer une fresque d’aventure capable de rivaliser avec les plus grandes franchises hollywoodiennes et renouveler un catalogue de nouveaux héros, qui s’essouffle. Pari réussi ? Réponse !

Les contes : un mensonge d’État

L’intérêt d’Artemis Fowl repose sur l’idée selon laquelle les contes ne sont pas les mièvres histoires que l’on raconte aux enfants. Cet écart entre la réalité et la fiction, point pourtant central de l’intrigue, n’est pourtant jamais considéré comme un élément véritable du film et n’est absolument pas représentatif de ce que veut nous faire croire le narrateur de l’histoire : Mulch Diggums.
Où est le « cauchemar éveillé » dont le Nain nous fait la promesse ? Nulle part. Tous les personnages sont fades, lisses, gentillets et beaux. Les Fées, les Centaures et autres créatures vivent sous terre, loin du regard des humains, et ne semblent représenter aucun danger pour l’Humanité. Certes, ces derniers possèdent des technologies incroyables et nous sommes bien loin de ce que dépeint les livres de contes, mais nous sommes également loin des cauchemars évoqués par ce cher Nain. Et, ce n’est certainement pas l’apparition d’un Troll pour tenter de prouver qu’Artemis Fowl peut être un film sombre, qui me fera changer d’avis. Harry Potter avait au moins l’intelligence de présenter un bestiaire aux allures terrifiantes (Sombrals, Détraqueurs, Acromentules…) ou d’une laideur incomparable (Les Efles de Maison, Les Lutins de Cornouaille…). Même les Trolls et les Centaures de Harry Potter n’avaient pas cet aspect esthétique charmant et merveilleux, c’est dire !
De plus, aucune menace ne plane vraiment sur les héros. La Fée Noire, antagoniste principale du film, reste toujours en retrait de l’action et ne confronte que par « téléphone » Artemis et sa bande. Bien-sûr, les menaces tapies dans l’ombre sont souvent les plus oppressantes toutefois, l’ambiance anxiogène qui devrait ici se dégager au sein du récit est inexistante, notamment parce que les enjeux sont bien trop faibles et pris avec trop de légèreté.

La bande à Picsou

Artemis Fowl, nouveau génie du crime ou farce criminelle ?

Le choix de Kenneth Branagh comme réalisateur n’est à mon avis pas anodin. Quoi qu’en disent les haters, Branagh sait conter et/ou iconiser des personnages fictifs ou historiques d’envergure, à travers des choix de mises en scène forts et une certaine forme de théâtralité, plaisante.
Que ce soit Thor (très sous-estimé), Cendrillon ou Hercule Poirot (Le Crime de l’Orient d’Express) – pour ne citer que ses œuvres les plus récentes -, le réalisateur parvient toujours à donner vie à des légendes de la littérature. Son arrivée sur Artemis Fowl était donc une suite logique dans sa filmographie.
Malheureusement, le cinéaste d’Henry V s’est royalement planté, prisonnier d’un scénario avec lequel il ne pouvait certainement pas exprimer toute sa créativité. Toutefois, Branagh avait déjà surmonté ce genre d’épreuves par le passé, on ne peut décemment remettre la totalité de la faute aux scénaristes – même si l’un d’eux n’est autre qu’un des auteurs du désastreux Green Lantern (2011).

La triste vérité c’est que ce projet, personne n’y croyait…

. Artemis Fowl

Pour qu’un enfant ou un ado puisse s’identifier à un héros/anti-héros, il faut que celui-ci ait des failles, des émotions perceptibles, quelque chose à laquelle le jeune spectateur peut s’accrocher. D’entrée (cf. la scène chez le psy), Artemis Fowl s’impose comme une figure hautaine et orgueilleuse, qui ne laisse rien transparaître. Cette insolence, caractéristique des génies, aurait pu être attachante – à l’instar d’un Patrick Jane (Mentalist) -, si seulement le personnage d’Artemis Fowl avait reçu un background profond, développé en amont. La mort de sa mère, les nombreuses absences de son père, sa solitude, tout cela est expédié à la va-vite ou totalement évincé du scénario. Dès lors, comment avoir ne serait-ce qu’une once de compassion, d’attachement pour ce personnage ?
En somme, l’iconisation d’Artemis Fowl est prétentieuse, maladroite et frôle le cliché (cf. les ralentis sur Artémis en monde faussement badass). Cette arrogance nous éloigne du personnage, le rend inaccessible à l’image d’une Captain Marvel.

Pour finir sur le personnage d’Artemis, qui prétend être le « nouveau génie du crime », il est en vérité une farce criminelle, une arnaque cinématographique de la plus grande ampleur. En effet, à aucun moment Artemis Fowl se révèle en tant que génie du crime, aucun acte ne nous le prouve (et ne me parlez pas de ce kidnapping foireux !). On sourit alors, dès qu’il se nomme ainsi, à la fin du film.
Quant à son supposé génie naturel, lorsqu’on est incapable de l’utiliser pour vaincre un troll et qu’on tente vainement de lui tirer dessus avec un pistolet féerique (un acte désespéré et désespérant), on ne peut prétendre au titre de génie.

. Autres

Artemis Fowl n’est pas le seul personnage massacré, les protagonistes secondaires le sont tout autant. Du majordome (badass, vraiment ?) à la cousine d’Artemis Fowl (venue en renfort pour une raison que j’ignore, à quoi sert-elle ?), les personnages qui nous sont imposés et mis en scène sont creux et inexistants. Inexistants dans l’intrigue, ils errent tels des fantômes et semblent perdus, autant que le réalisateur qui ne sait comment utiliser tout ce beau monde. D’où des interprétations à la limite du supportable. Seul Colin Farrell s’en tire avec les honneurs, malgré de trop courtes apparitions.

Les complotistes apprécieront !

L’Irlande : Terre de Légendes

Kenneth Branagh a un autre point fort, sa capacité à capter son environnement, à saisir son décor pour en faire un personnage à part entière. Avec l’Irlande au cœur de l’action, terre de mythes et de légendes, il y avait une occasion unique de nous (re)faire découvrir le pays des Fées et des Leprechauns sous un nouveau jour, un nouvel angle. Que nenni ! Artemis Fowl est d’un immobilisme consternant. Une grande majorité du film se déroule au Manoir des Fowl, ne procurant qu’un vaste sentiment d’ennui. Suivre une adaptation littéraire à la lettre pour être au plus proche de la vision de son auteur est louable cependant, pour faire rêver les enfants, il en faut davantage. Une redécouverte de l’Irlande, à travers une quête ou une chasse au trésor, aurait évité que nos paupières s’alourdissent (plusieurs parents m’ont confié que leurs enfants s’étaient endormis devant le film, le problème vient de là !). Pour faire une nouvelle comparaison avec Harry Potter, où les héros sont enfermés à Poudlard, la réussite tient grâce à un environnement habilement exploité, riche et aux multiples secrets. Ce qui n’est jamais le cas du Manoir Fowl.

Conclusion

Film linéaire et immobile, Artemis Fowl est un véritable échec artistique où l’ambition est restée sous terre, au Royaume des Fées.
Seul point positif à cette production catastrophique, la photographie, alléchante, laquelle offre un long-métrage coloré, visuellement soigné et intéressant. Le « monde » des Fées et plus globalement celui d’Artemis Fowl proposent, en effet, un univers avec énormément de potentiel. Pour cela, si d’éventuelles suites sont envisagées, Disney devra prendre conscience des moyens à mettre pour créer une nouvelle saga digne de ce nom.



Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *