BALLE PERDUE : L’ACTION MADE IN FRANCE

* SPOILERS ALERT *

Après plusieurs courts-métrages et des années à construire un long-métrage d’action made in France, Guillaume Pierret et toute son équipe dévoilent enfin Balle Perdue, distribué par la plateforme de streaming Netflix.
Ce premier film signé Guillaume Pierret vaut-il le coup d’œil ? Réponse !

Balle Perdue : Acte I

Rentrons directement dans le principal défaut de Balle Perdue, avant d’entonner ensemble les nombreuses qualités de cette production.

La seule problématique du film réside dans l’introduction et la présentation de son héros, Lino (Alban Lenoir). Une maladresse d’écriture qui apparaît lorsque le personnage de Charas (Ramzy) confie au téléspectateur qu’il cherche « un magicien » pour ses opérations. Hors, à part défoncer une bijouterie et traverser quatre murs en béton armé avec une simple clio – ce qui est, certes, déjà un exploit en soi -, on ne voit jamais le personnage de Lino se lancer dans de grandes prouesses techniques et mécaniques. On s’interroge alors, pourquoi lui ? Une énumération de ses exploits, ponctuées par de courts-flashbacks aurait permis de mieux comprendre son choix. Lino est un génie, un technicien hors du commun, un conducteur hors-pair et un combattant aguerri, il faut alors le montrer !
L’identification d’un héros est très importante, d’où l’intérêt d’exploiter le peu de temps que l’on a pour lui fournir un passé. Ainsi, le spectateur est attaché à son héros et à son sort. Un effet boule de neige non-négligeable.

Les ellipses temporelles altèrent aussi la dramaturgie de Balle Perdue. En effet, la relation entre Charas et Lino n’est pas suffisamment mise en valeur, pour s’attacher émotionnellement à cette fraternité naissante. Dès lors, la disparition de Charas ne nous affectent peu, pas autant qu’elle affecte Lino. Toutefois, la rage de Lino est retranscrite avec tellement d’ardeur, qu’on ressent assez de colère pour saisir les enjeux délicats de cette chasse à l’homme.

Ces défauts sont sûrement liés à des contraintes financières et de format. En 1H30, difficile d’entrer dans certains détails, d’aller en profondeur. Peut-on reprocher à un réalisateur de vouloir accélérer les choses pour arriver à ce que veulent réellement les gens : l’action ?

Pour le reste, Guillaume Pierret réutilise certains codes du genre, se les approprie, c’est simple mais efficace. Le scénario tient la route, les enjeux sont clairs et définis sur un axe précis et, le réalisateur sait nous entraîner dans sa course folle avec authenticité et précision.

Comme la zumba, on roule collé-sérré

Drive Lino, Drive !

Là où Guillaume Pierret brille donc, c’est dans sa mise en scène, soignée, féroce, sauvage et nerveuse.
La scène du commissariat est dantesque. Ici, pas question de copier John Wick et ses chorégraphies millimétrées, le cinéaste construit l’action sous un nouvel angle. La caméra est organique, se concentre sur des éléments clés. Elle va, par exemple, se positionner sur un accessoire et, cet accessoire, on va le suivre jusqu’à son utilisation par Lino (ordinateur, bouclier, bombe lacrymogène…). Cette construction en trois étapes – on fixe l’objet, Lino le saisit et neutralise ses ennemis -, offre une dynamique de mouvement ludique et entraînante.
Même chose pour la course-poursuite en voiture. Avec beaucoup d’inventivité, Guillaume Pierret va imbriquer plusieurs éléments qui lui permettront de stimuler sa séquence, en y ajoutant des détails surprenants ou improbables (voiture-bouclier, Renault en feu…). Là aussi, la caméra est en perpétuelle mouvement. La course-poursuite, rythmée par divers points de vues (plan large, point de vue de Stefi Celma, etc…), plonge littéralement le spectateur au cœur même de l’action. Ce côté immersif est important, car il embarque le public avec pour objectif de ne plus le lâcher. Et comme je le disais plus haut, Guillaume Pierret parvient sans peine à nous galvaniser et nous transporter avec lui et ses acteurs au sein de cette course-poursuite effrénée. Mais une course-poursuite ne serait rien sans enjeux. Et l’enjeu, c’est la Renault 21. Pierret ayant fait de son véhicule fétiche un personnage à part entière, la source première de son intrigue, le suspens en est donc décuplé. Car sans cette voiture, impossible d’innocenter Lino. Alors, lorsque Arieski se lance à la poursuite de Lino, lorsque la Renault 21 subit d’importants dommages ou qu’elle prend feu, on s’inquiète pour lui et son avenir.

Petite balade entre amis

Les acteurs sont solides, désireux de donner le meilleur d’eux-mêmes dans cette superproduction afin de prouver qu’en France, on sait proposer des longs-métrages sévères et enivrants.
Alban Lenoir confirme qu’il peut porter un projet de cette envergure à lui seul et, sans être le nouveau Tom Cruise français (mes confrères adorent exagérer les comparaisons), le comédien et cascadeur sait être pertinent dans ses propositions de jeu. Le cinéma de genre a besoin d’acteurs de cette trempe, d’acteurs aux multiples talents, aussi bons dans les tonalités comiques, que dans les ambiances dramatiques. De Kaamelott aux Crevettes Pailletées en passant par Taken, Un Français et L’Intervention, le cinéma français doit prendre le risque de faire confiance à ces talents, à l’instar d’un Karl E. Lander, d’un Jean-Paul Ly ou d’un Julien Seri (pour ne citer qu’eux), qui connaissent parfaitement les rouages des films d’actions, et savent comment gérer des productions de ce type. Ne les laissez pas filer !

Quant à Ramsy, ce dernier démontre qu’il a sa place autre part que dans de veines comédies françaises, lesquelles exploitent désormais trop mal son potentiel d’acteur. J’avais adoré la tendresse et la simplicité de son rôle dans Lola et ses frères de Jean-Paul Rouve. L’humoriste a une énorme carte à jouer dans le drame !
Enfin, Stefi Celma est la lumière de Balle Perdue. Flamboyante, au regard profond et intense, la comédienne de Dix Pour Cent a du style, et l’impose ! Elle a, malheureusement, trop peu de scènes mais, chacune de ses apparitions est d’une force manifeste.

Conclusion

Film français ambitieux, Guillaume Pierret offre une production généreuse, dynamique dans l’action et bourrin à souhait, lorsque c’est nécessaire. Balle Perdue transpire la passion et l’amour pour le cinéma d’action, où les références ne sont d’ailleurs jamais forcées mais, au contraire, complètent un désir ardent d’assigner sa propre patte, son propre style.
Actuellement numéro 1 dans les tendances Netflix, on souhaite désormais une longue et grande carrière à Guillaume Pierret dont l’avenir dans le cinéma, est grandement assuré !





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