IP MAN 4 : ENTRETIEN AVEC AMEL LACOMBE, PRÉSIDENTE DE LA SOCIÉTÉ DE DISTRIBUTION EUROZOOM

Pour la sortie d’IP MAN 4 au cinéma, rencontre avec la présidente et fondatrice de la société de distribution Eurozoom, Amel Lacombe.
Nous revenons ensemble sur la distribution du film de Wilson Yip, la façon dont la crise du Coronavirus a impacté sa sortie en salles, et les raisons qui ont poussé Eurozoom à croire au succès d’IP MAM 4 en France.

Vous venez de sortir IP MAN 4 au cinéma, qu’est-ce qui vous a poussé à distribuer le film en France, sachant que les trois premiers opus de la saga étaient sortis chez nous en direct to DVD ?

Nous sommes un distributeur indépendant et, nous sortons généralement des œuvres d’animations japonaises d’auteurs. Tous les ans, nous essayons de sortir un film plus commercial, afin de nous donner davantage d’aisance, d’entrées ainsi que la possibilité de travailler avec les plus gros circuits et de rester dans le coup. Généralement, je fais ça au mois de mai, pendant le Festival de Cannes. C’est une période très calme en salles puisque les gens attendent les films cannois et, il n’y a pas grand chose à cette période-là. Chaque année donc, je fais le tour du marché et je regarde les différentes propositions. J’ai alors rencontré la société française qui avait acheté les droits d‘IP MAN, qui m’a permis de visionner le film. J’ai tout de suite été séduite par la qualité de production du film, son histoire. L’envie de le porter en salles était là. Puis, il est arrivé ce qui est arrivé, mais le désir de le sortir au cinéma à la fin de la crise ne m’a jamais quittée. Les cinémas ont rouvert le 22 juin, il nous fallait un petit temps pour nous préparer et nous l’avons ainsi programmé pour le 22 juillet.

Justement, je sais que les conditions actuelles sont difficiles. Malgré la crise du Coronavirus vous avez choisi de sortir IP MAN 4 en salles. Un choix courageux, que vous avez décidé même durant le confinement ?

Nous sommes distributeur cinéma, notre vocation, c’est la salle. En France, il y a une chronologie des médias qui précise que l’exploitation d’un film doit d’abord commencer en salles. Si nous avions choisi la solution de facilité, c’est-à-dire, le vendre à Netflix certes, nous n’aurions pas pris de risques et cela aurait été sûrement lucratif mais, ce n’est pas notre métier. Moi, mon métier, ce n’est pas d’acheter des droits, de les revendre au premier venu et de faire une plus value immédiate. Notre métier, c’est de sortir les films en salles : de les éditorialiser, de faire une véritable campagne de presse, de pubs, de promos, etc. Donc, c’était évident pour moi qu’IP MAN 4 allait être le bon film pour la reprise. Le marché étant très faible – et cela peut se comprendre – je me disais qu’il fallait mieux sortir un long-métrage fort, un long-métrage commercial, plutôt qu’un film plus art et essai, qui aurait plus de mal à trouver son public. Pour nous, c’était naturel et important aussi d’être solitaire vis-à-vis des salles, d’être présent pour eux. Quand j’entends toutes les instances représentatives des salles qui, toute la journée passent à la télé ou à la radio pour nous expliquer que c’est la catastrophe en raisons de l’absence de sorties US, je pense qu’il serait plus constructif – même si tout le monde reconnaît que les films américains font la plupart des entrées en France -, de mettre en avant les productions qui sont actuellement en salles, plutôt que de pleurer des films qui ne sont pas là.

Vous avez reçu des propositions de rachat pour IP MAN 4, de la part de certaines plateformes ?

Nous l’avions annoncé pour la salle, il n’y avait dès lors aucune raison qu’une plateforme comme Netflix l’achète, même si c’est un film qui aurait pu les intéresser. Aux États-Unis, IP MAN 4 est disponible sur Netflix depuis le 21 juillet, et c’est un carton ! Il est dans le TOP 3 des films les plus regardés par les utilisateurs. Cela prouve clairement que c’est un film qui convient à Netflix, toutefois, la question ce n’est jamais posée. On voulait le sortir en salles. 

IP MAN 4 est sorti le 22 juillet en France dans plus de 400 salles, est-ce que certaines salles ont refusé de programmer le film ?

Oui et non. C’est-à-dire que nous ne l’avons pas proposé à toutes les salles et toutes les salles a qui nous avons proposé IP MAN 4 ne l’ont pas forcément pris, pour des raisons variables. Il y a des salles qui considèrent que ce n’est pas un film en accord avec leur public ou leur ligne éditoriale, certaines n’avaient pas assez de place cette semaine donnée, certaines ont choisit autre chose, tout simplement. Pour programmer un film on définit une sortie cibles, on choisit un certain nombre de salles, on répond aux sollicitations des salles – ou pas d’ailleurs -, qui nous appellent pour le programmer. C’est un processus de discussion active. Mais, nous n’avons pas eu de refus catégorique.

Eurozoom est un distributeur spécialisé dans l’animation japonaise. D’où vient cet amour pour cette culture ?

J’ai créé Eurozoom il y a 20 ans. Lorsqu’on est distributeur, cela est difficile de se lancer. C’est ma propre boîte, je n’ai pas d’argent, je n’étais pas dans le secteur, j’ai démarré de zéro. Les débuts étaient un peu durs. Néanmoins, en tant que distributeur, il est important de choisir un axe où il existe peu de concurrence pour essayer de se développer. Étant une amoureuse de la culture japonaise, j’avais également remarqué qu’en dehors des Miyazaki il y avait plein d’autres films d’animation japonaise qui ne sortaient pas en France. Ça m’a interpellé. Dès lors, j’ai rencontré des éditeurs vidéo qui sortaient ces films en direct to DVD et c’est comme ça que j’ai commencé a creuser ce sillon totalement inexploité de l’animation japonaise hors ghibli en salles. Au départ, c’était assez compliqué, la presse ne comprenait pas pourquoi nous sortions ces œuvres-là. Pour eux, il n’y avait que Miyazaki qui méritait la salle. Même chose pour les salles. Certains m’ont même dit que les robots c’était pour le Club Dorothée et que je pouvais aller voir ailleurs. Petit à petit et, je crois que désormais c’est reconnu par tout le monde, qu’il y a une richesse fabuleuse dans l’animation japonaise. Aujourd’hui, beaucoup voudrait prendre ce créneau (rire). On a prouvé, démontré qu’avec Les Enfants Loups et Your Name que c’était une cinématographie qui pouvait marcher fabuleusement. Désormais, la concurrence est présente. Mais nous restons les numéros 1 puisqu’on a sortit au total 45 films d’animation japonaise en salles.

Depuis la création d’Eurozoom, sentez-vous une démocratisation de l’animation japonaise en France, où le public est-il encore réticent avec ce genre d’œuvres ?

Sur Les Enfants Loups, nous avons fait plus de 450 000 entrées, sur Your Name, plus de 250 000 entrées. Après, ce n’est pas toujours facile de faire face aux avalanches de films qui sortent chaque semaine, surtout pour des films indépendants comme les nôtres.
Ensuite, les JT, les radios et la presse se sont intéressés à nous, donc oui, il y a une démocratisation de la culture japonaise en France. Mais nous sommes loin des scores de Disney (rire).

Parmi vos plus grand succès vous le citiez, Your Name, désormais disponible sur Netflix, et que j’ai adoré. Vous vous attendiez à un tel retour positif, un tel engouement sur ce film ?

Å l’époque, nous étions en collaboration avec un éditeur vidéo – ALL THE ANIME – qui avait déjà travaillé avec le réalisateur Makoto Shinkai sur ces précédents films. Nous avons donc fait une offre conjointe pour Your Name avant même qu’il ne sorte au Japon. Le film a cartonné là-bas, on s’attendait à ce qu’il y ait un impact fort en France, ce qui fut le cas.

Pour finir, et revenir sur IP MAN 4, trois raisons pour convaincre les gens de se ruer en salles voir le film de Wilson Yip ?

Premièrement, IP MAN 4 est un vrai film d’arts martiaux comme on n’en fait plus. Énormément de critiques ont remarqué que c’était un type de films avec une qualité visuelle et chorégraphique qui existait dans les années 80/90 et qui n’existe plus vraiment aujourd’hui. Ils soulignent aussi qu’il est agréable de voir une production comme celle-ci au cinéma, sur grand écran, puisque très rare.
La seconde raison, le casting et l’histoire en elle-même. Donnie Yen, Scott Adkins, le personnage culte de Bruce Lee, c’est tout un univers ainsi que des acteurs extrêmement compétents et reconnus. Je suis persuadée que ça vaut le coup de les voir sur grand écran, car c’est un vrai spectacle !
Enfin, je pense que c’est bien d’aller en salles actuellement pour retrouver cette ambiance unique mais je comprends les réticences des gens à vouloir se déplacer au cinéma.

Merci à Amel pour cet entretien. Et foncez voir IP MAN 4 au cinéma !



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