IP MAN 4 – LE DERNIER COMBAT : LES ADIEUX DE DONNIE YEN

Saga culte débutée en 2008, Ip Man est inspiré de la vie de Yip Man, grand maître du Wing Chun (art martial chinois) et l’un des maîtres de Bruce Lee.
Après une trilogie sortie en France en direct to DVD, le distributeur EuroZoom offre au public français la chance de découvrir Ip Man 4 de Wilson Yip au cinéma. Que vaut ce quatrième opus ? Réponse ?

Les États-Unis : Le point noir d’Ip Man 4

La narration de ce quatrième opus est certainement le problème principal de ce Ip Man 4, où la première heure est plombée par une écriture maladroite. A l’origine de ces maladresses, le nouvel environnement dans lequel doit évoluer Ip Man à savoir, Les États-Unis. Ce changement de continent pose des enjeux laborieux, pas très palpitants (Ip Man doit trouver une école pour son fils) et moins dramatiques que la guerre sino-japonaise ou la colonisation anglaise des trois volets précédents. En effet, ces deux contextes historiques offraient une dramaturgie puissante à la franchise, et impactaient directement la vie familiale d’Ip Man, dont les choix moraux – mis à rude épreuve – étaient déterminés par ces enjeux guerriers et colonialistes. Ainsi, on voyait Ip Man passer par des états multiples : de grand maître à mineur, d’homme aisé à survivant, d’homme déchu à héros national. On le confrontait également à la mort. Ses amis et ses proches – auxquels le spectateur finit par s’attacher – sont pourchassés, violentés, tués et, le décès de sa femme fut un moment tragique. Autant de rebondissements douloureux donc, qu’on ne retrouve pas dans Ip Man 4, plus lisse, moins violent dans son écriture.
Å mon sens, Ip Man 4 aurait dû suivre le même schéma scénaristique que le premier opus, et réaliser un film en deux parties : la découverte de l’environnement et la ville dans laquelle va se mouvoir Ip Man, en prenant le temps de développer tous ses protagonistes et, une seconde, radicalement opposée, où la guerre, la politique, viennent perturber la tranquillité de la population et bouleverser la vie d’Ip. Alors, bien entendu, Ip Man 4 tente de reproduire ce schéma, mais avec beaucoup de maladresses et de longueurs inutiles.
L’arrivée d’Ip Man aux USA semble parfois futile, d’autant qu’il n’acceptera pas que son fils demeure auprès de lui. Surtout, les enjeux historiques des années 60 pour la population chinoise immigrée, n’impactent jamais Ip Man ou son entourage proche, resté à Hong-Kong. Il subit cette histoire et, est projeté malgré lui dans une guerre et une cause qu’il va cependant accepter de défendre, à travers son art : le Wing Chun.

Chinese Lives Matter

Néanmoins, et si l’aspect militaire d’Ip Man 4 a été vu et revu, il n’en reste pas moins que le long-métrage confronte à une réalité brutale, celle du racisme.
Un film non-manichéen, qui traite malheureusement son sujet avec la plus grande fidélité. C’est là qu’Ip Man 4 devient passionnant, lorsqu’il confronte deux idéologies, deux arts, deux cultures différentes, qu’il les oppose pour combattre les préjugés. C’était le cas dans Ip Man 1 avec cette opposition entre valeurs traditionnelles chinoises et celles de l’envahisseur japonais ou dans Ip Man 2 entre les valeurs des arts martiaux chinois/le Wing Chun et la boxe occidentale. Même principe pour Ip Man 4, où s’affrontent américains et population chinoise locale ainsi que les arts martiaux chinois et le Karaté des forces armées américaines. De ce côté-ci, les enjeux sont clairs. Et bien qu’on survole les problèmes sans rentrer profondément dans le détail, l’équilibre fragile entre Chinatown et le reste de l’Amérique est définit par des scènes efficaces, tantôt horripilantes (dans le bon sens du terme, puisque le film provoque ouvertement le spectateur – cf. l’agression de la jeune fille au lycée et le comportement de ses parents), tantôt touchantes. Cependant, comme je le disais précédemment, le contexte historique des années 60 aux USA n’a pas la même portée, la même envergure dramatique que l’invasion japonaise ou la colonisation anglaise, où Ip Man subissait de plein fouet ces conflits, sur sa propre terre.

De plus, l’intrigue sur la recherche d’une école pour le fils d’Ip Man peine à se mettre en place. Si elle permet de soulever les problématiques raciales auxquels est confrontée la population chinoise au sein de la société américaine, la pertinence de cette intrigue est à questionner. Cela rend le film plus sage, moins brutal, là où les autres productions d’Ip Man n’hésitaient pas à mettre en évidence et de manière plus dure la corruption des forces de l’ordre, la restriction des libertés individuelles et de la presse, à obliger les personnages à survivre sous le joug d’une domination, quitte à trahir leur propre peuple. Alors, étant en terre étrangère, l’attitude des chinois devant faire profil bas est justifiée. Pour s’intégrer, il faut subir. Mais c’est justement le souci d’Ip Man 4, dont l’environnement freine les ardeurs, l’envie de révolte, le désir d’en découdre, à une rare exception près (cf. la séquence de fin).
Cependant, l’évolution des relations familiales sont elles, exquises. La relation entre Ip Man et son fils développait dans Ip Man 4, conclut merveilleusement cette saga. Car Ip Man, c’est aussi une aventure familiale. Peu développée dans le premier volet, mais qui prend de l’ampleur au fil des épisodes, jusqu’à ce dénouement final, poignant.
Adolescent désormais, le fils d’Ip Man est en pleine crise existentielle. Suivre les pas de son père, semble être sa seule ambition. Pour Ip Man, c’est un caprice. Nous, nous percevons une véritable volonté d’être le digne héritier et une souffrance. Å la mort de sa mère, le jeune homme n’a eu pour modèle qu’un seul parent : son père. Ip Man a toujours eu une relation particulière avec sa famille. Malgré qu’il se soit toujours battu pour elle, il a souvent mis à l’écart les besoins de sa femme et de son enfant. Dans le troisième opus, lorsqu’Ip Man apprend le cancer de sa femme, son attitude change. Il se rend compte à quel point son art a été l’élément d’un vide. Ip Man a loupé énormément de choses en tant que mari, que père de famille. Aujourd’hui, il lui incombe d’offrir le meilleur pour son fils, pour son avenir, quitte à ne pas écouter les exigences de ce dernier. Ip Man 4 résout ce conflit, cet ultime conflit familial. Là, le film bouleverse. Les séquences téléphoniques, l’annonce du cancer d’Ip Man, la scène finale avec le mannequin de bois, déclenchent l’émotion. Une émotion pure.
Quant à la fin, et sa séquence en flashback, elle touche la fibre nostalgique du spectateur. On se remémore les plus grands moments de la franchise, alors que les images défilent devant nos yeux mouillés. Quelle saga, quelle histoire, quel personnage !

On retrouve également des affrontements internes, entre les Maîtres. Ip Man 4 n’y échappe pas. L’enseignement et les nombreux arts martiaux chinois sont éternellement sources de conflit. Ici, il est intéressant de voir la façon dont Ip Man et Bruce Lee sont venus briser de vieilles traditions, pour démocratiser un art, à la fois en Chine, dans l’Armée Américaine, dans le monde entier.

Donnie Yen, au sommet de son art !

Les 45 dernières minutes sont dantesques ! On retrouve le Ip Man qu’on aime.
Chorégraphiées par le légendaire Yuen Woo-Ping (Matrix, Kill Bill, Danny the Dog), les scènes de combats sont impériales, majestueuses, transcendantes. Les chorégraphies sont d’une maîtrise technique implacable et, Donnie Yen prouve, une fois encore, le talent qu’il possède pour les arts martiaux. Au fil des années, il n’a de cesse de nous impressionner par ses performances physiques et artistiques, et s’impose toujours un peu plus comme une star incontestable des arts martiaux à travers le monde.
La caméra, précise, ultra-dynamique, apporte aux scènes d’action une immersion totale et percutante, à l’image des coups portés, foudroyants.

Donnie Yen émeut, également. Si le visage de l’homme qu’il interprète est souvent neutre, on perçoit dans cette neutralité faciale, de véritables sentiments. Pas besoin d’artifices, d’une gestuelle oppressante, la simplicité de son jeu est terriblement efficace.
Enfin, n’oublions pas ses adversaires dont Scott Adkins. L’acteur est dans la lignée de Darren Shahlavi (Ip Man 2) et de Mike Tyson (Ip Man 3), ces méchants aux corps impénétrables, aux carrures surpuissantes que doit affronter Ip Man avec toute son intelligence. Adkins fait donc un dernier adversaire effrayant, presque inhumain et la parfaite caricature du soldat américain raciste.

Conclusion

J’ai découvert la franchise Ip Man la semaine dernière, et me préparer à la sortie du quatrième opus le 22 juillet. Résultat, je suis littéralement tombé amoureux. Pourquoi ? Parce que la saga Ip Man, ce ne sont pas simplement des histoires de Kung-Fu, rythmées par des bastonnades incessantes, ni même un biopic classique sur un homme hors du commun. Il y a, chez Ip Man, des contextes historiques forts, des réflexions essentielles sur des époques et la nature humaine, une dramaturgie shakespearienne et des personnages singuliers, qui ne sont jamais traités de manière manichéenne mais avec toute la complexité qu’exige les périodes de guerre.

Je ne peux que vous inviter à découvrir la saga Ip Man (et son spin-off : Ip Man – Legacy, Master Z) et, à foncer en salles voir cette ultime aventure du Maître de Bruce Lee.
À noter que vous pouvez voir Ip Man 4 : Le dernier combat, sans avoir vu au préalable les trois premiers volet. L’histoire est totalement indépendante.

Mon entretien avec Amel Lacombe, présidente et fondatrice de la société de distribution EUROZOOM, est en ligne ici.

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