LIGHT OF MY LIFE : LA FABLE RENARDESQUE DE CASEY AFFLECK

* SPOILERS *

En ces temps de crise sanitaire, la programmation des cinémas n’a jamais été si lumineuse et pleine d’espoir. Après Greenland, film sur la fin du monde, une autre production post-apocalyptique est arrivée dans nos salles françaises : Light of my life de Casey Affleck. Une dystopie dans laquelle un virus mortel a décimé la quasi-totalité de la population féminine mondiale et où, les quelques rares survivantes semblent être pourchassées, traquées puis, emprisonnées (cf. le bunker?).
Les distributeurs exploitent nos angoisses les plus profondes, les exploitants s’allient à leur cause pour nous mettre le bourdon et les spectateurs se rueront dans les salles obscures pour frissonner. La boucle est bouclée. La recette du succès !

La métaphore d’Art et de Goldie

« Tu as dit que ça serait une histoire sur Goldie, mais en fait ça ne parle que d’Art. », interpelle la jeune femme dans la scène d’ouverture du film, après que son père lui ait improvisé une histoire pour s’endormir.
Ce conte met en scène Goldie, une femme renard et Art, un renard scientifique. En avançant dans le récit, étrangement semblable à l’histoire de l’Arche de Noé, sa fille s’aperçoit que Art prend de plus en plus de place dans cette histoire et que le père en oublie son héroïne principale : Goldie. « Oui, hé bien, l’histoire de Goldie est beaucoup plus compliquée. C’est une autre histoire. » esquive-t-il, pour répondre à la remarque de sa fille.

Casey Affleck n’aurait pas trouvé meilleure métaphore pour caractériser son long-métrage. Le film, est à l’image de cette fable, voire même, un copié/collé des ses aventures à lui, et de sa fille.
Light of my life est composé de longs monologues de l’acteur, à la fois narrateur de cette histoire et acteur de ses actions. A travers le reproche de Rag sur l’histoire d’Art & Goldie, nous, spectateurs, pouvons aussi reprocher le positionnement du film. En effet, jusqu’à la fin du long-métrage, il n’y a qu’une unique perspective, un seul point de vue, celui du père, omniprésent, délaissant un rôle féminin aux angoisses inexploitées. Si on comprend aisément les préoccupations du père, son besoin de surprotéger son enfant dans ce monde impitoyable où les femmes sont des êtres humains rares, Light of my life oublie parfois de mettre en scène les frustrations, les tourments et les doutes de la jeune femme quant à son avenir dans ce nouvel ordre mondial, à l’approche de la puberté. Le père décide, le père agit, Rag suit le mouvement. Si elle ose, de temps à autre, prendre la parole, contredire, s’obstiner sur une décision, c’est toujours le père qui a le dernier mot. Des gestes compréhensibles : c’est sa mission, son devoir, en tant que père. Néanmoins, elle ne s’exprime que très peu, notamment lors des interminables tirades de ce dernier. Elle subit. Oui, mais…

. Rag = Goldie ?

Toutefois, Rag prend son avenir en main dans le dernier acte.
Lorsqu’elle explique à son père son point de vue sur l’histoire d’Art & Goldie et qu’elle fait de cette dernière l’héroïne du conte, un changement s’opère. Rag cesse d’être une petite fille, abandonne ses « pourquoi ? », et prend les choses en main pour devenir à son tour, l’héroïne de sa propre existence, du film. Dès lors, c’est elle qui va sauver son père des griffes d’un des renégats, qui va prendre soin de lui en le soignant, prendre l’initiative d’aller chercher du matériel, etc. Bien qu’on regrettera que ce changement soit tardif, Light of my life est finalement une belle métaphore de ce conte inventé et imaginé par le père de Rag qui, de surcroît, offre une véritable ode à la femme, indispensable à la survie de l’Humanité. Les femmes sont le moteur du monde : ne l’oublions jamais et respectons-les !

Une scène flashback illustre parfaitement à quel point la femme est le pilier de l’homme, notamment dans une relation amoureuse. Avant de mourir, le personnage incarné par Casey Affleck laisse entrevoir ses failles, ses peurs, avoue ouvertement qu’il n’y arrivera jamais seul. La mère aimante, rassurante, même sur son lit de mort, continue de soutenir son mari et lui promet que tout ira bien. Une belle image qui positionne alors la femme comme un élément central, un élément fort, bien plus fort que l’homme.

Survival & road-movie

Le film oscille entre survival implacable et road-movie sauvage, composé de longs monologues oniriques, lunaires et parfois même humoristiques (cf. la scène où il parle d’amour et des changements hormonaux à sa fille) de l’acteur, de joutes verbales croustillantes («  pourquoi ? » ), de saisissants moments intimes et de rebondissements palpitants.
Il est difficile de faire vendre des films d’auteur post-apo, spécialement avec un grand public qui préfère les frasques d’un Will Smith en pleine cité New-Yorkaise ou d’un Tom Hardy enchaîné sous un désert écrasant, qu’un Casey Affleck conteur, allongé sous une toile de tente à divers endroits de l’Amérique. Toutefois, l’acteur oscarisé pour Manchester by the Sea a su, à l’instar des productions comme La Route de John Hillcoat, ou même Hostile de Mathieu Turi, offrir une dimension nouvelle au genre.

Un concept, une idée originale, enrôlé d’une réalisation alléchante et d’une mise en scène minimaliste, puissante et émotionnellement touchante, font de Light of my life une œuvre à part entière dans le genre post-apo.

Conclusion

Avec Light of my life, Casey Affleck signe une œuvre dystopique singulière, poétique et poignante. Rythmé par une narration qui alterne entre survival et road-movie, le film séduit par son duo magnétique Affleck/Pniowsky ainsi que sa photographie inquiétante, froide, sans espoir.
Un bon cru à ne pas manquer !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *