MON COUSIN : LA FOLIE DOUCE

11 ans après Coco Chanel et Igor Stravinsky, le réalisateur Jan Kounen revient avec un projet cinéma surprenant, Mon Cousin. Une comédie familiale qui, de prime abord, semble être une énième production française convenue, mais où le cinéaste imprègne de son univers.

Pierre & Adrien : deux âmes communes

Il y a énormément de tendresse qui émane de Mon Cousin. À la fois dans l’interprétation de François Damiens, bouleversant, mais aussi dans cette histoire de famille, où chacun a suivi un chemin différent. Néanmoins, Mon Cousin n’est pas une œuvre cinématographique manichéenne. Nous n’avons pas d’un côté le méchant capitaliste, interprété par Vincent Lindon (Pierre), et de l’autre, le fou, incarné par François Damiens (Adrien). Ils se dégagent des deux hommes, une profonde humanité. Enfouie pour l’un, fortement présente pour l’autre. C’est là, toute la beauté de Mon Cousin.
Chez Pierre, cette intransigeance, cette sévérité, n’est en effet pas signe d’inhumanité. Il le confirme dans une scène, lorsqu’il confie à Adrien qu’il pense surtout à tous les employés que compte le groupe Pastié. Certes, on en oublie parfois les autres, leurs désirs, leurs doutes, leurs peurs et on ne pense plus qu’à obtenir le meilleur pour son entreprise et ses salariés.
Et puis, ce drame. Le dénouement final dévoile le courage d’un homme, qui a sauvé une vie et porté depuis, à bout de bras, une entreprise familiale en perdition. En réalité, il n’avait jamais perdu son humanité. Mais la confrontation nouvelle avec son cousin, lui a permis de crever un abcès dont il en ressort plus fort, humainement.
Chez Adrien, l’humanité se traduit par son hypersensibilité. Il ressent le monde. Le besoin des personnes qui l’entoure. Il n’est ni simplet, ni fou, mais Jan Kounen en joue. Ce qui donne à la fois des scènes totalement hors-sol, cocasses mais terriblement douces.

Vers la folie…

Au-delà de la simple comédie, Jan Kounen propose une véritable mise en scène. Il se dégage de Mon Cousin, un sentiment de folie et qui parcourt souvent la filmographie de son auteur. Ces coups de folie, on les retrouve notamment dans les rêves « obsessionnels » de Pierre et Adrien, où chacun est plongé dans cette immense salle blanche. Ces séquences apportent un cachet certain à l’œuvre de Jan Kounen et lui confère un caractère unique (ou comique).
Les comédies (dramatiques familiales) françaises sont souvent lisses, sans ambition visuelle ou artistique. Ici, le réalisateur de 99 Francs impose son style, même si, parfois, on sent une frustration, une envie d’aller plus loin dans cette folie. Malheureusement, Mon Cousin est un film à destination du grand public. Jan Kounen s’adapte. Et il le fait admirablement. Il distille ses scènes chimériques avec pudeur. Sans basculer dans l’invraisemblance, qui n’aurait eu là, aucun impact sur le récit.
Ces séquences rêvées sont aussi une traduction de l’état mental des personnages, et n’ont qu’un objectif : servir l’histoire. On accède à leurs peurs les plus intimes ou leurs envies, sur le moment (cf. la scène où Pierre tire faussement sur son cousin).

La « folie » est aussi quotidienne. Le comportement d’Adrien dans la vie de tous les jours, est pesante pour Pierre. Jan Kounen révèle au travers de son film, un « mal » : l’hypersensibilité, ainsi que les difficultés d’une personne hypersensible à gérer leurs émotions (cf. la scène de l’avion).
Ce sont des personnes attentives, qui ont elles-mêmes besoin d’une attention particulière, d’amour. Si Kounen enveloppe l’hypersensibilité de son personnage d’un voile comique, il n’en reste pas moins que le réalisateur et François Damiens apportent à Adrien une sensibilité dramatique, qui compense le ton du récit et trouve ainsi une identité équilibrée entre comédie et drame.

Légende image : Pierre prisonnier de sa propre structure, de sa propre conception des choses.
En supprimant des éléments de cette architecture, il se libère inconsciemment du poids accumulé depuis des années
.

Pour rester sur la réalisation, Mon Cousin bénéficie d’un soin particulier. Jan Kounen sait comment donner vie à sa caméra. Elle n’est jamais statique. J’en veux pour exemple cette scène, où Vincent Lindon est de dos, face à la baie vitrée de son bureau, le regard dans le vide : la caméra s’approche alors de lui, tourne autour de lui, puis recule. Une caméra vivante, humaine qui, par ricochet, insuffle aussi de la vie aux personnages.
On oublie trop souvent l’impact de la caméra sur les personnages. L’écriture ne suffit pas. Trop de comédies françaises sont inanimées, presque inhumaines, parce que la caméra n’est pour certains qu’un outil et non une arme.
Chez Kounen, la caméra humanise les personnages. Elle va traduire leur état d’esprit, leurs sentiments, leurs pensées, à l’instanté, comme la scène que je décrivais plus haut. Et Jan Kounen parvient parfaitement à utiliser sa caméra pour donner une personnalité, une vie, à ses héros. La caméra est là une arme au service des personnages, et non un outil informel, impersonnel.

Conclusion

Comédie tendre, portée par deux comédiens fabuleux, Mon Cousin est une délicieuse aventure familiale. D’une écriture incisive et à la mise en scène redoutable, le film de Jan Kounen a de la personnalité, du caractère et prend le spectateur aux tripes dans un déchaînement de sentiments violents ou émouvants. Une réussite !


2 commentaires sur “MON COUSIN : LA FOLIE DOUCE

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