PENINSULA : UNE ENTITÉ FILMIQUE SANS MORDANT

Sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2020 (avant d’être annulé en raison de la pandémie mondiale), Peninsula est la suite du Dernier Train pour Busan, sorti en 2016, véritable succès critique de cette année-là. Il est vrai que l’œuvre du réalisateur sud-coréen Yeon Sang-ho était admirable de maîtrise, aussi bien dans sa structure narrative que dans la manière de traiter le zombie : moderne et terrifiante.
Avec Peninsula, le cinéaste prend le contre-pied de ce qui avait fait la beauté du Dernier Train pour Busan et nous délivre une œuvre fainéante, à l’instar des zombies, sans âme.

L’écriture : une force disparue

Soyons clair, Peninsula n’est pas la catastrophe annoncée par mes confrères. Néanmoins, c’est un film paresseux. Paresseux dans l’écriture et notamment de ses personnages, pour lesquels le spectateur n’a aucune accroche. Aucune identification. Même si Le Dernier Train pour Busan exposait des protagonistes archétypaux, il y avait toujours un point d’accroche auquel se cramponner : la peur, la survie, les choix moraux, la relation père/fille, etc.
Dans Peninsula, les protagonistes n’existent que par leur présence. Yeon Sang-ho ne s’encombre pas de leur trouver un background solide et présente 2-3 faits sur leur vie qui ne suffisent malheureusement pas à, soit s’identifier à l’un des personnages, soit à s’agripper émotionnellement à eux. Et, les rares choix scénaristiques qui vont dans ce sens, sont mis en scène avec si peu d’intention, qu’ils provoquent autant l’ignorance que l’ennui (ex : le beau-frère du héros, qui a perdu sa femme et son fils. Le personnage est traité avec tant d’immobilisme, qu’il en devient pathétique et énervant). On retrouve ce même problème à la fin du film, lorsque le grand-père et la mère sont en mauvaise posture. Affectivement, rien ne se dégage.

Seul les deux jeunes filles tirent leur épingle du jeu. Les deux sœurs procurent un vent d’air frais dans cette ambiance morose et post-apocalyptique, par des joutes verbales tendres et drôles, et offrent aux scènes d’actions des petites trouvailles inédites et originales.

Au-delà des personnages, Peninsula souffre aussi d’une ossature dramaturgique très pauvre. L’intensité émotionnelle qui charmait dans Le Dernier Train pour Busan est finalement abandonnée, au détriment d’enjeux absurdes ou superflus (ex : retourner en Corée pour voler de l’argent / récupérer le téléphone satellite qui, comme par hasard, a été égaré malencontreusement…).
Il y a dans la construction scénaristique de Peninsula un mélange de stupidité et de déjà-vu, où on ne parvient pas à déterminer si l’intrigue a été pensée intentionnellement comme telle ou s’il s’agit d’un film écrit pour plaire à un public avide de sensations fortes. Car, Peninsula rappelle parfois les pires productions hollywoodiennes de zombies.

De plus, tout le propos sociétal du Dernier Train pour Busan, son pamphlet du monde moderne et du capitalisme, a soudainement été évincé. Les conséquences économiques, le rapport à l’immigration, l’intégration, l’abandon de l’ONU de sauver la Corée du Sud et ses survivants… : les thèmes qu’aurait dû envisager ce séquel sont inexploités et collés dans un récit qui, une fois encore, se moque de ce que peuvent vivre et ressentir les personnages. Un gâchis !

La survie : des bonnes intentions envolées

On reconnaît dans Peninsula, la même nervosité physique de l’action. Si la séquence dans l’arène a été sur-vendue, la représentation du zombie est efficace. En effet, les zombies sont « vivants », les corps bougent, de façon frénétiques, les mouvements de leurs corps, angoissants. Les zombies s’agitent, se tordent, courent dans tous les sens, sautent, virevoltent, donnant cet aspect effrayant et sans issue.
Là où certains abusent de CGI pour créer des masses zombiales oppressantes, Yeon Sang-ho choisit, pour certaines séquences, de mettre en scène des figurants. Les scènes deviennent alors plus organiques, plus réelles, et immensément plus fun. Le montage, épileptique, contribue également à cette sensation jouissive que procurent ces séquences-ci.

Pour en revenir à l’arène, si sa mise en pratique n’est pas si réussie, c’est que, dès le départ, celle-ci est mal-exploitée. Elle manque de détresse humaine. Le cinéaste ne réalise que deux scènes au sein de cette arène. La première, extrêmement courte, moins de cinq minutes et, la seconde, n’existe que pour offrir l’opportunité au héros du film de libérer son beau-frère. Là aussi, la séquence est rapide, superficielle même. Une exploration concrète des lieux, une plongée insoutenable dans cet enfer, aurait sûrement permis de mieux déterminer l’horreur que vivent les prisonniers et de mieux comprendre les enjeux infernaux qu’ils s’en dégage. Oui, la manière de filmer les zombies face à ces hommes désorientés par ce cauchemar est active et énergique mais ça ne suffit pas. Il faut donner à l’environnement une vraie synergie, une vraie dimension horrifique.
On y rentre, d’ailleurs, comme dans un moulin (cf. le héros n’a aucun mal à s’y introduire). Par conséquent, comment rendre crédible ce lieu ?

Toutefois, les meilleures scènes d’action résident dans les courses-poursuite en voiture. Elles sont immersives, ultra-dynamiques et singulières. Je parlais de trouvailles plus haut, ici, il y en a plein. Souvent amusantes, au demeurant (cf. la voiture télécommandée pour attirer les zombies).
Certes, ces courses-poursuites ont un côté cinématique de jeu-vidéo mais elles sont si prenantes qu’on finit par oublier ce petit détail.

Conclusion

Bien que le Peninsula soit écrit avec les pieds, l’action est au rendez-vous. La première séquence au sein de la Péninsule et la dernière séquence du film assez incroyables, mais entachées par une écriture bancale et des personnages antipathiques.

Un échec déroutant et d’autant plus incompréhensible que Le Dernier Train pour Busan était une réussite totale, à tous les niveaux.

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