THE DIG : LE SENS DU CADRE

Adaptation basée sur le roman de John Preston, lui-même inspiré des événements liés à la découverte du site de Sutton Hoo à la fin des années 30, The Dig est un drame historique réalisé par Simon Stone et produit par Netflix.
Six ans après The Daughter, Simon Stone livre une nouvelle œuvre poignante, à la photographie exemplaire. Analyse.

L’histoire :
En 1939, Edith Pretty est une riche veuve vivant dans une immense propriété près de Woodbridge au Royaume-Uni. Elle engage le terrassier Basil Brown, archéologue amateur, pour faire des fouilles sur son terrain. Ils vont alors exhumer une sépulture puis un ancien navire funéraire. Ce trésor, qui pourrait bouleverser l’histoire du monde, attire les convoitises. Ainsi, le British Museum entend bien s’approprier cette importante découverte.

*SPOILERS*

Le cadre : symétrie & positionnement

The Dig est un film au charme et à la grâce silencieuse. C’est dans ces longs moments contemplatifs que Simon Stone excelle. En usant d’une mise en scène lyrique et une composition des cadres uniques, le cinéaste parvient à créer une atmosphère délicate et pleine de sensibilité. Car oui, il y a énormément de poésie dans sa réalisation, une symétrie ou des « superpositions » qui dégagent une force romanesque émouvante.

Dans ce plan (voir image à gauche), Simon Stone filme l’ombre d’Édith Pretty (Carey Mulligan) alors qu’elle s’apprête à se mettre au lit. Cette scène est assez significative dans la manière dont Stone construit ses cadres. Sans un mot, juste avec la puissance de sa mise en scène et la symétrie des ombres, on résume la vie de Madame Pretty : prisonnière de son propre corps, de cette maladie qui la ronge de l’intérieure, elle n’est plus qu’une silhouette en attente du Jugement Dernier. Sa chambre est devenue un donjon, un lieu d’isolement aux promesses de mort.

D’ailleurs, on remarque que lorsque Édith est confrontée à la maladie ou que son corps faiblit, le cadre est large et la photographie grisonnante, comme si le ciel lui présageait déjà d’un destin funèbre.

Sur cette seconde image, Simon Stone crée une « superposition » de deux plans.
On y voit chacun à tour de rôle les personnages d’Édith et de Basil (Ralph Fiennes) recroquevillés : la caméra fait alors un travelling avant, en plongée. Là encore, sans un bruit, l’image rythmée d’une musique saisissante, Simon Stone raconte une histoire. Celle de Basil Brown, couché sur une terre dont il est tombé amoureux, et qu’il ne veut plus quitter et, de l’autre, Édith Pretty, en pleine insomnie, tandis qu’elle réfléchit au sort de l’archéologue et des choix futurs.

C’est toute la beauté de la mise en scène de Simon Stone : le mutisme. Ces silences qui consument parfois les héros de cette aventure extraordinaire, leurs vies, leurs ambitions et leurs désirs.

La scénographie de The Dig révèle aussi les sentiments qu’éprouvent parfois les personnages tels que la solitude, la tristesse, le désarroi (caméra et cadre éloignés) ou, à contrario, le bonheur, l’enthousiasme et le bouillonnement liés aux découvertes ou aux passions amoureuses (caméra et cadre serrés).
De plus, la manière dont les acteurs se déplacent est d’une élégance folle. Mélange de mélancolie et/ou d’exaltation.

Un scénario à contre-courant

Une réserve sur le fond. The Dig se perd parfois dans son propre contexte historique ainsi que dans des sous-intrigues amoureuses superflues. Simon Stone oublie souvent l’essence de son long-métrage : la découverte.
Le film se situe quelques semaines seulement avant le début de la Seconde Guerre Mondiale et si le contexte de l’époque est important pour comprendre les enjeux dramatiques qui entourent la découverte de Monsieur Brown, les angoisses de la guerre prennent fréquemment le pas sur le récit. La hantise d’un conflit armé est présente et difficile à omettre puisqu’il s’agit d’une histoire basée sur des faits réels toutefois, et tout comme les love story développées au cours du film, certaines séquences sont inutiles (cf. le sauvetage du pilote). De là, Simon Stone égare le spectateur dans un labyrinthe de scènes futiles.

Par ailleurs, pour les passionnés d’archéologie et d’Histoire, The Dig a un côté frustrant. Car nos interrogations sont nombreuses à la fin du film concernant : d’où vient ce navire ? Quels autres trésors renferment-ils ? En quoi cette découverte a chamboulé l’Histoire, comme le précise le synopsis ? Autant de questions restées sans réponse.

L’Histoire, au service de l’humanité

The dig questionne notre rapport à l’Histoire, notre impact sur celle-ci, la trace que nous souhaitons y laisser et la fragilité de la vie humaine. Des réflexions philosophiques profondes, à l’heure où l’humanité connaît un tournant à l’issue encore insoupçonnable.

« Nous creusons la terre pour rencontrer les morts, on les désenterre » déclare Édith Pretty. Un acte qu’on pourrait percevoir comme criminel. Mais l’importance de connaître son passé, permet d’envisager son futur. The Dig met ainsi en opposition deux visions du monde : celle du passionné (Basil Brown) et le directeur du British Museum.
Le passionné est conscient des actions et des répercussions qu’exigent une fouille archéologique, qui parfois peuvent être perçues de façon délictueuse et, de l’autre, un homme dont la seule préoccupation est sa notoriété ainsi que le prestige de son musée.
Ce conflit, Simon Stone l’orchestre avec intensité. Il écarte son héros des fouilles, le ramène à une place de premier plan, avant une fin brutale, où l’on comprend qu’il aura fallu attendre des années pour que la découverte de Monsieur Brown ne lui soit attribuée.

« Depuis la première empreinte de main humaine sur un mur de grotte, nous faisons partie de quelque chose de continu. Donc on ne meurt pas vraiment. » confie Basil Brown. Là, The Dig rassure le spectateur. Aucune vie n’est insignifiante que ce soit celle de Madame Pretty ou d’un soldat. Chaque être humain, qu’il soit glorifié par des victoires ou des succès, ou bien un citoyen lambda, fait partie d’un tout. D’un collectif qui s’appelle l’humanité.

Conclusion

Drame touchant, porté par un casting impeccable, The Dig est une véritable œuvre d’art en matière de mise en scène et de construction scénique. Simon Stone transmet des émotions profondes grâce à une réalisation soignée et d’une rare précision.
Néanmoins, le film souffre d’un scénario à contre-courant de certaines attentes. Aguicher le spectateur avec des phrases marketing telles que « ce trésor pourrait bouleverser l’histoire du monde » relèverait presque de la diffamation. The Dig déçoit alors quand elle évince son aspect archéologique, pourtant le sujet principal, au détriment de détails franchement dérisoires.

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