BIFFF 2021 – SIGNAL 100 : SORTIR VAINQUEUR

Amatrice de comic-book, la réalisatrice Lisa Takeba n’a pas choisi la facilité en mettant en scène l’adaptation du manga d’Arata Miyatsuki : Signal 100. Une histoire sombre, dans laquelle un professeur va forcer une trentaine de ses élèves à participer à un jeu macabre. Hypnotisés, ils ont 100 actions (comme pleurer ou rire) à ne pas réaliser, implantées dans leur cerveau, sinon c’est le suicide ! Mais le problème, c’est qu’ils ne connaissent pas les 100 signaux, et que celui qui verra tous ses camarades mettre fin à leurs jours… survivra. 

La liberté à un prix

Pour adapter son histoire sur grand écran, Lisa Takeba va opter pour des options scénaristiques qui font diverger du manga. Le premier grand changement concerne le personnage du Sensei Shimobe. Dans l’œuvre d’Arata Miyatsuki, le Professeur (de ce que j’ai pu lire) est un enseignant « martyrisé » par ses élèves qui, pour se venger, décide d’engager ce jeu mortel. Dans le film, Shimobe n’est pas présenté comme une personne soumise, maltraitée par ses élèves, bien au contraire, une sorte de bienveillance se dégage entre eux.
Ses intentions sont ensuite plus obscures. Il semble vouloir agir pour leur bien, pour leur donner une leçon de vie sur la notion de liberté et des choix moraux auxquels chacun pourrait être confronté après leurs études, dans le monde réel, le monde adulte, un monde sans scrupule. Mais finalement, le choix du « suicide » n’est pas anodin. Il y a derrière ce mot, une vérité plus sanglante, que je vous laisse découvrir.

La réalisation adopte également une narration au rythme effréné pour immerger le spectateur dans une véritable tourmente infernale, comme ces jeunes adolescents pris au piège entre leur sens moral et l’instinct de survie.
Lisa Takeba confronte son auditoire à un spectacle gore, sans chercher à cacher ou à dissimuler les « suicides » des élèves. On subit, impuissant, à l’instar des étudiants, cette lutte désespérée pour la survie. Dans le même temps, il aurait été idiot de s’auto-censurer. L’essence même du manga en aurait été impactée. Oui, le film choque, les esprits fragiles fermeront les yeux, mais c’est ce qui fait de Signal 100 une production efficace et redoutable.

Feu Rouge

Dans les films ou les séries dits « groupés » dans lesquels il y a plusieurs protagonistes ou héros, chaque personnage a habituellement un don, un talent particulier qui le rend unique et lui permet de s’extirper d’un lieu, résoudre un problème, une énigme. Un moyen, entre autres, de permettre une identification claire des rôles qu’ils s’apprêtent à jouer, mais aussi pour le spectateur d’avoir une affinité particulière pour tel ou tel personnage selon sa propre personnalité. En somme, une accroche émotionnelle. Ainsi, nous sommes pleinement investis lorsque notre héros (ou méchant, par ailleurs) traverse des instants douloureux, forts. C’est ce qu’on appelle : la caractérisation.
Dans Signal 100, Lisa Takeba survole l’identité de ses lycéens. Elle n’exploite jamais leurs vies, leurs personnalités profondes pour donner aux enjeux de son film une envergure dramaturgique puissante. Le public assiste alors à une succession de suicides, certes réussis dans leurs mises en scène, mais lui, n’y voit qu’une boucherie gore dépourvue de toutes émotions. Il ne ressent que la douleur physique des actions. Sans caractérisation, sans offrir un minimum d’accroche émotionnelle entre les personnages, difficile de transposer vers le spectateur les chagrins, les peines que les héros vont éprouver à la mort de leurs amis.
[SPOILER] Toutefois, on remarque que certains « signaux » sont liés à la personnalité de chacun. Le retard, le téléphone, se regarder trop longtemps dans les yeux, autant d’éléments liés aux suicides de quelques étudiants. Cependant, ces scènes sont si expéditives, si sous-exploitées que là aussi, on devient hermétique à une quelconque émotion. Sauf celle d’un haut-le-cœur. [FIN SPOILER]

Ce manque de clarté dans l’identification porte un nouveau problème : l’héroïsation.
Dès le début, on sait que l’héroïne de Signal 100 sera Rena Kashimura : c’est elle qui est mise en avant sur l’affiche promotionnelle, la caméra est souvent braquée sur elle, une attention personnelle est adressée à son égard, son comportement, différent des autres, a une logique narrative. De la fille innocente, les épreuves forgeront sa nouvelle identité, jusqu’à en faire l’héroïne.
Néanmoins, mis à part ces quelques informations (sa timidité, sa clairvoyance, son envie de faire du droit…), nous n’avons aucun autre renseignement. Comme ses camarades, elle n’a que très peu de caractéristiques. Tout au long du film, son passé, ses désirs, son avenir, sa relation avec les autres, tout est effleuré comme si la définir n’avait pas d’intérêt. Alors, on en finit par se demander : pourquoi elle ? N’importe quel élève de cette classe aurait pu être l’unique survivant.

Toutefois, le but du film était-il d’émouvoir ? On peut se poser la question. Des œuvres comme Signal 100 sont là pour livrer des divertissements coups de poing, choquants, qui secouent notre estomac. Mais en tant qu’analyste, il y a toujours ce regret de voir des auteurs oublier d’allier histoire des personnages et histoire globale.

Conclusion

Si Signal 100 souffre d’une écriture légère sur la composition scénaristique des protagonistes, le film de Lisa Takeba reste malgré tout un survival intense et tragique. L’atmosphère pesante et la tension permanente qui règne dans ce lycée, suffisent pour maintenir le spectateur en haleine et en omettre les défauts.
Un show barbare, sauvage et percutant, osé même, où il est difficile de ne pas imaginer l’horreur d’une telle situation.

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