BIFFF 2021 – AQUARIENS : ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE ALICE BARSBY

La réalisatrice Alice Barsby revient avec un nouveau court-métrage étourdissant : Aquariens. Présenté au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles, le film traite des thématiques du réchauffement climatique ainsi que de la famille. Avec une esthétique visuelle entre folie et lyrisme, Alice Brasby délivre une œuvre forte et poignante et alerte sur des sujets préoccupants.

L’histoire :
Dans le monde des aquariens, des marées gigantesques recouvrent par intermittence les littoraux. Pourtant, dans une ville balnéaire désertée, un couple d’irréductibles refuse de partir. Leur fils Evan, venu leur rendre visite pour Noël, voudrait s’en aller avant la marée haute, mais ils le retiennent.

Qu’est-ce qui a motivé l’envie de raconter l’histoire d’Aquariens et de cette famille qui refuse de quitter son appartement, menacé par la montée des eaux et ses marées qui recouvrent tout ?
C’est un mélange de plusieurs choses. C’est d’abord un lieu, en particulier. J’ai passé des vacances de Noël dans une station balnéaire dans le Sud de la France, totalement déserte à cette période-là, il y avait donc une ambiance assez étrange où toute était fermé. C’est cette ambiance post-apocalyptique que j’ai trouvé forte, et en contraste total avec l’imaginaire des fêtes de Noël qui sont des moments censés être hyper chaleureux. L’histoire d’Aquariens a découlé de tous ces ressentis mais aussi de voir mes parents vieillir, tout en ayant l’impression de voir le monde autour d’eux vieillir.

Votre court-métrage fait une inversion assez étonnante. Un couple se retrouve enfermé, sous l’eau, comme des poissons prisonniers dans les aquariums. Finalement, c’est un peu le revers de la médaille…
Oui, effectivement. Il y a plusieurs interprétations. Pour ma part, c’était aussi un moyen de signifier qu’eux se sont adaptés à ce nouveau monde plus que leur fils. L’humain sera de toute façon obligé de s’adapter aux changements climatiques. Quoi qu’il arrive, on va devoir évoluer. Ensuite, que ce soit de manière positive ou négative, je voulais rester ouverte là-dessus.

Le réchauffement climatique et la montée des eaux puisque c’est ici le thème du film, c’est un phénomène qui vous inspire et vous inquiète en même temps ?
Le réchauffement climatique est un sujet dont on entend beaucoup parler, on est questionné en permanence sur ce sujet, mais j’y suis peut-être plus sensible car j’ai vécu sur une île. Forcément, la montée des eaux menace en premier lieu les îles. Ce sont des problématiques qui sont importantes à aborder en ce moment.
Mon premier film n’avait pas grand chose à voir. C’était un film de fin d’études mais il y avait encore la thématique de l’eau. Je ne saurais pas analyser pourquoi. Néanmoins, c’est vraiment avec Aquariens que je me penche sur les problèmes liés au réchauffement climatique. C’était le message que je souhaitais porter avec ce court-métrage.
[…] J’ai lu et vu beaucoup de vidéos sur des grandes marées sur la Côte Ouest, qui sont extrêmement impressionnantes. Je me suis alors rendue compte que je n’étais pas si loin de la vérité, en imaginant Aquariens. D’ailleurs, ces documents visionnés ont nourri mon scénario.

Ma référence principale pour ce film a été le film japonais Dark Water de Hideo Nakata. L’eau était évidemment omniprésente dans le long-métrage mais surtout parce qu’il traitait de problématiques familiales. C’était ce nœud qui m’intéressait. Dans Aquariens, il y a donc d’un côté ce couple qui refuse d’aller de l’avant et ce fils, tiraillé entre sa famille, le monde d’avant (représenté par ses parents) et l’avenir.

Que ce soit les films catastrophes ou des courts-métrages de science-fiction comme le vôtre, vous pensez que l’art peut jouer un rôle dans la prise de conscience ?
Absolument. Le but, selon moi, de la science-fiction, du fantastique, c’est de pousser les curseur à fond et de mettre en scène des situations, peut-être extrêmes, mais qui finalement ne font que découler de ce qui existe déjà. De là à dire que nous allons changer le monde avec nos œuvres, je ne sais pas, toutefois cela peut éventuellement éveiller certaines consciences.

Il y a un plan magnifique dans votre court-métrage, celui où le couple fait face à sa baie vitrée et qu’une méduse passe devant eux. Vous pouvez nous raconter les coulisses et la création de ce plan très poétique ?
Cette image de la méduse qui passe devant la baie vitrée n’a de sens qu’avec la séquence précédente, une séquence fantasmée, voire cauchemardesque. Cette image clôt, cette scène, je voulais qu’ensuite il y ait une forme de tranquillité. Si la méduse peut avoir un aspect horrifique, elle dégage aussi une sorte de sérénité. Ce plan m’intéressait pour cette raison.

Concernant la technique, nous avons positionné un sas bleu que nous avons mis derrière la baie vitrée. Puis, un graphiste a recrée l’eau et incrusté la méduse en post-production. Cette méduse a été choisie dans une banque d’images mise à notre disposition. Je ne vous cache pas que nous avons eu beaucoup de mal à trouver la bonne méduse (rire). En terme de lumière, il fallait également que celle de la méduse soit raccord avec celle que nous avions faites en plateau. Petit casse-tête.

L’esthétique d’Aquariens est très prononcée avec notamment des teintes qui virent au rouge ou au bleu-vert. Cela donne un côté immersif à votre court-métrage entre désespoir et lyrisme. C’était le but recherché ?
Tout à fait. Ça rejoint ce que je disais tout à l’heure sur la science-fiction et le fantastique, qui sont pour moi un moyen de pousser les curseurs au maximum. Avec la chef opératrice, on s’est fait cette même réflexion, qu’il fallait aller à fond dans la couleur car elle est représentative de l’état intérieur des personnages. Pour la colorimétrie bleu-turquoise, nous nous sommes fortement inspirés du magnifique film de Guillermo De Toro : La forme de l’Eau.

Il y a un élément perturbant dans votre court-métrage, c’est le maquillage sur le visage du père. On a la sensation que lui-même commence à se transformer en coquillage…
Je voulais justement qu’il y ait un petit flou autour de cela. Que ça puisse passer, soit pour un défaut de peau, soit pour une mutation étrange. Mais ce sont bien des coquillages qui sont collés à la peau de son visage, un moyen de dire aux spectateurs que les parents se sont adaptés à ce nouvel environnement très humide et marin. On parlait de message toute à l’heure, s’en est un aussi : le vieillissement des gens que l’on aime. Le fils qui prend la fuite, qui refuse de voir ce qu’il se passe sous ses yeux, était pour moi un moyen de dire : « oui, nous pouvons prendre la fuite, vivre, nous en avons le droit ».

Aquariens est présenté et est en compétition au BIFFF 2021, quel avenir souhaitez-vous pour votre court-métrage ?
Qu’il continue sa vie en Festivals. En parallèle du BIFFF, il est aussi présenté au Festival Fantaspoa (Brésil). Pour la suite, je ne sais pas encore mais j’espère qu’il sera vu par le plus de personnes possibles.



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