BIFFF 2021- BEYOND THE INFINITE TWO MINUTES : Y CROIRE, L’ESPACE D’UN INSTANT

Beyond The Infinite Two Minutes est un premier long-métrage réalisé par le japonais Junta Yamaguchi. Derrière ce projet, se cache en réalité tout un collectif : Europe Kikaku. Une troupe de théâtre touche-à-tout qui s’est lancée dans la réalisation de ce premier film modeste mais d’une efficacité redoutable, autour des paradoxes et des voyages temporels.
Une œuvre avec des qualités indéniables, tant sur l’organisation scénique que l’agencement scénaristique. Décryptage !

2 minutes pour changer une vie

Le film démarre par une découverte. Kato, jeune propriétaire d’un café, est dans sa chambre lorsque son « double » apparaît sur l’écran de son téléviseur : « je suis le futur toi, je suis deux minutes plus tard dans le futur… ». Intrigué, il se prête au jeu avec lui-même. S’en suit alors une rocambolesque odyssée temporelle, où d’autres protagonistes vont intervenir pour alimenter un huis-clos déjanté et un récit à rendre schizophrène.
Toute la structure narrative de Beyond The Infinite Two Minutes ne tient que pour son dénouement final et le kidnapping de la jeune femme dont est épris Kato. C’est à partir de cet événement que toutes les péripéties précédentes ont du sens et que tous les éléments mis en place précédemment ont une utilité.

La bouteille de Ketchup, la cymbale, le petit jouet zébré, autant de petits ustensiles disposés tout au long du récit, qui prennent toute leur ampleur dans cette séquence de sauvetage aussi grotesque qu’hilarante. C’est là le génie du réalisateur Junta Yamaguchi : persuader le spectateur que leurs essais, leurs nombreux allers-retours temporels n’ont strictement aucun intérêt, pour délivrer par la suite une succession d’actions qui justifient toutes celles antérieures. Malin et efficace.

Une mise en abyme ambitieuse, vertigineuse, et un mélange subtil des genres entre comédie, science-fiction et idylle amoureuse. Voilà toute la beauté et l’intelligence de Beyond The Infinite Two Minutes.

Une histoire d’amour

Beyond The Infinite Two Minutes est aussi une histoire d’amour entre Kato et sa voisine.
Deux êtres qui ne croient plus à l’avenir, suite à des deconvenues sentimentales, entre autres. Tandis que tout semble les opposer, dont la musique (et l’on comprend pourquoi à la fin du film), une discussion à cœur ouvert va les rapprocher dans ce final où chacun se confie intimement. Un moment tendre qui les concilie : le destin les a réuni.
À cet instant, ni le passé, ni le futur ne semble les préoccuper. D’ailleurs, le film se conclut alors qu’ils prennent la décision de couper une des télévisions, celle du futur. Un choix audacieux comme pour signifier : laissons l’avenir décider pour nous, vivons au jour le jour.

C’est aussi la morale de Beyond The Infinite Two Minutes, ce qui doit arriver, arrivera quoi qu’il arrive. Si deux êtres sont faits pour être ensemble, rien ne pourra les en empêcher. La preuve en est, même sans la télé, la jeune femme est revenue dans le café pour apporter la cymbale à Kato. Et même s’il est arrivé tout un tas de déboires entre temps, le fait est là : ils se sont retrouvés malgré un premier refus.
Pour le reste, chacun décide de sa propre histoire.
Voir l’avenir, c’est se conforter dans une forme de fainéantise. C’est annihiler toute prise de risques, rester dans une zone de confort. Vivre, au contraire, demande du courage. Eux, ont eu le courage de s’arrêter et de continuer sans l’aide de leur futur.

Conclusion

Petite pastiche du voyage dans le temps extrêmement sympathique, à défaut d’y poser des enjeux d’envergure plus complexe. Néanmoins, le but était d’offrir un huis-clos original sur les thèmes du voyage dans le temps et des paradoxes temporels avec un angle d’attaque différent des productions habituelles du genre. Une réussite qui tient grâce à une composition scénaristique ludique – même si le démarrage du film est difficile, répétitif, voire barbant – et un dernier acte où tout se relie avec virtuosité.

[Mise à jour] : Beyond The Infinite Two Minutes vient de remporter le White Raven et Critic Awards au BIFFF 2021.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *