VIOLET EVERGARDEN, LE FILM : LA PUISSANCE DES MOTS

* Attention spoilers *

Après deux reports suite à la crise sanitaire du COVID-19, Violet Evergarden, Le Film sort enfin dans les salles françaises. Le fruit d’un travail acharné du distributeur EUROZOOM, qui n’a jamais cédé pour offrir à son public le long-métrage sur grand écran.
Violet Evergarden, Le Film était très attendu. Car si l’animé est moins populaire que Demon Slayer (gros carton au box-office en ce moment), l’œuvre du scénariste Kana Akatsuki compte une fanbase fidèle, si fidèle que le film d’animation de Taichi Ishidate a même remporté le prix de l’animation de l’année dans la catégorie « film » au Tokyo Anime Awards Festival.

Violet Evergarden, Le Film reprend là où la série s’était arrêtée et vient ainsi conclure l’arc « Gilbert », dont Violet espère le retour depuis plusieurs années. Une foi inébranlable qui la guidera tout au long de l’animé tandis qu’elle cherche la symbolique, le sens de la phrase « Je vous aime ».

« Je vous aime »

Violet Evergarden, Le Film table sur une double temporalité. D’un côté, nous suivons la fille d’Ann (dont Violet a écrit les lettres pour sa grand-mère quelques années plutôt – voir épisode 10 de la série) qui cherche à retrouver la célèbre Poupée de Souvenirs Automatiques et, de l’autre, Violet Evergarden, en service à la Poste CH, où elle continue d’écrire pour les autres. Toujours dans le présent, Violet fera la connaissance d’Ulysse, un adolescent en fin de vie, tandis qu’elle poursuit la trace de son grand amour, Gilbert.
Beaucoup de sous-intrigues donc. Bien-sûr, celle mettant en scène le jeune Ulysse n’est pas essentielle à l’arc narratif principal, n’a pas un impact conséquent sur cette arche, elle nous rappelle néanmoins la fragilité de la vie ainsi que l’importance de dire aux personnes proches de nous qu’on les aime. Et si Violet ne parviendra pas à prononcer ces mots à la fin du film en retrouvant Gilbert, ses larmes parleront pour elle. Des larmes d’amour, pures, sincères, qui feront vibrer le cœur de l’ex-soldat au plus profond de son être et le notre, au passage.
Celle concernant la petite-fille d’Ann permet d’asseoir le mythe autour de Violet, des Poupées et d’un métier disparu, nécessaire, au détriment de la technologie que le cinéaste japonais ne rejette pas pour autant.

Violet Evergarden est à la fois une quête existentielle pour savoir quel sens donner à sa vie après n’avoir connue que la guerre et ses atrocités, mais aussi et surtout une quête sur le sens de cette phrase : Je vous aime. Prononcée par Gilbert alors qu’il était mourant, après avoir reçu plusieurs balles, Violet n’aura de cesse d’apprendre en tant que Poupée de Souvenirs Automatiques pour en connaître la signification profonde. Toute la série animée est basée sur cette quête de sens et se conclut ici avec le film de Taichi Ishidate.
En devenant une Poupée de Souvenirs Automatiques, elle parcourt ainsi le monde pour écrire des lettres à des clients parfois en manque de mots. Mais pour Violet, qui a basé toute son enfance à être la meilleure arme de guerre possible, il est difficile de poser des mots justes sur des émotions qu’elle ne ressent pas, qu’elle peine à saisir, à comprendre. C’est au travers ce parcours initiatique que Violet découvrira la subtilité des sentiments, sa richesse, sa beauté, mais aussi la souffrance qui les accompagne et la douleur que peuvent procurer ces mêmes sentiments. Il est donc primordial d’avoir vu la série, pour mieux appréhender le film qui, par ailleurs, est truffé de références à la production animée.

Je vous aime.
Je parlais du double visage des sentiments. Dans Violet Evergarden, Le Film, Violet sera confrontée à cette violence.
Heureuse de pouvoir retrouver l’homme qu’elle aime et enfin le lui dire puis, rejetée par Gilbert dans un second temps, Violet subira d’abord la naïveté de son jeune âge. Car les retrouvailles, si elles sont intenses, seront marquées par un refus que Violet n’acceptera pas. Pour elle, il était inconcevable que Gilbert la rejette de manière aussi catégorique. Dès lors, quand Violet retrouve son «  prince », elle doit faire face à un homme brisé, rongé jusqu’à la chair par une guerre impitoyable. Le Major s’en veut. Il s’en veut d’avoir jeté cette jeune fille dans la gueule de l’ennemi et d’être responsable de la perte des bras de Violet. Cependant, aucune rancœur n’anime Violet. Et c’est d’autant plus frustrant pour elle, qu’elle n’a aucun pardon a attribué.
Seule restera la fuite et, enfin, l’acceptation. Mais c’était sans compter, la puissance des mots.

Une lettre.
Violet a toujours écrit pour les autres, rarement pour elle. Maladroite parfois dans ses prises de paroles, la jeune femme doute. Elle demande conseil à ses amis, ne sachant que lui dire au moment de ses retrouvailles avec Gilbert. Une lettre était la seule solution. Forte de son expérience, c’est avec des mots authentiques, francs, sans artifices, qu’elle parviendra à ouvrir le cœur replié de Gilbert, à lui faire prendre conscience qu’une vie sans amour est une vie nébuleuse, obscure et froide (à l’image du temps désastreux qu’il y a sur L’île).
Un film d’animation guidé par l’Amour, où la réalisation est au service cette ardente idylle.

Quand la caméra embrase l’intime

Côté réalisation, l’œuvre de Taichi Ishidate touche au sublime. Il s’en dégage une pudeur, une innocence et une chaleur cristalline où chaque plan est une véritable œuvre d’art. Le tout monté avec une rigueur implacable, qui délivre une puissance émotionnelle insurmontable pour le spectateur. L’enchaînement des séquences est si homérique, les scènes étant transcendées par l’écriture de Reiko Yoshida, qu’il devient difficile de ne pas être ému sur l’intégralité des 2h20.

La caméra a également un rôle majeur dans la transmission des émotions. Elle agit de deux façons dans les moments mélodramatiques :
. Soit le réalisateur utilise le gros plan, fixe, sur le visage des personnages afin de capter toutes les émotions que vivent intérieurement les protagonistes et permettre aux spectateurs de les ressentir aussi vivement.
. Soit la caméra s’écarte et laisse les personnages vivre leurs émotions dans la plus grande intimité, nous laissant avec des plans plus larges, tout aussi intenses.
Le plus beau des exemples et lorsque Violet pleure dans les bras de Gilbert. La caméra s’éloigne, renonce à toutes formes d’intrusion, mais nous autorise à cohabiter avec eux, de loin, et d’être submergé par la conclusion d’une romance devenue réalité, d’en être les témoins privilégiés. Un plan large d’un lyrisme enchanteur, où Violet et Gilbert, au clair de lune, s’avouent enfin leurs sentiments. L’un avec des mots, l’autre avec des larmes. Puissant !

Les couleurs, elles, sont toujours aussi profondes, vives, et renfoncent cette poésie visuelle et scénaristique du film. Il n’y a pas d’effets de styles superficiels ou une colorimétrie qui ne soit pas en adéquation avec les situations vécues ou les sensations que ressentent les personnages. Tout est imagé, coloré, avec la plus grande sincérité pour ne jamais trahir les protagonistes. Un savoir-faire que l’on retrouve dans tous les films d’animation japonais, au demeurant.

Conclusion

À l’instar de la série, Violet Evergarden le Film est d’une beauté insondable. Un long-métrage d’animation où s’entremêlent la poésie d’un conte romantique, romanesque et le drame tragique des conséquences d’une guerre qui fût abominable.
Violet Evergarden, série et films confondus, est certainement un des plus belles créations de la fiction japonaise. Une œuvre marquante, aussi bien dans son propos, que pour sa romance et l’intérêt des mots.

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