OSS 117 – ALERTE ROUGE EN AFRIQUE NOIRE : L’HUMOUR, TOUJOURS L’HUMOUR ?

12 ans après le dernier volet d’OSS 117, l’agent le plus célèbre de France revient pour une nouvelle mission. Toujours incarné par Jean Dujardin et sous la direction de Nicolas Bedos, qui reprend la franchise après Michel Hazanavicius, OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire est-il la comédie de cette année ? Et, alors que la sortie du film s’est accompagnée de quelques polémiques, que vaut cette suite que les fans d’Hubert Bonniseur de la Bath attendaient ? Réponse !

Histoire moderne & Humour

Le problème majeur d’OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire réside dans sa structure narrative.
Dans les deux premiers volets, Hubert Bonisseur de la Bath a un ennemi, une secte ou une société secrète (en l’occurrence, les nazis) comme antagoniste identifiable et les films se concluaient par la défaite de ces derniers. Les nazis y étaient caricaturés à l’extrême, tournés en dérision, créant un décalage comique qui contraste avec les atrocités de l’Histoire commises par l’armée d’Hitler.
Dans Alerte Rouge en Afrique Noire, l’ennemi n’en est pas un. L’adversaire est un groupe de rebelles œuvrant pour la liberté, contre un dictateur africain (Koudjo Sanga), dont les crimes ne sont d’ailleurs jamais évoqués. Le long-métrage se termine avec la victoire de ce dernier avec l’aide d’Hubert et donc, de la France. Une fin qui, si elle détermine l’inaction française et son désintérêt d’instaurer une démocratie dans ses anciennes colonies, peut perturber. Elle est certes en adéquation avec l’époque, en adéquation avec la moralité d’Hubert et son désir ardent de servir la France, mais soulève une question : la crétinerie est-elle exempt de morale ?
La trilogie OSS 117 est une parodie des films d’espionnage. Mais au-delà de la parodie, l’espion doit avoir une morale et le personnage ne pas suivre bêtement une cause où les faits qui lui sont présentés ne sont pas justes. Un aspect nécessaire, si l’on veut que le spectateur ait un attachement pour le héros. La victoire du dictateur, c’est la victoire de la France et de ses intérêts, cela on le comprend. Néanmoins, dans Le Caire, Nid d’Espions et Rio ne répond plus, les films se terminaient par un happy-ending, montrant le parcours d’un agent maladroit, idiot, qui parvient à ses fins grâce à de la chance. On était heureux et on aimait voir cet espion pathétique se débattre avec ses forces maléfiques, elle aussi composée d’hommes niais. Cela le rendait attachant. Alerte Rouge en Afrique Noire est tout l’inverse. La production de Nicolas Bedos s’enferme dans un scénario où l’envie de rire s’évanouit au moment même où le générique de fin apparaît. La bêtise d’Hubert devient consternante, on se détache de lui, de cet homme qui a eu l’occasion de rétablir la démocratie.
Peut-être l’idée était de créer un mal à l’aise. Soit. De montrer que quoi que l’on fasse, les intérêts d’une nation prédominent sur la morale. Soit. Mais quand on réalise une comédie, les enjeux et leurs dénouements doivent être à la hauteur de la comédie.

L’humour d’OSS 117 – Alerte Rouge en Afrique Noire alterne entre coup d’éclat et maladresse. Prenons la blague sur « Me Too ». C’est une vanne totalement gratuite. Elle n’apporte rien, rien au personnage (qu’on sait déjà sexiste) et, de surcroît, cette soi-disant blague ne créé aucun décalage comique, aucune réflexion en parallèle. Elle soulève néanmoins des questionnements intéressants : aurions-nous rit de cela avant le mouvement Me Too ? Notre rapport à l’humour, au rire, a-t-il changé ? Est-on gêné de rire car nous connaissons la gravité des faits ? Nous pouvons rire de tout, c’est indéniable et quiconque dirait le contre, contribuerait à une société de censure. Mais l’humour, surtout sur des sujets de société aussi importants, doit être subtil, fin Ici, c’est vulgaire et sans intérêt, à la fois dans la construction du personnage d’Hubert, mais aussi dans sa réflexion.

À contrario, la tirade d’Hubert sur l’Afrique (cf. la scène où OSS couche avec Zéphyrine), bien que caricatural sur le fond, fonctionne car, sur la forme, il y a une vérité qui amène à une réflexion. C’est un monologue osé, dans le bon sens du terme. En effet, elle fonctionne car elle participe à montrer la bêtise d’Hubert à travers ses analyses foireuses, le peu d’intelligence dont il peut faire preuve sur un plan géopolitique, et provoque chez le spectateur un raisonnement : l’Afrique n’aurait-elle pas eu un meilleur destin sans les colons ?
Et puis, le décalage. La scène ne s’arrête pas là, sur une vanne lancée sans conséquence. Suite à sa tirade, Hubert revient à son point de départ, enchaîné à un poteau. Sa stupidité le remet dans une position inconfortable. Bedos et Halin créent un décalage comique, une conséquence à une action.

C’est dans ces moments-là que le spectateur retrouve le « con magnifique » comme le disait très justement Pierre Niney en interview. Et si cela reste une grande partie du film, il est regrettable que la touche Bedos se soit immiscée dans certains dialogues, qui contribuent malheureusement à la polémique.

L’humour est subjectif. On ne rit pas tous des mêmes choses. Mon analyse de l’humour est personnelle. Nullement, je ne pense détenir la vérité sur la construction d’une bonne blague. J’émets un avis sur ce que moi, j’attends d’une vanne et pourquoi elle me fera rire.

. La place des femmes

Les deux premiers volets d’OSS 117 avaient aussi un atout majeur : les femmes.
Très présentes dans Le Caire, Nid d’Espions et Rio ne répond plus, les femmes d’Alerte Rouge en Afrique Noire et notamment le personnage de Zéphyrine se retrouvent en second plan. Elles avaient pourtant un rôle essentiel : ce sont elles qui résolvaient la plupart des énigmes/enquêtes, et venaient mettre en évidence le sexisme, le racisme ordinaire d’Hubert en le confrontant directement (ce job est désormais assuré par OSS 1001, incarné par Pierre Niney, mais j’y reviendrai un peu plus tard).
Ainsi, Zéphyrine n’apparaît que dans le dernier tiers du film, ne prenant part que de façon mineure à l’action. Action dans laquelle elle n’est d’ailleurs que le reflet d’une incrédulité. Piégée par Hubert et le dictateur Koudjo Sanga, Zéphyrine devient la risée des deux hommes, ce qui n’était pas le cas dans les deux autres films.

Concernant le personnage de Micheline, là également, elle ne sert que de faire-valoir et d’élément « comique ». Elle met en lumière l’incapacité sexuelle d’Hubert, suite à sa rencontre avec OSS 1001, plus jeune, plus dynamique. Il fait face à sa propre impuissance et au temps qui passe. D’un point de vue scénaristique, cela semblait intéressant. Malheureusement, Bedos et Halin s’appuient sur ça pour livrer une vanne insignifiante. Alors qu’il s’apprête à coucher avec Zéphyrine, et que ses problèmes d’érection surgissent, une succession de flashbacks survient, mettant en scène les grands moments historiques de La France ainsi que le Général de « Gaulle ». Problème résolu : Hubert retrouve la gaule. Faisons un parallèle avec Rio ne répond plus pour montrer pourquoi cette scène est gâchée par une écriture insipide.

Dans le second volet, Hubert s’apprête à sauter du plongeoir de la piscine d’un hôtel, tandis que toutes les femmes, sous son charme, attendent de voir le saut d’un homme beau et viril. Mais Hubert est prit de panique. Il se remémore un vieux souvenir tragique. Alors qu’il est jeune, et travaille dans un cirque avec un numéro de trapèze volant, Hubert ne parvient pas à rattraper son partenaire pendant leur numéro. Il en gardera des séquelles : la peur du vide. Hubert abandonne et quitte le plongeoir sous la déception des femmes. Un Mcguffin, une peur qu’il affrontera à la fin du film pour sauver un Nazi du suicide. Le flashback avait alors une fonction essentielle, à la fois dramatique et scénaristique puisqu’elle offrait une épaisseur au personnage d’Hubert, une autre dimension. On parlait d’attachement émotionnel au personnage, ce flashback y contribuait grandement. En quoi donc, retrouver sa capacité sexuelle après avoir pensé au Général de Gaulle est-elle, non seulement drôle, mais aussi pertinente dans l’évolution d’OSS 117 ?
C’est ce que j’évoquais plus haut, autant le film a des moments humoristiques forts qui servent les personnages et l’histoire, autant il peut tomber dans la débilité la plus primaire.

Pourtant, Nicolas Bedos a un certain talent pour le romantisme. Il est dommage qu’il ne se soit pas servit de ses deux premières expériences cinématographiques pour poursuivre son travail sur Monsieur et Madame Adelman et le sublime La Belle Époque.

OSS 1001 : agent informatique

Si les femmes jouaient à merveille ce rôle de contraste pour faire face aux propos sexistes d’Hubert dans les anciens opus de la franchise, Alerte Rouge en Afrique Noire opte cette fois-ci pour un homme : OSS 1001. Si cela permet effectivement de montrer l’évolution de la jeunesse vis-à-vis de la société et de la technologie, le personnage ne fait qu’affirmer des banalités que le spectateur sait depuis deux longs-métrages, sans apporter de nouveauté.
Oui, la société évolue. Oui, Hubert est piégé dans un autre temps. Toutefois, tous ces aspects ne sont jamais développés pour assurer une évolution. Mais aimerions nous OSS 117 de la même manière, si ce dernier grandissait, évoluait, changeait de comportement ? Définitivement, non ! Du fait, quel est l’intérêt de souligner encore les comportements déplacés d’Hubert ? Le personnage d’OSS 1001 aurait pu avoir une autre fonction. Montrer les progrès technologiques ? Une fois de plus, cela sert à quelques ressorts comiques mais Bedos et Halin ne font jamais au-delà.

Néanmoins, reconnaissons le talent de Pierre Niney, excellent dans ce rôle d’agent secret fan d’OSS 117, mais perdu, peu à peu, face à un homme qu’il pensait être une légende vivante.
De plus, la narration du film laisse exister Hubert. Il ne se retrouve pas étouffé par l’omniprésence d’un petit nouveau. OSS 1001 a cette qualité d’être là quand il faut, sans jamais prendre une quelconque place essentielle dans le récit.

Conclusion

Alerte Rouge en Afrique Noire reste une pastiche délirante, une parodie où l’on retrouve souvent le Hubert d’antan, bien que son humour soit irrégulier d’une séquence à l’autre plombant parfois le rythme du film.
Nicolas Bedos fait un travail de réalisation audacieux, pertinent et soigné. Le réalisateur sait tenir sa caméra et son directeur de photographie, Laurent Tangy, retranscrit à la perfection l’ambiance des années 80.

Le seul défaut à ce troisième opus d’OSS 117 est sa structure narrative, piégeuse et à l’encontre des œuvres précédentes, qui ne garantit pas le triomphe de la morale et poussant le personnage d’Hubert à recevoir une forme de détestation.

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