POURRIS GÂTÉS : LA NOUVELLE COMÉDIE RAFRAÎCHISSANTE DE NICOLAS CUCHE (INTERVIEW + AVIS)

Le nouveau film de Nicolas Cuche, Pourris Gâtés, a été présenté ce week-end en avant-première au Méga CGR de La Rochelle. Organisée par Alain Jeanne et l’Émission Chut On Écoute La Télé, Pourris Gâtés a séduit le public rochelais.
Rencontre avec le réalisateur Nicolas Cuche, qui revient sur l’aventure et les coulisses de sa dernière production.

INTERVIEW

D’où est né l’histoire de Pourris Gâtés ?
Pourris Gâtés est l’adaptation très libre d’un long-métrage mexicain, Los Amigos Nobles, qui a eu beaucoup de succès au Mexique. Avec mon co-scénariste, Laurent Turner, on a gardé l’idée d’origine, ce concept, pour réaliser notre propre long-métrage. Le film était loin culturellement de nous et je sentais vraiment que je pouvais en faire une version plus personnelle. De surcroît, c’est difficile de faire un remake d’un film que l’on juge très réussi. Il y avait simplement la thématique, la problématique de départ qui m’intéressait et on s’est simplement servit de ça. Je n’ai pas décortique, analysé Los Amigos Nobles. C’est un film dont la facture n’était pas intimidante en réalité.

Comment avez-vous développé les trois personnages incarnés par Camille, Artus et Louka ? Est-ce qu’il y avait déjà ces personnalités définies dès l’écriture du projet ou est-ce que certaines ont évolué au fil du temps ?
Le personnage de Camille était assez clair au départ, comme celui d’Artus. En revanche, celui sur lequel il y a eu le plus d’évolution, c’est le personnage d’Alexandre, joué par Louka Meliava. Ce n’est pas évident de faire exister trois personnages dans une histoire, quatre avec le père. Effectivement, Alexandre a été le plus lent à se dessiner à l’écriture. Entre le rebelle, avec des grandes idées, et le je-m’en-foutiste glandeur, il y avait des choses à trouver, à creuser. Pour le coup, il n’a rien à voir avec le personnage du film mexicain, dont la seule problématique est de coucher avec des femmes plus âgées. Il était traité en arrière plan, de façon anecdotique, et on ne parlait que de sa sexualité. Moi, je voulais ici développer son côté « faux révolutionnaire » avec ce contraste de vivre dans le luxe. Au fur et à mesure, il va se redécouvrir, se rapprocher de son père et s’apercevoir qu’il a des talents manuels. Il a un parcours qui est certainement le plus proche de son père, partant du bas de l’échelle.

Il y a dans l’écriture, un dosage parfait entre humour et émotion. De quelle manière êtes-vous parvenu à trouver cet équilibre ?
Le film a une démarche sincère. Je ne souhaitais pas que le film soit qu’une simple farce dans laquelle le spectateur ne serait pas impliqué dans la vie des personnages et de ce qu’il va leur arriver. Donc, à partir du moment où l’on prend ces personnages au sérieux, où on les aime, à partir de là je pense que l’on peut être touché par eux et que l’émotion peut arriver. C’est un ton que j’aime énormément, mettre de l’humour dans le drame ou de la tragédie dans de la comédie. J’adore faire fonctionner les deux.

Pour vous, la comédie et le drame sont complémentaires ?
Les comédies sont potentiellement des bons sujets de drame, à mon sens. La comédie est un point de vue sur le drame. Une comédie qui est très artificielle et qui ne repose sur rien, ça peut fonctionner, mais ce n’est pas celle qui m’intéresse. La comédie c’est une façon élégante de donner un point de vue sur des situations dramatiques. Je n’aime pas les films qui ont le nez collé sur la vitre, ou, parce que c’est un drame, on ne peut pas rigoler.
Dans la vie, même dans les situations les plus tragiques, on peut sourire, rire. Ce n’est pas vrai qu’on fait la tronche toute la journée, qu’on a pas le droit d’avoir un fou rire, et inversement. Une comédie, c’est une manière d’offrir de l’espoir et la possibilité aux gens de gérer une situation compliquée. Ce n’est pas toujours évident à faire, je le concède.

Le personnage de Philippe (Artus) a des idées d’entreprises farfelues dont « Chaussures à Pieds » : faire porter ses chaussures à des vendeurs pour qu’elles soient détendues. Comment avez-vous trouvé l’idée qui, au final, ne se révèle pas si bête ?
Ce fut compliquée. J’ai passé des heures sur internet à fouiller toutes les idées les plus idiotes qu’on puisse avoir. C’est super dur de trouver une idée super débile qui, derrière, comme vous le dites, n’est pas l’air si con que ça. Il fallait aussi que ce soit un truc de riche. Pour vous dire la vérité, je n’arrivais pas à trouver quelque chose d’intéressant et, en regardant à nouveau les sketchs de « Connasse », j’ai eu le déclic. Dans une de ses pastiches, elle va dans un magasin et elle dit à la vendeuse : « Je les prends, je passerai les chercher demain le temps que vous les portiez ». De plus, Gérard Jugnot m’a dit que l’idée n’était pas si idiote puisque au Moyen-Age, les nobles faisaient porter leurs chaussures par leur servants. C’est un délire de riche.
À la base, dans le film, Artus devait énumérer plusieurs idées. On a fait des brainstorming, tout le monde s’y est mis. Contrairement, à ce qu’on pense, avoir des idées pourries, ce n’est pas si facile.

Concernant les trois acteurs (Camille Lou, Artus et Louka Meliava), les avez-vous choisis par casting ou vous aviez déjà en tête les comédiens au moment de l’écriture ?
Par casting, à part Gérard et François Morel.J’ai fait tourner le premier plan de Camille dans la série « Les Bracelets Rouges » et c’est une comédienne que j’aime beaucoup, qui a un énormément potentiel. Je ne sais pas ce qu’elle en fera, mais elle peut aller très loin si elle s’en sert bien. C’était donc une occasion pour moi de retravailler avec elle et de l’emmener sur un autre registre.
Pour Artus, j’avais depuis longtemps envie de travailler avec lui. Je lui avais proposé un petit rôle à l’époque, mais pour des raisons de planning, ça n’avait pas pu se faire. Il a également un gros potentiel, à la fois de comédie et humain. J’aime ce qu’il fait dans le film, il est touchant à vouloir faire plaisir à son père en gardant cette naïveté.
Et Alexandre, ce fut un gros casting et j’ai eu un véritable coup de foudre pour lui.

Gérard, c’est une personnalité que j’aime vraiment, comme comédien et comme réalisateur. Il a un ton dans ses films avec lesquels je suis en adéquation.
L’enjeu était différent. Il fallait là, que lui accepte de jouer ce père de famille. On s’est rencontré car il faut qu’il est une affinité, qu’il est envie de travailler avec moi. On s’est très vite entendu et il a accepté le rôle.

Gérard n’est d’ailleurs pas l’élément comique de Pourris Gâtés. C’est lui qui apporte toute la dimension émotionnelle au film…
C’est là que je trouve que c’est un acteur intelligent. J’avais peur qu’il refuse de ne pas être au cœur de la comédie. Il a tout de suite compris, malgré son image, qu’il ne serait pas le vecteur comique du film et n’a jamais cherché à tirer la couverture sur lui comme certains auraient pu le faire. C’est un acteur généreux et respectueux d’une histoire. Il aimait le récit et en a compris le sens profond.

Il y a aussi une belle complicité avec le personnage de François Morel…
La mère est absente et comment faire exister les protagonistes en leur donnant une histoire sans l’alourdir ? S’il n’y avait pas eu François Morel, le père se serait retrouvé totalement seul. Je trouvais que c’était beau d’avoir ce personnage, complice de toujours. Il y a une alchimie, déjà entre eux dans la vraie vie, qu’ils ont amené à l’écran. Ça m’a permis de me raconter toute une backstory. Sur les films, il y a ce que l’on filme, la surface, mais je voulais raconter des choses qui vont au-delà. Effectivement, il y a cette complicité et ce rapport de confiance. Il est à la fois l’associé ainsi qu’un pilier de la famille, et ça me touchait.

On peut entendre Stéphane Ben au début du film, qui nous présente Monaco sous forme décalé. D’où est partie cette envie d’intégrer Stéphane Bern dans l’introduction du film ?
Le début du film n’était pas censé se dérouler comme ça. Je me suis rendu compte que c’était très difficile de tourner à Monaco, soit parce que cela nous été interdit ou trop cher. Je ne pouvais donc pas tourner les petites « fenêtres » que j’avais écrite. J’avais un gros problème pour monter le film car il me manquait toute une scène d’introduction pour bien placer et positionner les personnages, ce qui était le cas sur le scénario.  J’ai eu l’idée de faire ce « faux documentaire », afin de me permettre d’avoir des images d’archives et obtenir, acheter les droits sur certaines images déjà tournées pour des documentaires, par exemple.
Au départ, c’est quelqu’un d’autre qui faisait la voix. Un soir, peu de temps avant de finir le film, avec le producteur et le chef opérateur, on se demandait qui pourrait prêter sa voix et le nom de Stéphane Bern est sortit. On l’a appelé et il a dit oui, même gracieusement. J’étais super touché. Il n’avait même pas lu le texte et il ne s’est même pas inquiété pour son image. C’est une personne qui a beaucoup d’humour et d’auto-dérision.

AVIS

Money, Money, Money !

Bien que la bande-annonce de Pourris Gâtés présage une comédie bas de gamme – comme il en existe beaucoup trop dans le paysage cinématographique français -, le long-métrage de Nicolas Cuche est une véritable surprise. Le réalisateur de « Les Bracelets Rouges » offre ici une comédie très efficace, dans lequel un père de famille, lassé de voir sa fortune dilapidée par ses trois enfants, va leur faire croire qu’il est ruiné les forçant ainsi à faire l’impensable : travailler !

Si la structure narrative du film reste conventionnelle, Pourris Gâtés s’avère sincère dans sa démarche et délivre une comédie drôle (les gags fonctionnent parfaitement), tendre et émouvante. Il y a notamment un vrai background émotionnel, une accroche pour le spectateur, des histoires de famille où chacun peut s’identifier (décès, absence…). Tout ceci est porté par un trio d’acteurs, Camille Lou, Louka Meliava et Artus, plongés dans des situations qui oscillent entre exagération, absurdité et émotion. L’écriture de Nicolas Cuche et Laurent Turner apporte un dynamisme à ce trio déjanté mais aussi une authenticité dans leurs souffrances, enfouies depuis plusieurs années. Ainsi, ils créent une attache émotionnelle à ces personnages haut en couleur dont la vie est bouleversée par la machination du père.
Gérard Jugnot, de son côté, fait un père fragile et attachant. L’acteur n’est pas l’élément comique de Pourris Gâtés et vient contrebalancer l’aspect comédie du film par la sensibilité de son personnage, la tragédie qu’il traverse. Cela donne à Pourris Gâtés, une humeur unique et une énergie où les sentiments – quels qu’ils soient – sont mis à rude épreuve.

La morale, elle, est basique mais séduit surtout par la beauté de ce quatuor charmant, chamailleur, pour lequel nous sommes nous-mêmes investis. Nicolas Cuche et son partenaire ont su trouver l’équilibre parfait pour livrer une tragi-comédie, où le rire ne supplante jamais l’émotion et inversement.

Pourris Gâtés sortira le 15 septembre prochain.


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