Synopsis : Après la mort de son époux, Camille est une femme en pleine reconstruction tandis que Martin, son fils mutique et solitaire, retrouve un peu de joie de vivre grâce à son nouvel ami Jeff. Mais l’angoisse et la peur du pire surgissent à nouveau dans leur vie quand Martin ne revient pas de la soirée d’anniversaire de Jeff. Rapidement, une question terrible se pose. Jeff existe-t-il vraiment ?
Présenté en compétition au Festival de la Fiction de La Rochelle, L’Ami qui n’existe pas est une des nouvelles productions de Jerico TV et France Télévisions, qui débarquera prochainement sur votre petit écran. Ils proposent ici un téléfilm puissant, stressant, où la tension côtoie un scénario exigeant et nous questionne en permanence sur les motivations profondes des protagonistes. Une montée en pression calculée, laquelle ne laissera pas le spectateur indemne.
Entretien avec le réalisateur Nicolas Cuche (actuellement au cinéma avec Pourris Gâtés). Interview réalisée avant le Festival.
À l’origine, une histoire pour le cinéma ?
Le scénario de L’Ami qui n’existe pas est né d’une collaboration entre l’écrivain Olivier Norek, policier de formation, et le réalisateur Nicolas Cuche, comme il nous le raconte : « Le projet est né via mon agent. J’ai rencontré un tout jeune auteur qui avait sorti son premier polar et qui avait écrit un petit pitch d’une page sur un fantasme de parents (même s’il n’a pas d’enfant), où ceux-là aurait baissé la garde, envoyé son enfant à un anniversaire chez des gens qu’ils ne connaissent. Lorsqu’ils reviennent le chercher le lendemain à l’école, le copain de l’enfant n’existe pas. C’est son idée de départ. Ensuite, on a co-écrit le scénario ensemble. Ce n’est pas une adaptation, c’est une idée originale d’Oliver et de moi-même. ».
L’Ami qui n’existe était au départ un projet de cinéma, où plusieurs grands noms devaient rejoindre le casting : « Nous devions tourner le film pour le grand écran et plusieurs comédiennes auraient pu incarner le rôle de Camille, dont Cécile de France qui était vraiment tentée. Malheureusement, pour des raisons d’emplois du temps, cela n’avait pas pu se réaliser. Sandrine Kiberlain aussi avait lu et adoré l’histoire. En parallèle, le producteur a créé un département télé dans sa boîte et fait passer ce film à la télé. Ce qui n’était pas plus mal puisque le COVID est arrivé et c’était compliqué. Cela nous a permis de le tourner. ».
Une réalisation dans l’antre de la folie
L’histoire est celle d’une mère de famille dont la vie familiale bascule lorsque son fils est enlevé. Elle-même bascule dans la folie au fur et à mesure que le récit avance, progresse. Nicolas Cuche nous raconte la manière dont, à travers sa réalisation, il est parvenu à retranscrire visuellement cette bascule : « Bunny Like a disparu d’Otto Preminger nous a inspiré. Il a un air lointain avec notre scénario puisqu’il y a un doute sur l’héroïne : est-ce qu’elle est folle ou dit-elle la vérité ? Une question qui est aussi au cœur de notre projet et nous permet de jouer avec le spectateur qui va osciller d’un point de vue à l’autre, d’un sentiment à l’autre, ne sachant jamais si elle ment, si elle dit la vérité ou si elle est folle. Ça c’est scénaristique. Au niveau de la mise en scène, il faut choisir les points de vue, choisir ce qu’on peut montrer, ce qu’on ne peut pas montrer, suggérer. Quand on fait un film, on a effectivement cette liberté de choisir les moments qui vont nous permettre de raconter une histoire dans un laps de temps, et ça se joue beaucoup sur ce qu’on décide de montrer ou non. ».
Une réalisation où l’on note également une multitude de plans rapprochés sur les personnages, sur leur visage. Nicolas Cuche filme au plus près. Une façon d’être au cœur de leur intimité et une façon pour le spectateur de s’investir émotionnellement dans l’histoire et la vie des protagonistes : « J’avais la chance d’avoir des comédiens formidables et donc une envie de les filmer et de les traquer, aussi. C’était une manière d’être assez immersive. Je voulais que ce film soit immersif. C’est un engrenage, il y a quelque chose de diabolique dans ce film dont on ne peut sortir. Ce n’est pas un film qui s’échappe. C’est un film où je voulais que la tension grimpe, et cela impliquait d’être au plus près des émotions des personnages. ».
La photographie joue un rôle important. Elle impose une atmosphère oppressante à l’histoire. Un travail de lumière pointilleux que décrit Nicolas Cuche : « Il y a un vrai travail de lumière. Ce sont des films climatiques dans lesquels on essaie de créer un climat, une ambiance et cela passe par la lumière. On a choisi des partis pris forts. C’est aussi un choix de décor, d’axe, car la lumière, c’est là où l’on place la caméra. La lumière et la mise en scène sont indissociables. C’est un travail en profondeur. La lumière est un point de vue sur l’histoire, au sens réel du terme. Si on veut avoir une cohérence sur la lumière, la répercussion est sur la mise en scène. La lumière ne se met pas en « fonction de ». Parfois, c’est elle qui est l’élément premier de la mise en scène. En somme, où mettre ma caméra pour que la lumière soit optimale en fonction du moment de la journée, du décor, et des éléments existants. C’est une réflexion permanente. Ici, elle contribue à ce sentiment d’oppression. ».
Un casting prodigieux
Pour camper cette mère de famille, c’est l’actrice Audrey Dana qui a été choisie. Un rôle intense pour cette actrice qui a accepté malgré les difficultés que ce rôle imposait : « C’est un rôle très fort, un rôle difficile à jouer. Je pense que les films choisissent leurs comédiens, leurs comédiennes et vice-versa. J’ai eu une révélation sur Audrey Dana. Je devais lui proposer, même sans la connaître auparavant. C’était une bonne intuition de ma part et, de son côté, elle était vraiment emballée par le projet. L’histoire l’a interpellée. Elle l’a comprise, intégrée et m’a fait un retour enthousiaste. C’est un rôle qui peut faire peur à une comédienne, car il est tellement intense, il y a tellement d’émotions à jouer, on ne respire jamais. Il faut une comédienne sacrément talentueuse. C’est le cas d’Audrey. Elle est généreuse, sincère, et a toute la palette de jeu à sa disposition. ».
Une intensité de jeu pour un téléfilm vif, dont le tournage s’est axé autour d’Audrey Dana et du personnage de Camille : « Il fallait graduer. La saturation peut tuer l’émotion. Trop de scènes fortes peuvent tuer les scènes fortes. Il fallait trouver un équilibre sur l’ensemble du film pour ne pas qu’elle soit toujours au paroxysme. Nous faisions donc une prise où elle se lâchait complètement, puis ensuite des prises plus « calmes ». Pour qu’elle soit vidée aussi. Il y a d’ailleurs un équilibre qui s’est construit au montage. J’aimais bien ces scènes au montage où elle était vidée tant physiquement, qu’émotionnellement, de par l’intensité des scènes précédentes. Ça offrait un contraste entraînant, un nouveau rythme au récit. ».
Le jeune comédien Albert Greffier, qui interprète le fils, fait également un travail formidable. Une évidence pour Nicolas Cuche, qui ne tarie pas d’éloge à son égard : « C’est un gamin surdoué dans le jeu et brillant dans la vie. On a fait un casting. Ce qui est agréable quand on réalise un casting, c’est lorsqu’une personne s’impose de façon évidente, naturellement. Aux essais, il était parfait. Il avait cette maturité, cette intensité de regard. C’est un rôle difficile, le fils est mutique, il faut qu’il y ait une étrangeté de son côté. Il a travaillé de manière intelligente, concentré, comme un vrai bon comédien. De temps en temps, il maîtrisait son rôle aussi bien que moi, il s’est tellement approprié son rôle qu’il était plus pertinent que moi. J’étais bluffé et admiratif de le voir jouer. ».
Autre coup de cœur pour Nicolas Cuche, Medi Sadoun.
Habitué aux comédies, il incarne ici le policier en charge de l’enquête sur la disparition du petit Martin : « Medi est une personne avec une humanité énorme. Dans la vie, c’est un mec touchant. Et il a une belle attention dans l’écoute. ».
Un rôle de flic loin des caricatures habituelles : « Je voulais un flic normal. Dans les films, très souvent, les héros-policiers sont cassés par la vie, un peu caricaturaux. Moi, je souhaitais un flic empathique, normal. Et Medi Sadoun dégage un calme, une tendresse dans le regard, et une humanité en contraste à Audrey que j’aime beaucoup. ».
L’Ami qui n’existe pas sera diffusé le 25 octobre prochain sur France 2.
Sources images : Sud Ouest et Télé Z.