ILLUSIONS PERDUES : FACE À L’ESPOIR, LA VIOLENCE DU MONDE

Présenté en sélection officielle à La Mostra de Venise 2021 et en ce moment au Festival International du Film de la Roche-sur-Yon, Illusions Perdues de Xavier Giannoli est une adaptation du roman d’Honoré de Balzac du même nom et issu de la collection « La Comédie Humaine ».

Synopsis :
Lucien est un jeune poète inconnu dans la France du XIXème siècle. Il nourrit de grands espoirs et veut forger son destin. Il quitte l’imprimerie familiale de sa province natale pour tenter sa chance à Paris au bras de sa protectrice des arts. Rapidement livré à lui-même dans cette ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses de ce monde voué à la loi du profit et du faux-semblant.

Au cœur Paris, entre moralité et tartuferie

Illusions Perdues est une immersion. Une immersion au sein d’une capitale sournoise et de ses habitants, aux mœurs souvent débridés. Xavier Giannoli nous plongeons alors, au travers le regard de Lucien de Rupembré, dans ce Paris de tous les excès, dans ce Paris exubérant, viscéral, hypocrite et parfois malsain. Et nous vivons, au même rythme que Lucien de Rupembré, les folies parisiennes, les fantasmes des uns et les désillusions des autres, dont celles du jeune poète.
Paris est un lieu bruyant, oppressant, où la vie va vite. La mise en scène et la caméra de Xavier Giannoli le sont donc également. On virevolte entre le journal, les soirées mondaines, les soirées théâtrales et les galeries marchandes et, le spectateur vit pleinement l’intensité de cette vie à la capitale, rongée par les opportunistes et les corrompus. Parmi ceux-là, Lucien de Rupembré, auteur au cœur pur, qui intègre ce monde de requins où l’arnaque et la tromperie sont les maîtres mots. Il va y côtoyer des personnes sans scrupule et apprendre, observer ce nouveau monde avec un regard naïf. Pour gagner sa vie et se faire une réputation (essentielle pour percer et tenter d’éditer un premier livre), sa naïveté se transforme en arme. Il devient journaliste pour Le Corsaire (devenu Le Corsaire-Satan) où ses mots, crus et violents, feront parler de lui, jusqu’à devenir une personnalité redoutée. Mais ses inspirations de devenir poète, écrivain, font être aspirées par d’autres ambitions moins nobles. Face à l’espoir des premiers jours, la violence des mots pour subsister, exister aux yeux de tous, prend le dessus. L’argent facile, aussi. À quel prix ?
Tout cela, Xavier Giannoli le met alors en scène avec une vivacité haletante, une puissance formidable et une agitation des corps exaltante. Car le mouvement des acteurs est important dans le film. Il dévoile le côté grandiloquent de ces êtres qui sont animés par la « passion », par l’arrogance, par la duperie, par l’exposition et l’étalage de leurs richesses et de leurs notoriétés, à coups de grands gestes et de grandes paroles. Même dans les moments intimes, les gestes du corps nous parlent. Ces gestes se confient à nous, authentiques, nous murmurent une sincérité rare, qui contrebalancent un récit effréné et faux. Ils agitent ainsi ce petit monde telle une fourmilière, où le regard du spectateur est, lui, confronté à une multitude d’informations qui se déroulent à toute allure sur l’écran.
Et puis, il y a aussi une résonance avec l’actualité moderne. Si le film reflète parfaitement la vie à Paris au XIXème siècle, le réalisateur fait un parallèle effrayant avec notre époque. Comme si le temps s’était figé et que finalement, rien n’avait changé et même évolué en pire. Xavier Giannoli se permet alors des traits d’humour grinçant sur la politique du XXIème siècle pour en tirer des conclusions alarmantes sur notre manière d’appréhender la politique et sa vision.

Illusions Perdues à une autre qualité, sa façon de dépeindre cette vie parisienne au XIXème siècle. Le film pourrait même s’apparenter à un documentaire. On y apprend comment les journaux et les maisons d’éditions fonctionnaient à l’époque, et comment les éditeurs payaient des journalistes/critiques pour avoir les bonnes œuvres et faire vendre davantage leurs auteurs, de même du côté du théâtre, où on avait le loisir d’acheter des applaudissements ou des huées. Si certaines choses n’ont pas changé, d’autres si (et heureusement!). Xavier Giannoli évoque cette liberté d’expression qui nous tient tant à cœur, laquelle est toujours au cœur de débats houleux. Ici, les royalistes tentent de museler les journaux libéraux, où les caricatures et les satires étaient perçues comme des actes profondément contre-pouvoir.

Conclusion

Outre la richesse de son scénario, son histoire entraînante et sa morale, Illusions Perdues séduit aussi par sa beauté visuelle, sa photographie à la fois douce et mélancolique, ses décors enflammés ou bruts ainsi que par sa galerie de personnages hauts-en-couleur incarnés par des acteurs/actrices inspirés et d’une justesse redoutable.
Un récit romanesque mais tragique, la bascule d’un jeune homme plein d’espoir et d’entrain, que le monde broie par sa violence. Une comédie humaine distrayante mais bouleversante.

Illusions Perdues se classe au même titre que Délicieux et Eiffel, parmi ces grands films historiques français qui marqueront l’année 2021.

Illusions Perdues sortira le 20 octobre prochain.


1 commentaire sur “ILLUSIONS PERDUES : FACE À L’ESPOIR, LA VIOLENCE DU MONDE

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *