ALBATROS : LA MER, SOURCE DE RENAISSANCE

Présenté en sélection officielle de La Berlinale (Allemagne) Albatros de Xavier Beauvois s’offre une nouvelle sélection au Festival International du Film de la Roche-sur-Yon, qui se déroule actuellement en Vendée.

Synopsis :
Laurent, un commandant de brigade de la gendarmerie d’Etretat, prévoit de se marier avec Marie, sa compagne, mère de sa fille surnommée Poulette. Il aime son métier malgré une confrontation quotidienne avec la misère sociale. En voulant sauver un agriculteur qui menace de se suicider, il le tue. Sa vie va alors basculer.

Prendre son envol

Albatros scinde sa narration en deux temps. La première partie est introductive. Une introduction par ailleurs longue, mais nécessaire. Xavier Beauvois y met en scène Laurent (Jérémie Renier), sous-officier de la Gendarmerie, sa famille et ses collègues gendarmes. On le voit ainsi évoluer au sein d’Etretat, résoudre des petits problèmes du quotidien, aider son voisinage par sa fonction et s’occuper de sa femme, de sa fille ainsi que de ses projets familiaux (nouvelle maison, mariage..). En somme, Xavier Beauvois nous dépeint la vie « banale » mais tout aussi noble d’un gendarme à la campagne.
Une introduction nécessaire donc, pour saisir toute l’ampleur du drame qui va se jouer dans la deuxième partie. Car dans cette petite ville, tout le monde se connaît, la confiance et la bienveillance règnent entre chaque habitant, et une solidarité s’est même construite entre eux au fil des années. Nous l’exposer sera par la suite une manière d’instaurer une dramaturgie puissante dans la déconstruction de ces vies.
Dans le second acte justement, Xavier Beauvois exploite le drame de son récit, après avoir consolidé les bases celui-ci. Le réalisateur dévoile les difficultés auxquelles doit faire face Julien au sein de sa ferme agricole. Écrasé par le poids d’une administration lente, par les dettes et le désespoir, Julien perd pied. À bout, il tentera de mettre fin à ses jours. Pour le sauver, Laurent lui tira une balle dans la jambe, qui lui sera malgré tout fatale. De là, l’histoire d’Albatros bascule. L’auteur des Des Hommes et des Dieux revient à ses amours. Il mue son scénario, enferme le personnage de Laurent (et le film parfois) dans le silence. Et ces silences, maîtrisés et insoutenables, parlons-en. Ils emportent le long-métrage dans une profonde spiritualité où plongera Laurent, intensément. En décidant de traverser la mer et de rejoindre Terre-Neuve en bateau, il organise son voyage spirituel. Se confronter aux tempêtes, aux caprices de la météo, à la solitude, c’est finalement se confronter à lui-même et à ses propres démons intérieurs. Une manière pour lui d’extirper la noirceur qui l’a envahi depuis son drame, de se purger des regrets et des remords qui le rongent.

Tout au long du récit, la mer joue un rôle clé. Elle est d’abord un divertissement (la pêche), un rêve et un lieu inaccessible. Elle est synonyme d’envie et de bien-être. Chacun la perçoit différemment, de part sa sensibilité, mais elle rassemble. La mer rassemble des passions et des passionnés. Puis, dans cette seconde partie, comme je l’évoquais, la mer devient une source de renaissance.
Laurent s’échappe, se retrouve, renaît.

La caméra au service de la vérité

Xavier Beauvois filme simplement. Il y a une vérité qui se dégage de sa mise en scène, une volonté de révéler une réalité sans la fausser, la compromettre. Et avec les thèmes abordés dans Albatros, il fallait une authenticité dans la réalisation, afin d’évincer toute forme de superficialité, de dépouiller le récit de tout artifice et se concentrer sur l’humain. Car Albatros est un film profondément humain. C’est en axant son œuvre sur les hommes et les femmes qui orchestrent son histoire que Xavier Beauvois capte toute l’essence de la vie humaine, de ses difficultés et de ses espoirs. Tout cela nous touche. Cette véracité dans le propos, cette beauté simple dans la composition scénaristique et scénique d’Albatros, ces interprétations poignantes, ne laisseront personne indifférent et questionneront également le spectateur sur son existence et le sens qu’il souhaite lui donner.

Conclusion

Albatros est un film fort, où le spectateur évolue dans l’univers difficile et souvent froid de la Gendarmerie. En parallèle, le long-métrage dénonce l’inaction politique face au monde agricole, avec une véritable intelligence. Tout se mêle pour livrer une histoire bouleversante sur ces vies humaines qui se brisent comme les vagues sur des rochers.
Quant à Jérémie Renier, implacable, prouve une fois encore l’immensité de son talent.

Certainement un film dont on parlera beaucoup à sa sortie le 3 novembre prochain.

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