MY SON – ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR CHRISTIAN CARION : « Je ne voulais pas faire simplement un remake. C’est une autre version, un autre film. »

Le 3 novembre prochain, Christian Carion sortira « My Son », une nouvelle version de son précédent film « Mon Garçon » (2016) avec Guillaume Canet. Cette fois-ci, il transpose son récit en Ecosse (Royaume-Uni) et s’est entouré de deux acteurs prestigieux : James McAvoy (X-Men, Split) et Claire Foy (The Crown).
À l’occasion d’une avant-première à La Rochelle, organisée par l’émission radio Chut on écoute la télé et le Méga CGR Les Minimes, le réalisateur Christian Carion est revenu avec moi sur le concept original de son film, son envie de réaliser un « remake » et les différences notables entre la version française et la version anglo-saxonne.

Au départ, d’où est venue l’idée de réaliser un long-métrage semi-improvisé ?
À l’époque, Guillaume Canet n’était pas très disponible. Nous ne pouvions pas faire un film classique. J’avais déjà l’idée de mettre en scène un film classique dans sa première partie et une seconde moitié où il n’y aurait pu de scénario, qui correspond à son ascension dans la montagne. Comme il n’était pas dispo, l’envie de tourner sans donner de scénario est devenue une nécessité. Avec les équipes, nous avons réfléchi comment cela pouvait être possible. Nous l’avons tenté et les règles étaient les suivantes : tourner vite, ne réaliser qu’une prise, aucun temp mort, pas de maquillage/coiffure, pas de lumières… On ne s’arrête que pour manger. En préparant tout en amont, ce fut possible. On peut emmener une histoire de cette manière-là.

James McAvoy remplace Guillaume Canet et Claire Foy, Mélanie Laurent. Qu’est-ce qui a motivé ces choix ?
J’avais déjà très envie de bosser avec James McAvoy. C’est un immense acteur. C’est une personne fascinante, toujours surprenante. Jamais là où on l’a attend. Je pensais que ce genre de concept pouvait l’exciter et je ne me suis pas trompé. Quand je lui ai expliqué au téléphone comment je comptais réaliser le film, il m’a répondu que j’étais dingue (rire). Le système américain ne permettra pas la réalisation de ce genre de projets, ils ont peur de ce qui est inconnu. Et donc, il a adoré le challenge, qu’il n’aurait peut-être jamais eu l’occasion d’avoir dans sa carrière. […] Pour un acteur, c’est angoissant de ne pas avoir de scénario et d’improviser. Tous les acteurs ne sont pas capables d’endosser cela. Il faut avoir le talent certes, mais aussi un état d’esprit, être joueur. Il y a des comédiens qui vont être catégoriques : Ils voudront un scénario, apprendre un texte, être guidés par un script. D’autres sont plus ouverts à l’inconnu. De son côté, Claire a également accepté de relever ce challenge de jouer face à un James McAvoy qui n’avait pas de texte.

Claire, elle, est une actrice incroyable. Elle en a sous la pédale comme on dit. J’ai découvert qu’elle et James McAvoy se connaissaient très bien. J’étais ravi car je savais, dès lors, qu’il y aurait une belle alchimie entre eux. On va croire au couple, à la complicité entre les deux, même s’ils sont séparés. Et j’ai été servi. Claire m’a aussi renseigné. Elle savait ce que James refuserait de faire ou, qu’à tel endroit, il allait me surprendre. C’était une vraie aide.

Vous avez étoffé ce rôle féminin…
Oui. Lorsque j’ai engagé le projet de My Son, je voulais certes changer un peu l’histoire mais également donner plus d’importance au rôle féminin. Et puis, j’étais frustré d’avoir travaillé si peu avec Mélanie, dont j’admire le parcours. Ce qu’elle fait est dément mais nous n’avions pas pu faire davantage. Là, j’avais Claire Foy, je me devais d’en profiter. On a réécrit un scénario avec Laura Irrmann dans lequel le rôle de la mère est donc plus important que dans Mon Garçon, notamment dans le dernier acte. Ça crée aussi une nouvelle dynamique au film et je pense que le spectateur appréciera ces changements. Avec My Son, je ne voulais pas faire simplement un remake. C’est une autre version, un autre film.

Quelles différences avez-vous pu constater entre les jeux de Guillaume Canet et James McAvoy ?
Le principe du film, un acteur sans scénario, nous permet de vivre en direct ses émotions. C’est donc très coloré par la personnalité de l’acteur en question. Guillaume et James ont deux personnalités différentes. Ils ont réagit différemment, car leur tempérament est différent. McAvoy a amené une froideur, une énergie, une violence, une émotion. D’ailleurs, il s’est fait gagner par l’émotion. Il est arrivé en voulant se protéger, ne pas tomber dans le piège, et il s’est fait avoir. Lors d’une scène, je ne dirais pas laquelle, il a fondu en larmes. On a filmé ça, longtemps. James est venu vers moi, après la séquence, en me confiant qu’il n’avait jamais pleuré comme ça au cinéma. Il m’a demandé comment c’était possible. Je lui ai répondu que c’était parce qu’il ne s’était pas posé la question de la caméra.

Il vous arrive de solliciter un acteur pour refaire une scène, si l’intensité ne vous convient pas, par exemple ?
Je ne redemande jamais de prises. Les acteurs, oui. Parce qu’en jouant ils ont trouvé quelque chose et je veux le voir. Mais je considère toujours la première prise comme la plus importante. Sur Mon Garçon et ici aussi, je leur disais : « ce film c’est comme de l’huile de l’olive, c’est la première pression à froid la plus importante ». C’est rare qu’on refasse des prises car nous n’avons pas le temps. Le temps nous oblige à aller à l’essentiel. Et c’est très bien, ça donne des choses intéressantes. Ça crée une énergie, une vitesse, une tension qu’on retrouve dans le film.

Parlez-nous de l’environnement dans lequel vous avez tourné, qui est central dans l’intrigue…
Nous avons tourné 8 jours dans les Highlands, sur la côte ouest à deux heures de route de Glasgow. Ce sont des endroits très spectaculaires, qui vous impressionnent, qui impressionnent la caméra. Ce sont aussi des lieux difficiles, où il pleut beaucoup et nous avons été servis (rire). Ces paysages anglo-saxons ramenaient un côté dramatique intéressant au film. On cherche un enfant, et quand on voit les lieux on se pose la question de savoir comment le retrouver dans ces étendues si vastes.

[…] Nous avons passé beaucoup de temps à se balader, à regarder, à ressentir. Et puis, à un moment, il y a une évidence. C’est comme un casting finalement. On a casté des vallées, on a casté des endroits très spéciaux jusqu’à ce qu’on ait un coup de cœur. […] Nous avons tourné dans des endroits qui ont des choses à dire, plus que dans la version française. Je n’ai pas filmé la nature comme je l’ai fait dans Mon Garçon. Là, je me suis réellement régalé à ouvrir le jeu et le décor dans lequel l’histoire se déroule, qui est un vrai personnage ici. Ce sont des lieux qui accueillent l’histoire, les personnages, et les font réagir. Il y a une interférence entre les paysages choisis et les protagonistes. J’aime ces films-là.

AVIS

Synopsis :
Edmond Murray, divorcé, s’est éloigné de son ex-femme et de son fils de 7 ans pour poursuivre une carrière internationale. Lorsque le garçon disparaît, Murray revient précipitamment dans les Highlands. Rapidement, il devient clair que l’enfant a été kidnappé. Les parents cèdent d’abord au désespoir, mais Murray va très vite se montrer prêt à tout pour retrouver son fils. Il se lance dans une traque qui l’obligera à aller au bout de lui-même et à remettre en cause toutes ses convictions…

Avec My Son, le cinéaste Christian Carion réussit le pari d’offrir un nouveau film. Si la ligne directrice et le schéma narratif restent plus ou moins les mêmes que sur Mon Garçon, l’auteur de « Joyeux Noël » parvient à surprendre le spectateur en parsemant son récit de quelques choix scénaristiques bien placés. Il étoffe ainsi son scénario intelligemment mais aussi ses personnages, dont le rôle de la mère. Le récit se retrouve alors renforcé d’une dynamique inédite où le suspens est alors plus haletant, plus prenant.
Deux autres éléments viennent appuyer la force dramaturgique de l’histoire : l’interprétation magistrale de James McAvoy et l’environnement oppressant de ces paysages anglo-saxons que nous dépeint My Son.
L’interprète de Charles Xavier dans la saga X-Men apporte, effectivement, une froideur, une violence insoupçonnée et accroît la puissance et la détresse d’un père de famille, désemparé par la disparition de son fils. Mais la violence de James McAvoy n’est pas gratuite. Elle est progressive. C’est la qualité première des deux films (Mon Garçon et My Son), la montée en crescendo de cette colère intérieure jusqu’à devenir une véritable rage. L’authenticité de cette animosité, réside surtout dans le jeu et l’improvisation. Comme le décrit Christian Carion, l’improvisation permet de se détacher de la forme, pour se concentrer sur le fond et donc, sur l’émotion pure. James McAvoy, lui, a positivement su se libérer de ses carcans, pour délivrer une fureur qui nous prend aux tripes.
Et puis, cet environnement où évolue nos héros. Christian Carion filme ces forêts et ces vallées avec une telle profondeur, qu’elles nous paraissent infinies. Cette infinité, elle accentue le côté anxiogène et angoissant chez le spectateur et les personnages. Il nous est impossible d’y poser de quelconques repères et nos regards se noient dans ces étendues automnales. Où chercher ? Par où commencer ?

Oui, My Son est un nouveau film. Pour toutes ces raisons évoquées, vous ne serez jamais au cœur d’une pâle copie mais d’une histoire neuve. N’ayez crainte, Christian Carion ne vous trompe pas, au contraire.

My Son sortira le 3 novembre prochain.

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