ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ : LA DÉLIRANTE ADAPTATION DE FRANÇOIS DESAGNAT (INTERVIEW) 

L’année 2021 n’est pas encore terminée que nous tenons déjà LA comédie de 2022. Avec Zaï, Zaï, Zaï, Zaï, adapté de la bande-dessinée du même nom, François Desagnat s’offre une comédie absurde de haute-volée, portée par un Jean-Paul Rouve magistral et une flopée de guests et de seconds rôles détonants. 
Présenté au Festival International du Film de La Roche-sur-Yon en avant-première, le film a conquis le public. C’est à cette occasion, et lors d’un entretien privé, que l’auteur de La Beuze est revenu sur son amour pour la BD ainsi que sur l’écriture et la réalisation du projet.

Au départ, des rencontres…

Zaï, Zaï, Zaï, Zaï, c’est une rencontre. Une rencontre entre une bande-dessinée et un réalisateur. Et ce n’est pas peu dire que de parler d’idylle. Lorsque François Desagnat a ouvert l’œuvre de Fabcaro, ce fut littéralement un coup de foudre et une envie irrépressible d’adapter la BD sur grand écran : « Dès que j’ai lu les premières pages de cette BD, j’ai été séduit par ce ton particulier qui me rappelait aussi l’univers des Monty Python. C’était donc avant tout un désir profond et sincère de voir ce ton-là retranscrit au cinéma. Mais au départ, je n’étais pas très courageux. Je ne me voyais pas arriver devant des producteurs avec ma BD sous le bras pour leur dire qu’il fallait absolument l’adapter en film. Je pensais que j’allais dépenser beaucoup d’énergie à convaincre des gens parce que l’univers est vraiment singulier. J’ai eu la chance d’offrir, sans arrière-pensée, cette BD à des amis producteurs en l’occurrence Thibault Gast. Le lendemain, il m’a rappelé enthousiaste en me disant qu’il fallait réaliser le film. C’était le coup de pouce dont j’avais besoin pour me lancer dans cette aventure folle. ». 
Sous ses airs de comédie, Zaï, Zaï, Zaï, Zaï, est aussi une œuvre au sous-texte politique et sociétal fort, notamment sur la manière dont les médias traitent l’information et enveniment des situations à priori banales, dont les pseudos-intellectuels s’emparent de sujets mineurs pour brasser de l’air, et dont les gens théorisent des complots à partir de rien. Ce sont ces différentes sous-lectures qui ont aussi convaincu François Desagnat d’adapter la bande-dessinée au cinéma : « Ce sous-texte, c’est ce qui donne la force au récit et ce que j’aime dans les comédies sociales italiennes et qu’on retrouve ici. On est d’abord dans une première lecture, celle de la comédie et, par la suite, arrive en sous-texte cette lecture sociale, politique. Je crois que c’est une manière de raconter, de dénoncer, plus profonde qui me convient davantage. Je n’aime pas qu’on vienne me faire la morale, frontalement. Je préfère lorsqu’il y a ce vernis de comédie tout autour qui enrobe le tout, pour ensuite me faire prendre à mon propre jeu, que le sous-texte vienne me toucher, me faire réfléchir. ». 

Et Fabcaro dans tout ça ? : « C’était d’abord une rencontre. Je me suis posé la question de quel film je voulais faire et j’ai échangé sur ce point avec lui. On s’est plutôt très bien entendu. Cependant, il m’a tout de suite dit qu’il n’avait pas envie de participer à l’adaptation, qu’il me laissait libre et qu’il avait confiance. Cependant, nous avons inventé beaucoup de choses pour étayer le film et j’avais besoin d’avoir son aval. Que le ton soit dans la continuité de son œuvre, qu’elle ne le trahisse pas. On lui a fait lire les différentes versions du script, il nous a donné son avis tout en conservant une certaine distance.». 

Entre fidélité et inventivité personnelle

Parmi les réécritures évidentes, le choix d’un acteur de comédie dans le rôle-titre du film. Dans la bande-dessinée, le personnage de Fabrice est un auteur de BD. Un changement logique pour François Desagnat : « Dans la BD, il fait une mise en abyme de lui-même. Pour le cinéma, il était logique que le héros soit comédien. C’était par ailleurs l’occasion pour nous d’égratigner le monde du cinéma et la vision un peu snobe qu’il y a envers les comédies. Ça nous amusait de se dire que acteur de comédie, c’était une circonstance aggravante quand on commettait un délit. ».

L’exercice de l’adaptation est un moment délicat pour un auteur, d’autant plus pour un film où l’absurde et l’humour noir sont les maîtres mots. Et entre les coupes ou les rajouts, les difficultés étaient nombreuses pour ne pas trahir le contenu original. François Desagnat explique « La difficulté c’était de s’en tenir à la justesse de ton de la BD. L’humour absurde, ça peut très vite aller dans le n’importe quoi. À partir du moment où tout est permis, on peut vite déraper, devenir lourd. Il faut donc créer un cadre dans l’absurde afin de donner une cohérence à un endroit où il n’est pas censé y en avoir. C’était pour nous important que rien ne soit gratuit. Dans la BD, il y a peu de gags gratuits puisqu’ils sont toujours accompagnés d’un sous-texte politique, sociétal, qui interroge sur la société d’aujourd’hui. Il fallait être vigilant sur cela. J’ai eu la chance d’avoir 2 producteurs attentifs à ces éléments. Mon co-scénariste Jean-Luc Gaget et moi, on s’amusait beaucoup mais on a dû se retenir par moment car ça ne collait pas toujours forcément et l’aide des producteurs a été ici capitale. […] Parfois, je me posais la question : choque-t-on ? Mais aller loin, à travers l’humour noir, c’est ce qui est intéressant. Et si je commence à me dire que je vais trop loin, c’est que ça devient peut-être intéressant. ». 
Une fidélité scénaristique mais aussi visuelle. La mise en scène du film est souvent en case, symétrique. Un caractère que François Desagnat souhaitait conserver : « Dans la BD, il y a une épure dans la mise en situation des personnages et des actions qui appuit encore plus l’absurde. J’avais envie que le spectateur retrouve ça tout en étant fidèle à la BD. Puis, c’est un axe visuel intéressant, ça renforce un regard et permet un recul qui accentue l’absurdité des situations ou des propos. ». 

Jean-Paul Rouve & Cie

François Desagnat et Jean-Paul Rouve, une coopération inédite dans le cinéma français. Et ça fonctionne ! Pourquoi ? Parce qu’il y avait entre les deux hommes, une véritable volonté de tourner ensemble : « Jean-Paul et moi, on voulait travailler ensemble depuis longtemps. Avec Zaï, Zaï, j’avais l’impression que c’était le bon projet pour bosser avec lui. De plus, il y a une filiation entre l’univers de Fabcaro et tout ce qu’il a pu faire avec les Robin des Bois. Il connaissait Fabcaro, il adorait la BD. Il se posait la question de savoir si on réussirait à adapter la BD, complexe, mais il a été séduit très vite par le scénario. ». 

Zaï, Zaï, Zaï, Zaï tient aussi par la multitude de petits seconds rôles croustillants qui parcourent le film. Ils offrent, tour à tour, des moments de drôlerie absolus et nous séduisent par la loufoquerie de leurs propos. Trouver ces comédiens fut un processus long : « C’était un très long casting. On doit avoir 70 rôles parlants dans le film, certains venaient pour une ou deux répliques. Mais je ne voulais pas de fausses notes, que tout le monde soit formidable. Ça c’est fait en deux temps : nous avons réalisé des castings sur Paris et à Montpellier, dans la région Occitanie. Et j’ai eu la chance de trouver des comédiens fantastiques. 95% des acteurs qui venaient connaissaient la BD, ce qui était un atout. ». 
François Desagnat réunit aussi un florilège de guests à la fin du film, pour une chanson composée par Benjamin Biolay. Une scène tournée « dans un studio d’enregistrement » sur « une demi-journée », où il parodie les réunions d’artistes pour des œuvres caritatives : « Pour l’anecdote, plusieurs comédiens présents avaient fait le spectacle des Enfoirés la veille du tournage. […] Oui, c’est une manière de se moquer gentiment de ça. Ce n’est pas une moquerie méchante, attention. Je ne me moque jamais des gens qui vont chanter aux Enfoirés. Ils font ça de bon cœur, gratuitement. Mais c’est plus quelque chose de général sur la bonne conscience que l’on se donne quand on fait une bonne action. On le fait généreusement mais aussi parfois pour s’auto-valoriser. C’est humain. ». 

Zaï, Zaï, Zaï, Zaï sortira le 23 février 2022.

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