C’était la première date de leur tournée d’avant-première, le Palmashow présentait leur nouveau film à La Rochelle le 10 janvier dernier : Les Vedettes.
Les Vedettes, c’est l’histoire de Daniel et Stéphane, vendeurs dans un magasin d’électroménager, qui décident de faire équipe pour participer à des jeux télévisés et espérer éponger leurs dettes. Deux nouveaux personnages sortis de l’imaginaire barré de Grégoire Ludig et David Marsais, connus pour cette capacité à saisir le meilleur et le pire de l’être humain pour en livrer des parodies humoristiques décalées, drôles et parfois criantes de vérité mais sans méchanceté.
À l’occasion de cette avant-première exceptionnelle, Grégoire Ludig et David Marsais se sont livrés à quelques confidences…
Vous jouez souvent des personnages populaires, naïfs. Vous aimez jouer ce genre de personnages ?
David : On aime les jouer car ils sont plus naïfs que beaufs, je pense. Il y a quelque chose d’assez touchant chez les gens qui n’ont pas de recul. On trouve ça plus intéressant de jouer des personnages qui ont des tares et des défauts. C’est beaucoup plus marrant. Nos personnages ont des défauts naïfs, presque des défauts d’enfants mais ils ne sont jamais profondément méchants. On préfère qu’ils soient ridicules car ils ne « connaissent pas » – et ensuite créer une empathie envers eux -, plutôt qu’en faire des salauds et que le spectateur ne les apprécient pas. Y’a plus de fond dans des personnages naïfs que des protagonistes lisses, les bonnes personnes qui vont sauver leur entreprise, par exemple.
Les comédies qu’on aime, nos références, sont celles où il y a des personnages détestables comme Les Trois Frères ou les Bronzés, Louis de Funès même, qui jouent souvent des rôles lâches, autoritaires, colériques, mais qu’on adore. On pense que c’est ça l’essence de la comédie : partir de mauvais types qui n’ont pas de recul sur ce qu’ils sont. C’est aussi une manière de traiter des sujets. Ici, ce sont deux gars qui ont un besoin de reconnaissance maladive. C’est d’ailleurs le sujet principal du film, le besoin de reconnaissance que la société nous pousse à avoir aujourd’hui.
Puis c’est aussi une histoire d’amitié…
David : Oui, c’est assez nouveau. Nous n’avions encore jamais imaginé de faire de nos personnages une opposition. Dans Max et Léon, on avait pris pour acquis que nos personnages étaient déjà amis. On n’a jamais traité la relation, le thème de l’amitié. Là, on a grandi et on s’est dit qu’on pourrait s’attaquer à ce sujet. C’était l’essence du film.
Il y a toujours autant de complicité quand vous jouez ensemble malgré les années ?
Grégoire : C’est justement parce qu’il y a toujours cette complicité qu’on continue à se marrer sur les plateaux et à l’écriture. La base vient de l’écriture. Si on est d’accord et qu’on rit en écrivant une vanne, c’est qu’on doit continuer, aller jusqu’au bout. C’est ce qui s’est passé avec Les Vedettes. Heureusement qu’on continue à se marrer, à se faire marrer, à être surpris, à être épaté par l’autre. C’est comme une relation de couple quelque part. On est en perpétuelle évolution, on se plaît toujours, et c’est assez simple à l’arrivée.
David : Ça nous arrive de ne pas être d’accord sur l’écriture mais on ne se clashe jamais. Ça fait partie du boulot de ne pas être d’accord. Si on était tout le temps en harmonie, ça ne fonctionnerait pas autant. On resterait dans des certitudes, on ne se remettrait pas en questions et on n’aurait pas de recul.
Pour le film, vous avez inventé deux jeux dont « Le prix à tout prix ». Vous avez créé le titre, un slogan et un décor. Justement, ce décor, comment l’avez-vous pensé et conçu ?
Grégoire : Jonathan Barré s’est référé à plein de choses. Il a regardé plein de jeux du monde entier et la référence qu’il a prise c’est la version du jeu d’Afrique du Sud. Il trouvait que les couleurs avaient un potentiel cinématographique. Quand on essayait de monter le film, financièrement, beaucoup nous disaient qu’il était très difficile de retranscrire la télé au cinéma sans lui donner un côté cheap. Jonathan c’est donc attelé à rendre cet aspect crédible, joli et qui puisse plaire au public.
David : C’était le défi de Jonathan. Lorsqu’on lui a présenté le film, qui est un peu une comédie sociétale, il y a toujours ce danger de faire une image réaliste qui peut être un peu triste. Nous avions filmé des lotissements, des bureaux de production, pour Jonathan c’était un vrai travail de dire que ces décors ne sont pas censés être foncièrement moches, qu’on peut rendre ces éléments, ces environnements banales, très sexy.
Il y a également un autre jeu musical dans le film. Y’a-t-il eu d’autres sources d’inspirations que N’oubliez pas les paroles et Le Juste Prix pour créer ces deux jeux ?
David : On a regardé beaucoup de jeux pour avoir une idée des décors, des mécaniques, mais notre objectif n’était pas de parodier.
Grégoire : Il fallait qu’on colle aux jeux réels, tout en en créant un que personne n’avait jamais vu. Il fallait créer des jeux avec des codes très forts, qui ressemblent aux originaux, mais qu’on invente. Nous ne voulions pas qu’il y est de références précises. Même le présentateur Fred Costa, il fallait que ce soit un acteur inconnu du grand public. Si nous avions un acteur que tout le monde connaissait dans un jeu qui n’existe pas, on sortait du film. On a créé un univers de A à Z, pour que les gens l’acceptent simplement.
C’est Damien Gillard qui interprète Fred Costa, le présentateur. Comment avez-vous pensé ce personnage ?
David : C’est un pêle-mêle de références. Mais on ne connaît pas les présentateurs télés personnellement donc on a un peu fantasmé l’animateur. Le cinquantenaire qui a peur qu’on prenne sa place et qui roule sa bosse au travers des mécaniques pour dorer son image alors qu’il sait bien qu’il est sur la pente descendante. Il peut se faire remplacer à tout moment par des mecs plus jeunes.
Vous avez tourné à La Rochelle…
David : On adore tourner en province, car l’accueil est plus chaleureux qu’à Paris. À la capitale, dès qu’on bloque une rue c’est l’enfer. On se fait incendier. Ici c’est davantage toléré. Puis, il y a les studios de l’Espace Encan à disposition que la Région Nouvelle-Aquitaine prête. On avait besoin de construire des décors massifs et c’est rare de trouver des studios qui soient suffisamment grand pour pouvoir accueillir ce genre de décors. L’Espace Encan offre des possibilités assez rares.
Grégoire : Quand nous sommes venus il y a quelques années au Festival de la Fiction, on s’était dit que La Rochelle était un lieu pour les tournages qui vaut le coup.
Entretien avec Thierry Laurentin, distributeur chez Gaumont
Était présent également Thierry Laurentin, distributeur chez Gaumont. Il nous explique la raison pour laquelle il a accepté de distribuer le nouveau film du Palmashow : « En premier lieu, la réputation du Palmashow et leur considérable percussion auprès d’un public jeune. Puis, la qualité du scénario qui s’ajoute au succès incontestable de leur premier film. Avec plus d’un million d’entrées pour un premier film, c’est exceptionnel. L’ambition du projet et l’humour nous ont séduits comme le travail du producteur Alain Goldman, qui est un des plus grands producteurs en France. Il nous a présenté le projet et la décision a été vite prise devant la qualité de celui-ci et l’envie de travailler avec Grégoire et David aussi. ».
La veille au soir, l’avant-première a été un triomphe. La salle fut conquise par cette nouvelle histoire menée avec brio par Grégoire Ludig et David Marsais. L’enjeu était de taille d’autant plus que le film a été tourné sur La Rochelle : « C’était doublement intéressant car c’était la première ville où les spectateurs sont totalement vierges d’avis extérieurs. Même si le Palmashow a une réputation, à chaque film, on repart de zéro. Il faut de nouveau convaincre. Donc, on était intéressé de voir comment le public allait réagir. Puis, il y avait une fonction locale puisque le film a été tourné en partie chez vous. Il y avait des figurants, des techniciens d’ici dans la salle. Ça crée une électricité particulière et favorable. On avait une petite interrogation, une inquiétude normale mais vite levée par les réactions pendant la projection et à la fin qui ont été extraordinaires. L’accueil a été génial. C’est la qualité de cette ville et de ces spectateurs, du travail fantastique fait par CGR pour proposer sans cesse des animations et maintient ce public tout le temps dans un appétit de cinéma. À l’arrivée c’est une fabuleuse soirée qu’on a passé hier. ».
La date de sortie de Les Vedettes a été avancée d’une semaine. Initialement prévu pour le 16 février, le film sortira le 9 février prochain. Un changement que Thierry Laurentin explique : « C’est un petit jeu de chaises musicales. Le troisième volet de Bon Dieu s’est décalé plus tard dans l’année et donc le film de Philippe Lacheau « Super-héros malgré lui » s’est avancé d’une semaine pour pouvoir bénéficier de plus de temps de vacances. Ils ont libéré la date du 9, que nous avons prise. Ce qui est gagnant-gagnant pour tout le monde puisqu’on pense aux salles de cinéma et aux spectateurs qui se retrouvaient avec un film populaire en moins. ».
AVIS
Les Vedettes, c’est la rencontre entre deux personnalités diamétralement opposées : le vendeur mal-aimé et exploité par ses collègues (Stéphane) et le chanteur raté brut de pomme et naïf (Daniel). Une rencontre explosive qui séduit par cette faculté des deux comédiens à rendre attachants deux « ringards » au grand cœur. Derrière des carapaces et des faux-semblants, Daniel et Stéphane ont des souffrances imperceptibles, un besoin de reconnaissance et d’amour que personne ne leur a jamais attribué.
David Marsais nous confiait que ce besoin de reconnaissance maladive était l’essence du film. Il l’est. Si la célébrité apporte son lot de bonheur quotidien, il rend aussi profondément malheureux. La reconnaissance nous isole, peu à peu, et nous fait oublier l’essentiel. Car Les Vedettes, c’est avant tout la naissance d’une amitié, qui sera mise à rude épreuve lors de leur ascension télévisuelle. Ici, le Palmashow crée une histoire moderne, soulève des questionnements légitimes sur notre société et pose la question de la valeur de l’amitié face au tourbillon médiatique, à la lumière des projecteurs et des émissions à succès qui brisent facilement les êtres. Au-delà de l’humour, Grégoire Ludig et David Marsais sensibilisent, dénoncent aussi ça et là les petites dérives de la nature humaine, et nous embarquent dans un road-trip où la famille sera aussi le cœur d’une multitude de remises en question.
Jonathan à la barre de la réalisation
Ce qui frappe chez Les Vedettes, c’est le soin apporté à la mise en scène et à la construction des décors. Jonathan Barré parvient à donner à ses environnements une véritable authenticité s’inspirant et s’appropriant brillamment les codes de Wes Anderson, à la fois dans sa manière de composer l’image que les décors, où les protagonistes évoluent souvent dans des couleurs vives, chaudes, chatoyantes mais aussi dans un cadre géométrique structuré, contrastant d’ailleurs avec le désordre mental des personnages. Le jeu « Le Prix à tout prix », par exemple, reflète parfaitement ces inspirations Andersonnienne. Un environnement coloré, rétro, symétrique dans le positionnement des accessoires (et de la construction scénique), où des personnages/figurants hauts-en-couleurs, décalés, hystériques, s’amusent ou subissent une situation extraordinaire. Un univers presque irréel, si le présentateur et le « décor » en arrière-plan n’étaient pas là pour nous ramener sans cesse à la réalité à la scène suivante. Intéressant d’ailleurs cette capacité à nous tirer perpétuellement entre deux mondes, avec autant d’intelligence, faisant voguer le spectateur entre humour très terre-à-terre, vannes « gratuites », et un humour absurde, qui fait fi de toute logique, de toute cohérence. Un décalage comique qui fait mouche dans les deux cas, grâce à un rythme soutenu porté par un duo complice.
Il y a aussi les lotissements, étrangement similaires donnant aussi cet aspect d’être dans un monde futuriste où se côtoieraient Downsizing d’Alexandre Payne et Vivarium de Lorcan Finnegan. Ce côté lisse, avec un voisinage perturbé, où se succèdent des protagonistes perturbants, suspicieux, appuie davantage cette sensation d’un monde déconnecté de toute morale ou de réalité. Pourtant, ils existent bel et bien ces lotissements et ces voisins, mais la réalisation de Jonathan Barré les révèlent pour ceux qu’ils sont, des bizarreries sociales où toute une classe sociale doit se ressembler et où l’étrangeté (selon eux) n’a pas sa place. Ces scènes détonnent avec celles tournées dans d’autres lieux, d’autres bâtiments. Là aussi, Les Vedettes tire partie de ces différents environnements pour égarer le spectateur qui navigue alors dans un environnement de drame social (cf. le bâtiment où habite la sœur de Stéphane) et un décor propice à l’absurde. Tout ceci crée un film abracadabrantesque, un mélange artificiel mené par la télévision et la vraie vie menée par les désirs et les désillusions des individus, deux royaumes qui se confrontent pour faire rayonner le meilleur et le pire des deux humanités.
David nous disait que l’objectif n’était pas de parodier tel ou tel jeu télévisé ou univers. C’est effectivement la force du film. Même s’il y a caricature, le fait d’avoir pensé, conçu, imaginé les décors et les jeux (titres, slogans…) dans sa globalité sans chercher à parodier, donne au film ce caractère unique, cette sensation d’être au cœur d’une pure création originale où tout est faussement vrai.
Entre comédie absurde et drame social, Les Vedettes est une production vivifiante et surprenante dans le paysage cinématographique français où les comédies ont rarement cette ambition de n’être guère plus que des vulgaires analyses de notre monde. Les Vedettes réussit à capter ces analyses pour les transformer en un véritable réceptacle de nos espoirs, de nos rêves et de nos fantasmes. Avec une réalisation inspirée et une écriture précise dans son caractère dénonciateur et humoristique, Les Vedettes offre un ovni séduisant et parfaitement maîtrisé, qui ne ressemble à aucun autre.