THOR : LOVE & THUNDER, LA CONFÉRENCE DE PRESSE DE TAIKA WAITITI (INTERVIEW)

Pour la sortie de Thor : Love & Thunder, plusieurs journalistes ont été conviés par Disney France pour assister à une conférence de presse virtuelle privée avec le réalisateur Taika Waititi. Animée par la journaliste Génie Godula, le cinéaste est revenu sur ses choix artistiques et sur ses ambitions pour ce nouvel opus des aventures du Viking de l’Espace.

Vous avez vraiment réinventé Thor avec Ragnarok. Il a surpris beaucoup de monde par son ton amusant. Thor est également le seul à avoir eu 4 films. Dans cette nouvelle suite, essayiez-vous de garder la même ambiance que Ragnarok ou bien avez-vous pris une autre direction ?
T.W : C’est vrai que c’est la 1ère fois que l’on fait un 4ème film centré sur un même héros. À mon sens, je le vois comme le 2ème film. Mais il est vrai que nous avons essayé de garder la même ambiance qui a tant plu avec Ragnarok. L’inspiration pour cette ambiance me vient des 2 premiers films, ils étaient bien et j’ai vraiment apprécié, mais ce que j’avais besoin de faire pour me l’approprier et apporter un peu de ma touche personnelle à la franchise, était de revenir à quelque chose de plus proche des comics et de leurs quêtes épiques, amusantes et hautes en couleur des années 50-70. Après Ragnarok, nous n’imaginions pas faire une suite, nous avions tout donné en pensant que ça serait fini après. […] Nous sommes donc retournés aux sources (comics) et c’est là que nous avons découvert God Le Tueur de Dieux ainsi que l’histoire de Jane Foster en Mighty Thor. C’était vraiment les 2 seules choses dont nous avions besoin pour créer cette nouvelle aventure. Au final, je suis vraiment heureux que l’ambiance soit similaire.

Pouvons-nous parler de vos influences ? Il y a cet espèce d’expressionnisme allemand qui transparaît à travers Gorr… Pouvez-vous nous en dire plus à propos de cette séquence en noir et blanc et à qui vous rendez hommage ?

Cette séquence en noir & blanc est un hommage à Truffaut avec Jules & Jim* (film français réalisé par François Truffaut, sorti en 1962) et j’avais vraiment envie qu’au milieu du film il y ait comme une pause et un hommage. Cette séquence noir & blanc reprend un peu la nature graphique très bicolore des comics et je trouve que cela va bien au genre super héros, même si c’est quelque chose que l’on ne voit pas souvent. Sin City l’a vraiment bien fait, les noirs & blancs étaient magnifiques. Et je pense que comme on avait promis un film tellement coloré aux fans, incorporer une vingtaine de minutes complètement en noir & blanc apporterait quelque chose d’inattendu.

* Jules & Jim – synopsis : Les journées insouciantes avant la Première Guerre mondiale laissaient la chance à un auteur autrichien introverti nommé Jules de devenir ami avec un Français exubérant au nom de Jim. Les deux hommes tombent amoureux de la belle et impulsive Catherine, mais c’est Jules qui la marie.

On retrouve aussi de la comédie romantique à la Screwball * entre Thor & son marteau
Thor a vécu plusieurs milliers d’années, il a eu plus d’aventures que nous n’en auront jamais, et c’est pour ça qu’il est difficile de faire en sorte que l’on puisse s’identifier à lui en tant que spectateur humain. Je pense que ce que l’on essayait de faire avec ce film, était de repousser les limites de Thor afin de satisfaire les fans et faire en sorte que l’on s’identifie davantage à son personnage. Et le meilleur moyen d’y arriver est de lui faire endurer une crise existentielle, lui faire ressentir qu’il est perdu, qu’il n’a plus aucun but dans la vie, mais aussi faire quelque chose que l’on n’imaginerait pas avec un personnage aussi puissant que lui. Le but est de tester son plus gros muscle : son cœur. On voulait vraiment apporter plus d’amour et voir ce que ça lui ferait.

* Screwball : La comédie loufoque est un sous-genre de la comédie hollywoodienne qui combine l’humour burlesque et des dialogues vifs, autour d’une intrigue centrée sur des questions de mœurs, notamment les thèmes de la rupture, du divorce, du remariage ou de l’adultère. La comédie loufoque mêle donc des éléments du comique de situation, du comique de gestes, de la comédie romantique et de la farce.

Et à propos de l’influence des comics de Jason Aaron, d’où proviennent les histoires de Gorr et, avez-vous travaillé ensemble ou au moins discuté avec lui ?
Absolument, nous avons approché Jason Aaron dès l’écriture. Je voulais vraiment avoir son ressenti sur les histoires. Il est aussi intervenu en post production sur la tonalité des images afin de mettre le plus en valeur Thor, Gorr et Jane Foster. Son aide était inestimable, il connaît mieux les histoires que quiconque. C’était vraiment super de pouvoir impliquer la personne à l’origine de tout ça.

Un(e) des journalistes présents demande si le MCU a besoin de « s’éclaircir » ou d’être moins sérieux, comme ce que vous faites avec Thor ?
Je ne sais pas trop. Je pense que tout le monde a besoin de se prendre moins au sérieux, je trouve que c’est un peu trop sombre et déprimant en ce moment, ça l’a toujours été. Je pense qu’il y a cette idée sous-jacente que la comédie est une forme d’art « inférieure ». Mais je vais vous dire, la comédie est plus difficile à réaliser qu’un drame. C’est plus difficile de faire rire les gens, et c’est plus difficile d’oser tester telle ou telle blague. Vous savez qu’un drame a du succès, lorsque personne ne rit. Si le public rit en regardant votre drame, vous êtes foutu. Alors qu’avec une comédie vous êtes obligé de faire participer les spectateurs. J’essaie de faire de mes films un peu plus que des comédies, des comédies qui ont du cœur ou qui exposent des problèmes humains tels que les dilemmes comme par exemple avec Jane Foster qui doit endurer quelque chose de très humain. Je pense qu’inclure ça dans nos films permet de toucher le public car quelqu’un pourra toujours s’identifier à ces problèmes comme la mort d’un proche. Et j’adore la question que soulève ce film : préféreriez-vous passer une journée dans les bottes d’un dieu ou bien endurer un an de malheur ?

Chris Hemsworth apporte beaucoup d’amour et de son grand cœur en plus d’être physiquement impressionnant. Pouvez-vous nous en dire plus sur la préparation physique de Chris pour ce film ainsi que son attachement au personnage ?

Il a passé près de 6 mois à devenir aussi musclé que possible, et c’est le plus musclé qu’il n’ait jamais été à l’écran. Tout est réel, son apparence n’a pas du tout été améliorée/modifiée en post production. Je me souviens l’avoir vu le 1er jour et m’être dit « Mince, ses bras sont plus gros que ma tête ! ». Son personnage lui tient tellement à cœur, et il souhaite tellement donner son maximum pour les spectateurs que ça en valait la peine. En particulier pour cette scène où l’on « exploite les talents » de Chris.

Image : Les fameux atouts de Chris Hemsworth. Les dames apprécieront (rire).

Parlez nous de Christian Bale, qui incarne Gorr, Le Tueur de Dieux. Lui avez-vous laissé libre court pour interpréter son personnage, ou bien lui avez-vous donné des directives pour incarner le plus fidèlement par rapport aux comics ?
On peut dire qu’il y a eu une sorte de collaboration à ce sujet. Nous étions sur la même longueur d’onde sur de nombreux points. Nous avons regardé de nombreuses vidéos du plasticien Chris Cunningham ou encore du clip de la musique de Aphex Twin « Come to Daddy » afin de s’inspirer d’images effrayantes ou bien de ce vers quoi on pourrait se rapprocher pour ce personnage. On voulait obtenir quelque chose d’inoubliable visuellement. Parfois, lors du tournage de certaines scènes, avec un peu de recul, on se disait que c’était peut-être trop effrayant pour des enfants. Quand on le regarde bien, je le trouve plus effrayant que Thanos, il a quelque chose de monstrueux. Christian est incroyable, c’est pour ça qu’on l’a engagé ! Il arrive à apporter une part d’humanité à tous ses personnages – vilains ou non. Dans les comics, c’est un personnage pour lequel on a de l’empathie, sans forcément être d’accord avec ce qu’il fait, on comprend les raisons qui le poussent à le faire. C’est pour ça que nous avons choisi Christian, je trouve qu’il a les épaules pour porter le poids qui va avec ce personnage et nous faire ressentir de l’empathie pour ce méchant.

En plus de Christian Bale, vous avez inclus Russell Crowe ! Comment l’avez-vous convaincu d’incarner Zeus ?

En effet, encore un nouvel acteur ! Russell est un ami de longue date, et l’idée d’inclure Zeus semblait tellement délirante que ça en serait cohérent. Je trouve que la scène où il apparaît […] le met bien en valeur. Lorsque l’on réfléchissait à quels grands acteurs qui ont fait l’épreuve du temps et qui correspondaient à ce personnage, selon moi Russell Crowe était celui qui sortait du lot, et c’était vraiment quelque chose d’important pour moi.

Pouvez-vous nous raconter comment c’était d’avoir de nouveau Nathalie Portman dans Thor ? Il me semble qu’elle n’avait pas l’air sûre de revenir après Thor 2. Était-ce difficile de la convaincre de revenir, et si oui comment avez-vous fait ?

Ce n’était pas si difficile car la différence majeure est qu’elle n’est plus simplement la petite amie de Thor, elle devient une héroïne capable de soulever Mjolnir. Elle devient une sorte de symbole, et même un modèle pour les jeunes filles. C’est super de pouvoir mettre en scène de plus en plus d’héroïnes aussi puissantes que les héros, voire même plus puissantes ! Je pense que c’est important, et si j’avais été à la place de Nathalie, ça aurait été LA raison pour me convaincre de le faire. En plus de le faire pour le fun ! Pas uniquement pour voir les hommes entrer dans la bataille mais aussi pour botter des fesses soi-même !

Les enfants ont toujours joué un rôle important dans vos films, et un(e) des journalistes demande quel rôle ils ont eu, était-ce une façon de leur remettre métaphoriquement le MCU ou bien d’introduire la phase 4, ou un peu des deux ?
Honnêtement, je ne vais pas vous mentir, je n’ai aucune idée de tout ce qui se passe dans le MCU en ce moment, je ne sais pas ce qu’est la « phase 4 » ou qui sont ces personnages, j’ai juste vu Ms. Marvel – et c’est la meilleure chose que j’ai vu depuis bien longtemps. J’essaie juste de faire ma part. Kevin Feige et les autres savent ce qu’il se passe à grande échelle, et je leur laisse gérer ça. Mais en ce qui concerne les enfants, c’était quelque chose de très important pour moi car je sens que les films en général deviennent trop sérieux. Quand j’étais petit, j’ai grandi dans les années 80 où les films étaient destinés aux enfants et aux adultes, mais surtout pour les enfants. Comme par exemple E.T. qui est un film familial. Je me rappelle l’avoir vu quand j’avais 9 ou 10 ans, et ça m’avais époustouflé que l’on puisse avoir de tels films. Je pense que même chez Star Wars, Marvel ou DC, les enfants ont été un peu mis de côté. Sur Disney+, quand on regarde les programmes, mes enfants me demandent souvent s’ils peuvent regarder tel ou tel programme et je me fais la réflexion : « C’est dingue que des enfants aient à se poser ce genre de question ». Est-ce normal qu’ils aient besoin de demander s’ils peuvent regarder un film Marvel alors qu’ils devraient pouvoir les regarder sans souci. Certains disent que la violence est parfois trop intense, ou les sujets trop graves, mais pour moi c’était vraiment important de pouvoir faire quelque chose qui implique les enfants. Tous nos enfants sont dans ce film, plusieurs des monstres que vous verrez ont été imaginés par des enfants, ils en ont fait des dessins et l’équipe des effets spéciaux leur a donné vie en 3D. C’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur de faire ce genre de choses en plus de créer quelque chose que mes enfants pourraient regarder et être fiers d’eux aussi.

Un(e) autre journaliste s’interroge à propos de la musique et sa place dans ce film. Apparemment Guns’& Roses ont une certaine influence, pourquoi ?
Je voulais faire une petite référence au rock des années 80, ainsi que l’art un peu fantaisiste de cette période. C’est ce avec quoi j’ai grandi, c’est ce que je trouve fun. De même, quand j’étais enfant, je trouvais He-man, Beast Master et Conan, ce genre de film fantaisiste un peu stupide, vraiment cool. Ainsi que l’art qui accompagnait les albums de rock tel que Iron Maiden, j’étais un grand fan de Metallica et ce film est en quelque sorte « pour moi », celui que j’aurai aimé voir gamin.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la technologie des écrans utilisés sur Thor Love & Thunder, 1er film du MCU à s’en servir.
Il s’agit d’une pièce circulaire faite d’écrans de télévision qui peuvent aller jusqu’au et sur le plafond et sur lesquels on projette l’environnement des scènes que l’on tourne. Par exemple dans The Mandalorian, le personnage a un casque plutôt brillant et grâce à cette technologie, l’environnement peut s’y refléter, ce qui serait impossible avec un fond vert. C’est donc plus simple pour les acteurs de s’immerger dans la scène plutôt qu’avec un fond vert/bleu ou une balle de tennis au bout d’un bâton et se demander « qu’est-ce que je suis censé regarder ? Est-ce un dragon ou un genre de monstre ? On verra plus tard ». De cette façon, on voit vraiment ce que l’on est censé regarder. C’est un peu comme les projections en arrière-plan des années 20/30, mais en plus avancé technologiquement. Ça permet aussi de tourner tout un tas de scènes dans la même pièce même si l’environnement change. Je trouve que c’est un super outil.

Une dernière question d’un(e) journaliste à propos de Valkyrie interprétée par Tessa Thompson : elle est clairement un personnage queer au sein du MCU, sans que ce soit explicitement montré ou que ce soit un trait de sa personnalité. Pensez-vous que c’est quelque chose vers lequel le cinéma devrait aller ?
Oui absolument, j’aimerais que ça le devienne car j’en ai marre de voir des films où il doit y avoir un long monologue sur pourquoi tel personnage est différent ou ce que cela fait. Je ne comprends pas pourquoi on doit absolument avoir ce genre de choses. Le rêve serait que ce soit accepté et normalisé, un peu comme dans ce film. Ça joue une petite importance dans le film, mais je pense que c’est déjà bien pour un film Marvel, que cela permet à certains de se sentir acceptés et représentés. Personne n’en fait tout un plat à ce sujet dans ce film, c’est un peu comme « Ouais ok, je sais que t’es gay, est-ce qu’on peut passer au vrai problème maintenant ? On doit sauver ces enfants », vous voyez ? Ce genre de choses me rendrait vraiment heureux, qu’on s’en fiche. J’espère qu’on arrivera au point où on n’aura pas à l’expliquer ou à en parler comme si c’était anormal.

Thor : Love & Thunder sortira ce mercredi 13 juillet au cinéma.

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