ANALYSE – MARVEL ET LA CARACTÉRISATION DES MÉCHANTS

Crédit photo : Cultea

29 films et pourtant, seuls Loki et Thanos sont devenus des légendes. Qui se souvient aujourd’hui de Malekith (Thor : Le Monde des Ténèbres), de Yellowjacket et de Ghost (Ant-Man / Ant-Man & La Guêpe) ou encore de Yon-Rogg (Captain Marvel) ? Et pour cause…

« Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film » cette maxime d’Alfred Hitchcok révélée à François Truffaut lors de leurs célèbres entretiens, semble être totalement oubliée par Hollywood depuis quelques décennies et notamment dans les blockbusters américains liés à la pop-culture. Dans les films, les plus intéressants sont effectivement les méchants car ils reflètent des aspects sombres de notre humanité que le héros, souvent lisse, ne peut mettre en lumière. Mais pour rentrer dans le panthéon des grands méchants du 7ème art aux côtés de Dark Vador, Palpatine, l’Agent Smith, Freddy, Golum, John Doe, Hannibal Lecter ou le Clown « Ça » encore faut-il avoir de l’imagination ou un acteur capable de transcender l’œuvre littéraire dont le méchant est issu. Depuis les années 2000, quel vilain aura marqué les esprits et pourrait intégrer ce panthéon, hors œuvres littéraires tels que Voldemort et Thanos ? D’un point de vue purement créatif, Hollywood ne parvient plus à créer des Figures du Mal emblématiques, en mesure de traverser les décennies. Pire, ils réutilisent sans cesse les visages les plus célèbres pour des remakes ou des suites sans intérêt, non pas par nostalgie, mais par manque d’ambition. Ainsi naissent de nouveaux Clowns, de nouveaux Halloween et des séries Scream ou Hannibal, à foison. Bref, on reboote, on élargit un univers, on capitalise sur la facilité.

Outre ce souci créatif, Marvel Studios est symptomatique d’un problème hollywoodien devenu le cancer des blockbusters modernes : la caractérisation des méchants. Lorsque Marvel adapte des méchants tirés des comics, ils sont incapables de les iconiser correctement comme DC à réussir à le faire avec Le Pingouin (inoubliable Danny DeVito) ou Le Joker (prestations magistrales de Heath Ledger et Joaquin Phoenix). Alors, on ne demande pas à Marvel Studios de faire de Yellowjacket ou Malekith les nouveaux Dark Vador. Cependant, un minimum d’effort dans l’écriture dramaturgique et sur les enjeux de ses personnages serait le bienvenu. Un problème d’écriture récurrent qui n’est, bien entendu, pas seulement lié à Marvel Studios mais qui me paraît être le bon exemple pour comprendre et répondre à cette problématique.

1. Les riches industriels et les scientifiques « fous »

Ce sont les antagonistes les moins intéressants du MCU et pour cause, leurs seuls motivations sont le pouvoir et la vengeance. Pour d’autres, il ne s’agissait que de surpasser Tony Stark. S’il y a bien un seul avantage à cela, c’est de mettre en évidence les défauts de Tony Stark afin de lui construire un chemin initiatique qui se conclura par un sacrifice ultime.
Les riches industriels ou scientifiques du Marvel Cinematic Universe comme Aldrich Killian et Mysterio avaient des potentiels immenses mais inexploités par les scénaristes.

La différence, le mal-être, être ignoré/humilié, sont des éléments moteurs et puissants qui transforment les âmes pures et innocentes en êtres malfaisants. Ces souffrances intérieures et refrénées aboutissent dès lors à l’émergence d’une nouvelle personnalité et ce sont ces déclencheurs que les scénaristes oublient le plus souvent de nous raconter puis, de développer. Ils posent les fondations, expliquent en quelques phrases la source de leur motivation sans jamais la retranscrire pleinement au sein du récit. Le manque de reconnaissance de Stark vis-à-vis de Beck, par exemple, et son envie d’être un héros reconnu à l’image d’Iron Man pour mieux détruire son héritage, en faisait un antagoniste de premier choix. Il y avait ce point commun avec Aldrich Killian, modeler leur humiliation pour déconstruire un empire, celui de Stark Industries et, avec lui, celui de l’Amérique (on passera sur le traitement du Mandalrin, une blessure toujours vivace pour beaucoup d’entre nous). Mais dans les deux cas, cette haine envers Tony Stark n’est exploitée pas à son maximum, leurs objectifs ne servant qu’à alimenter des séquences d’actions explosives.

Image : « J’ai pas trop la classe avec mes nouvelles lunettes ? »

Ainsi, tous les thèmes abordés dans Iron Man 3, sur les conséquences de nos actes, le terrorisme, la place de l’Amérique dans le monde et son rôle dans les conflits armés et ceux, plus fondamentaux, de Spider-Man Far From Home, sur le deuil, la trahison d’un père de substitution (la relation Beck-Peter réduite à son strict minimum), le transfert de Peter sur Beck, la question de l’héritage, la notion de l’héroïsme, sont expédiés aussi rapidement qu’un colis Amazon.

En choisissant Jake Gyllenhall dans la peau de Mysterio, on se retrouve dans la même configuration que Kaecilius avec Mads Mikkelsen. Deux acteurs capables de jouer le drame avec une intensité sans pareille mais dont on n’exploite jamais les capacités. Leur proposer si peu de drame à jouer – ce qui aurait augmenté la puissance émotionnelle des films -, est une insulte à leur talent. En réalité, cela pose le problème de la place que l’on souhaite donner aux méchants dans les blockbusters d’aujourd’hui et dans les films de super-héros. Devrait-on leur offrir le même temps d’écran que les héros ou davantage ? Une chose est sûre, sans grand méchant, pas de grandes histoires. Il serait temps de repenser la façon de les traiter et nous, d’être plus exigeant sur la qualité des scénarios.

2. Le cas Kaecilius dans Doctor Strange

Nous parlions d’acteurs capables de transcender leur personnage. Avec un comédien comme Mads Mikkelsen, Kaecilius aurait dû réussir à s’imposer comme un des méchants marquants de cette Phase II du MCU. Malheureusement, la caractérisation de Kaecilius en ont fait un de ces multiples vilains oubliables de chez Marvel Studios, totalement absent de son propre film.

L’amour est la principale source de motivation, que ce soit pour les héros ou les méchants. Chacun est guidé par ses propres émotions. De là émergent des ruptures qui feront que l’on devient une Légende ou le pire des Méchants du 7ème art. Dark Vador étant le parfait exemple de cet amour qui le conduira d’abord vers le côté obscur et l’amènera ensuite à la rédemption.
Marvel a plusieurs fois tenté lui aussi, avec plus ou moins de succès, de donner des enjeux romantiques à ses productions. Le cas de Kaecilius dans Doctor Strange est un de ces nombreux ratages, dans cette tentative de mettre en scène la quête romanesque qu’est l’Amour.

Image : « Regardez mon maquillage, ça me donne un air encore plus vilain ! »

Dans le film, c’est suite à la perte de son fils puis, plus tard, de sa femme Adria, qu’il décida de suivre l’enseignement de l’Ancien pour être capable de surmonter sa douleur. Au fil des années, ne parvenant pas à guérir son chagrin malgré ses compétences, Kaecilius se confronte à l’Ancien qui lui avait promis de trouver la paix intérieure. Il se tourne alors vers les Arts obscurs et notamment vers Dormammu et la Dimension Noire, capable de proposer la Vie Éternelle.

« Le monde devrait être autrement. L’humanité aspire à la vie éternelle, à un monde affranchi du temps parce que le temps ne fait qu’asservir les hommes et les insulte. La mort est une insulte. Doctor, nous ne cherchons pas à dominer ce monde, nous cherchons à le sauver » – Kaecilius.

Le drame de sa vie, cette rancœur, cette haine qui progressivement s’immisce dans son esprit, est passée sous silence. C’est cette représentation de l’amour qui font de Kaecilius un méchant fade, sans envergure, car elle n’est jamais représentée à l’image. Aucun visage ne nous est dévoilé. Aucun flashback pour raconter cette histoire d’amour tragique entre Kaecilius et sa femme. Sur le spectateur, il n’y a donc aucune influence émotionnelle. Comment comprendre la douleur de Kaecilius, les enjeux de ses actions et son rapport au Temps, si le spectateur n’est pas confronté visuellement à son amour, à son deuil ?

Ce schéma narratif et l’absence de flasbacks pour délivrer des moments précieux à la compréhension des enjeux émotionnels des personnages sont répétitifs chez Marvel (et dans le cinéma en général), qui ne prend plus le temps de présenter, de traiter, d’exploiter ses méchants à leur juste valeur. Une « industrie » de vilains, crées à la chaîne au service de productions qui n’a, la plupart du temps, que faire de construire des « blockbusters d’auteurs » comme Sam Raimi (Spider-Man) et Christopher Nolan (Trilogie Dark Knight) ont su les fabriquer en leur temps. La manière de produire a changé et ce changement se reflète dans l’écriture des scénarios et des dialogues, pourtant les squelettes essentiels à toute structure filmique.

Il existe néanmoins quelques contre-exemple, que je développerai dans une quatrième et dernière partie.

3. Gorr, tué par les Dieux Marvel ?

C’est le dernier méchant en date du Marvel Cinematic Universe, Gorr, le Tueur de Dieux, affronte Thor et Mighty Thor dans le quatrième opus des aventures du Viking de l’Espace : Thor : Love & Thunder. Un vilain lui aussi intéressant à analyser, pour comprendre une autre variante des productions Marvel qui plombe la caractérisation de certains antagonistes.
Si la caractérisation de Gorr est la moins bâclée du MCU et que la prestation de Christian Bale semble faire l’unanimité, à juste titre, ce sont deux autres problèmes auxquels est confronté Le Tueur de Dieux. En cause, le montage et le parti pris humoristique de Thor : Love & Thunder.

La perte d’un enfant est toujours un drame et, comme nous l’avons vu précédemment, le deuil peut mener à des actions terribles. Le cas de Gorr est un de ces exemple puisque, abandonné par les Dieux, il décide de se lancer dans une quête vengeresse et de les éliminer un par un. La rage de Gorr, si Christian Bale de par son interprétation parvient à nous toucher au cœur et, est sauvée par un monologue en noir & blanc émouvant, elle manque parfois de puissance. Simplement évoquée une fois (cf. la scène sur la planète noire), sa véritable colère a semble-t-il été coupée au montage, à plusieurs reprises, alors que Gorr devait se confronter à 3 personnages dont Le Collectionneur (Jeff Goldblum), Eitri (Peter Dinklage) et l’actrice Lena Heady (Game of Thrones). Selon Natalie Portman, des « planètes entières » ont même été supprimées du montage final.

Image : Gorr & la « constipation » des Dieux

Nous priver de l’assassinat de quelques Dieux, c’est priver le spectateur d’étapes émotionnelles importantes dans la vie de Gorr et de la douleur qui l’habite et l’anime dans sa quête vengeresse. Tout est édulcoré, pour preuve, cette déclaration de Taika Waititi en conférence de presse : « Parfois, lors du tournage de certaines scènes, avec un peu de recul, on se disait que c’était peut-être trop effrayant pour des enfants ». Erreur fondamentale et à laquelle Marvel Studios succombe à chaque fois. On retire toutes substances effrayantes pour continuer à divertir le grand public et ne pas choquer les enfants. Pourtant, ce qui manque à Gorr, Wanda l’a eu. Ce moment terrible, où la colère la pousse à tuer de sang froid les Illuminati. Une séquence choc que Sam Raimi a su imposer. Pourquoi en déposséder Gorr ? La réponse est Taika Waititi, qui préfère le comique au drame : « Je pense que tout le monde a besoin de se prendre moins au sérieux, je trouve que c’est un peu trop sombre et déprimant en ce moment, ça l’a toujours été ». Avec cette déclaration, on se demandera pourquoi avoir choisi Gorr comme antagoniste de Thor 4 mais également la manière de conjuguer humour et drame avec pertinence.

L’humour, parlons-en. Cet humour auquel on adhère ou non, mais qui vampirise le drame intimiste de Gorr. Les blagues alourdissent le récit, plombent les enjeux émotionnels des personnages – pas seulement Gorr -, et décrédibilisent toutes les scènes émouvantes qui surviennent dans le plan suivant. Ces allers-retours incessants entre humour et drame sont difficiles à dompter. La fin par exemple, ne prend jamais aux tripes, car la lourdeur du film atomise cette séquence censée être le point d’orgue pour Gorr qui voit sa fille ressusciter. D’ailleurs, l’interprétation de Chris Hemsworth achève la scène. Son jeu, pauvre en émotion et en sincérité, est en décalage constant avec la beauté de Gorr.

4. Evil Doctor Strange, Loki, La Sorcière Rouge, Thanos : les anti-héros, l’espoir de Marvel Studios ?

« Je t’aime dans tous les univers » – Doctor Strange.

Un des contre-exemples à ces soucis de narration que j’évoquais plus haut avec Kaecilius, trouve sa réponse dans l’épisode 6 de la série animée « What if… ? » consacré à Doctor Strange. Dans cet épisode, on assiste à la naissance d’Evil Doctor Strange, alors que Stephen tente par tous les moyens de sauver Christine Palmer. C’est son amour pour elle qui le consumera, finira par le corrompre jusqu’à détruire son univers.

L’épisode ne dure que 20 min pourtant, la structure narrative en forme de boucle temporelle permet aux spectateurs de vivre intensément le drame que vit à ce moment-là Stephen, de nous immerger pleinement dans une voie sans issue. En effet, plus il revit les événements, plus nous comprenons que tout ceci est vain, plus sa souffrance devient la nôtre. Un procédé simple mais terriblement efficace. Les conséquences, désastreuses, finissent par déclencher une solitude qui émeut, achevant ainsi une odyssée romantique aux intentions pures. L’amour se dessine ici comme corruption, un mal profond qui se nourrit de la plus belle des substances pour la transformer en une haine monstrueuse.

À mon sens, c’est le contre-exemple parfait au traitement de Kaecilius et c’est ceci que nous aurions dû voir dans Doctor Strange.

Les deux exemples qui suivront sont des cas assez particuliers, puisqu’ils ont pu être développés sur le long terme à travers plusieurs films et séries. Une petite triche qui a permis d’avoir deux des personnages les plus intéressants du MCU : Loki et La Sorcière Rouge.
Nous parlions d’amour, mais l’amour familial est aussi au cœur de multitudes de drames. Dans le cas de Loki, il est la cause de sa déraison et de sa folie dans les premiers films du MCU (ThorAvengers…). Loki, persuadé que Thor est le fils préféré d’Odin et Frigga, s’obligera à vouloir devenir meilleur que son frère, au point de faire des mauvais choix et de massacrer des vies entières. Le mensonge d’Odin sur sa véritable identité contribuera également à forger la haine de Loki. Sa rédemption se construit en plusieurs étapes. C’est ce qui est fascinant avec ce personnage puisque le spectateur assiste à tous ses états, ses manipulations, ses mensonges, ses désirs de domination, puis, lentement, perçoit ses failles, jusqu’à sa rédemption. Elle débutera progressivement dans Thor : Le Monde des Ténèbres et cette première confrontation psychanalytique avec sa mère Frigga. Mais c’est bel et bien sa relation avec son frère Thor qui, inconsciemment, le sauvera. Car le Dieux du Tonnerre n’a jamais abandonné l’idée que son frère avait du bon en lui. À aucun moment Thor ne trahit Loki, va même jusqu’à lui accorder sa confiance, son respect. C’est un complet important dans sa quête de rédemption. Elle se poursuivra dans Ragnarok, avec le décès de son père et la destruction d’Asgard, avant de trouver sa plus belle conclusion dans un dernier tour de passe passe contre Thanos dans Infinity War. C’est ce qui fait toute la beauté de Loki, la multiplicité de ses apparitions, chaque fois différente et que les scénaristes ont pris soin de construire intelligemment.

Un dernier souffle satisfaisant pour ce Loki, néanmoins incomplet. C’est la version alternative de Loki, « créé » dans Avengers Endgame, qui est sûrement la plus intéressante puisque c’est dans cette dimension parallèle que le Dieu de la Malice rencontre et parle enfin d’Amour.

L’amour est une dague. C’est une arme à manier de loin ou de près. On se voit dedans. Jusqu’à ce qu’on saigne. Mais finalement, quand on l’attrape…
– Ce n’est pas réel.
– Loki et Sylvie.


Si ce Loki n’a pas connu les événements après Avengers, son problème reste le même. Un manque de reconnaissance, d’amour, une frustration constante face à ses échecs. Sa quête d’amour et de rédemption trouvera une nouvelle conclusion dans la série « Lok ». Par étape.
Dès son arrivée au TCA, Loki visionne les images de sa vie future après Avengers. Il entrevoit les décès de son père et de sa mère, la destruction d’Asgard et sa propre mort des mains de Thanos. Un choc pour ce Loki qui n’a encore jamais vécu ces instants. Une première graine qu’implante Mobius (Owen Wilson) dans la conscience de Loki : « Vous n’êtes pas né pour être roi. Vous êtes né pour causer de la douleur, de la souffrance et la mort. C’est comme ça, c’était comme ça, c’est comme ça que cela sera. Tout ceci pour que les autres puissent devenir leurs meilleures versions d’eux-mêmes ». Réplique cinglante de Mobius qui nous rappelle que Thor fut à nouveau digne de son marteau grâce à Loki, que les Avengers se sont unis grâce à Loki et que le chemin emprunté par le Dieu de la Malice n’obtiendra jamais une seule victoire.

Sa prise de conscience, elle va donc se bâtir par ses multiples joutes verbales avec Mobius, avec la mission que ce dernier lui confie mais surtout de sa rencontre avec Sylvie, dont la complicité, l’alchimie, le poussera à se transcender allant même jusqu’à la confidence et des gestes romantiques. L’épisode 3 en est le reflet avec cette discussion sur l’amour, où les scénaristes se surpassent à coup de figures de styles entre métaphore et oxymore. Chacun évoque ses échecs sentimentaux et sa vision de l’amour : « Peut-être que l’amour est la haine » déclare Slyvie. La haine, c’est bien ce qui rapprocheront au départ ces deux êtres, avant de tomber amoureux. La trahison de Sylvie en sera plus douloureuse pour Loki, un poignard dans le dos qui le ramène à leur discussion : l’amour n’est-il qu’une illusion ?

Pour définir le parcours de Loki, nous pourrions nous arrêter sur une phrase prononcée par le fils d’Odin dans la série : « Aucun bon n’est jamais vraiment bon, et aucun mauvais n’est jamais vraiment mauvais ». Il y a chez Loki, un côté Shakespearien, à la fois dans sa personnalité et ses drames. Avec cette réplique, il nous fait réfléchir à notre propre condition, à notre propre humanité. Finalement, Loki ne serait-il pas notre reflet dans le miroir ?
Ce sont la somme de toutes ses caractéristiques, toutes ses ambiguïtés, ses envolées lyriques et poétiques, qui font de Loki un anti-héros attachant, que les fans adorent.

« Qu’est le deuil sinon l’amour refusant de s’éteindre » – Wanda.

Cette réplique tirée de la série WandaVision résume parfaitement le parcours intime de Wanda depuis la mort de Vision dans Avengers Infinity War. C’est cette réplique qui va la guider jusqu’à Doctor Strange in the Multiverse of Madness.
Le thème du deuil est récurrent chez Marvel, plusieurs films/séries l’abordent (Doctor StrangeCaptain America : Le Soldat de l’HiverSpider-Man Far From HomeHawkeye…) avec plus ou moins de réussite. Toutefois, c’est la série WandaVision qui l’exploite de tout son potentiel avec une véritable profondeur. La perte de l’être aimé est la conséquence d’une fureur dont Wanda ne parvient pas à se débarrasser, comparé aux autres Avengers qui semblent eux, avancer et continuer de vivre. Mais avec des pouvoirs quasi-illimités, Wanda sait qu’elle peut parvenir à retrouver le bonheur perdu. Malheureusement, cette fureur causée par la mort de Vision et son obsession pour garder sa famille en vie, déchirera sa partie humaine pour laisser place à une créature maléfique La Sorcière Rouge, un alter-ego impitoyable (cf. scène entre Charles Xavier et Wanda, Doctor Strange 2). Si la série est traitée sur un ton très léger sur les premiers épisodes, en tant que spectateur nous savons que tout ceci est faux. Ainsi, les scénaristes nous prennent en otage entre notre envie de participer à cette sitcom décalée, de rire avec les protagonistes, et notre compassion pour la souffrance de Wanda. Le jeu d’Elisabeth Olsen est à ce rythme, à la fois tout en retenu ou en légèreté et en violence.

Sa rédemption, elle la trouvera dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness dans une scène propre au cinéma de Sam Raimi, le sacrifice de son « antagoniste ». Une scène qui n’est pas sans rappeler celle du Doctor Octopus dans Spider-Man 2, où ce dernier fait tomber sur lui le bâtiment où il avait pris ses quartiers, afin de sauver la ville de New-York d’une explosion. Une séquence symbolique car, en détruisant le Sanctuaire sur elle-même, Wanda enterre définitivement La Sorcière Rouge et sa peine. Une façon de dire au revoir à Vision, de tourner définitivement la page de cette histoire d’amour et de sa maternité.

« Parfaitement équilibré. Comme tout être devrait l’être » – Thanos.

À bien des égards, Thanos pourrait être considéré comme le grand héros de l’Univers Marvel. Né sur le planète Titan, il a vu sa planète subir un changement cataclysmique. Alors que la planète était surpeuplée et que ses habitants manquaient de ressources, Thanos recommanda d’exterminer la moitié de la population pour sauver l’autre. Traité de fou et exilé, la planète mourra. Une idée qui le guidera toute sa vie et déterminera sa quête des Pierres de l’Infini. Si cet exil et la mort de Titan aurait pu nous être montré – comme Zack Snyder a su le faire dans Man of Steel avec Krypton -, toujours dans un souci de cerner davantage les émotions et les motivations des antagonistes, Thanos a suffisamment de présence et de prestance pour s’imposer comme le méchant que les fans attendaient depuis 10 ans. C’est aussi ce teasing et ses différents caméos dans d’autres productions, qui ont su susciter l’intérêt pour Thanos et lui offrir la place sur le podium au Panthéon des méchants cultes du 7ème art. Une grande toile narrative tirée de l’imaginaire de Kevin Feige, qui a fait ses preuves dans cette saga de l’Infini.
Mais l’intelligence des scénaristes sur Infinity War a été de conjuguer ses motivations en parallèle à ce que nous sommes nous confrontés dans la vie réelle. Encore plus en 2022. Cette crise des ressources qu’évoque Thanos et sa manière de vouloir la résoudre amène à nous demander constamment s’il est l’antagoniste d’Avengers 3 ou un bienfaiteur ? Cette ligne, ambiguë et floue, apporte à Thanos une sensibilité insoupçonnée que les scénaristes ont su mettre en lumière et en valeur. Il ne cherche ni le pouvoir, ni à dominer des galaxies entières ou même à devenir un Dieu comme on pouvait le croire lors de ses premiers apparitions dans le MCU mais simplement à sauver l’univers d’une auto-destruction. De plus, le film nous interroge aussi sur une question élémentaire et qui résonne avec cette réplique de Thanos « Les choix les plus difficiles nécessitent les volontés les plus fortes », doit-on continuer à ignorer les problèmes de l’Humanité ou doit-on commencer à prendre mesures radicales, qui ne feront sans doute pas l’unanimité, mais permettront de sauver la Terre ? Et c’est parce que Thanos aime par dessus tout son univers, qu’il est prêt à tous les sacrifices…

Sa relation avec Gamora, le sacrifice que Thanos doit orchestrer pour récupérer la Pierre de l’Âme est également ce qui rend le personnage attachant aux yeux du public. Ses larmes pour sa fille adoptive mais sa détermination pour accomplir sa mission, font de Thanos un être à la fois profondément humain et terrifiant de volonté. Rien ne l’arrêtera. Avec ce sacrifice, les scénaristes impose Thanos comme l’être le plus dangereux de l’univers Marvel.

Le Thanos d’Avengers Endgame a également été décrié par de nombreux fans qui n’ont pas retrouver la subtilité et la compassion dont il pouvait faire preuve dans Infinity War. Le film fut, en réalité, mal interprété. Endgame n’avait pas les mêmes objectifs. Cette seconde partie a toujours été écrite et pensée comme un voyage, une rétrospective de 10 années au cœur du MCU. Ainsi, on replonge dans les temps forts d’Avengers, de Thor : Le Monde des Ténèbres ou encore Les Gardiens de la Galaxie. Bien sûr, Thanos en pâtit. Il est davantage délaissé et de là née la frustration des fans. Toutefois, sa détermination, sa force et son abnégation sont toujours présentes, avec une violence décuplée dans le propos et cette réplique qui vient se nouer avec la précédente, affirmant qu’il ne fera plus aucune concession : « Tant qu’il y aura ceux qui se souviendront de ce qui était, il y aura toujours ceux qui seront capables d’accepter ce qui peut être. Ils résisteront ». Là aussi, il questionne : Les Avengers auront ramené tout le monde à la « maison » mais la Terre ne sera-t-elle pas condamnée comme Titan autrefois ? Un retour en arrière, qui pourrait coûter cher. Il aurait été d’ailleurs pertinent, au début d’Endgame, d’avoir un groupuscule ou des gouvernements pro-Thanos, ayant compris et accepté ce nouveau statut-quo.

Conclusion

Ronan, Ego, Xu Wenwu, Hela, Ultron, Crâne Rouge, Le Vautour… la liste est longue et une analyse encore plus complète serait passionnant mais, les quelques exemples reflètent, à mon sens, les pires défauts d’écriture chez Marvel Studios et, de façon générale, sur les blockbusters du XXIème siècle, où les méchants n’ont plus le charisme, ni la pertinence d’antan. Cependant, Marvel Studios peut compter sur des anti-héros de qualité comme Loki, La Sorcière Rouge et même Le Punisher afin de compenser la médiocrité du reste. Attention toutefois à ne pas trop capitaliser sur des figures célèbres du MCU tel que Loki pour éviter le lissage d’une personnalité, d’un caractère que les fans apprécient. Hollywood a déjà commis l’erreur à de multiples reprises. Le piège est réelle !

Et vous, quel est votre méchant préféré du MCU ?

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