CHAMPION : ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE MONA ACHACHE : « La lecture a été un terrain d’émancipation indispensable pour moi »

Le 5 septembre, TF1 diffusera son nouvel unitaire, « Champion » avec Kendji Girac. Un premier rôle à l’écran pour le chanteur qui incarne ici Zack, un jeune homme illettré. La réalisatrice de Champion, Mona Achache, revient sur la préparation de Kendji, le style de réalisation qu’elle souhaitait pour parler de l’illesttrisme et sur quelques éléments clés de l’histoire du téléfilm.

Synopsis :
À 24 ans, Zack a toutes les apparences d’un jeune homme bien dans sa peau. Son secret est bien gardé. Menuisier de talent, il construit des cabanes perchées dans les arbres avec son père. Mais sa passion, c’est la boxe, qu’il enseigne bénévolement. Zack envisage de s’installer avec Marjorie quand son père fait une mauvaise chute et tombe dans le coma. Il doit faire face, seul, à la tête de la petite entreprise familiale. Les lacunes qu’il pensait avoir surmontées refont surface, et alors qu’une nouvelle venue, Inès, entre dans sa vie, son secret risque à tout moment d’être révélé : Zack est illettré.

Naissance du projet

Ce n’est pas la première fois que TF1 s’empare de sujets sociétaux forts, qui font l’actualité. Avec Champions, la chaîne aborde le sujet de l’illetrisme, un handicap souvent invisible et qui touche pourtant 2,5 millions de personnes en France, âgées de 18 à 65 ans, soit 7% des personnes ayant été scolarisées. La réalisatrice Mona Achache nous raconte la genèse du téléfilm : « Kendji avait reçu plusieurs propositions de rôles au cinéma et à la télévision qu’il avait déclinées car il attendait une histoire qui lui tienne réellement à cœur. Il y a eu une rencontre avec lui, la productrice Fabienne Arbelot et TF1 et, il a émis l’envie de réfléchir sur le sujet de l’illettrisme. Une cause qu’il avait envie de défendre. TF1 et la productrice ont donc développé un sujet en partant de ça et sur lequel je suis arrivée ensuite. Champion est né de l’initiative de Kendji ».
Un thème que Mona Achache n’avait encore jamais traité dans ses films précédents mais qui trouve un écho dans sa vie personnelle : « C’est un sujet qui me touche car je connais des personnes proches de moi qui avaient des grands handicaps de lecture. Je fais partie des personne pour qui, en l’occurrence, la lecture a été un terrain d’émancipation indispensable. Je me suis construite avec la lecture. Me plonger dans ce sujet et mesurer l’empêchement que représente l’impossibilité de lire m’a passionné ».

Dans Champion, Kendji incarne le rôle de Zack. Menuisier et passionné par la boxe qu’il enseigne, Zack, à défaut d’utiliser le verbe, utilise ses mains pour orchestrer sa vie. Travailler le corps, un joli procédé pour parler de l’illettrisme, qui se répercute sur la réalisation de Mona Achache dont elle explique ses choix de mise en scène :

« J’avais envie de m’emparer de ce sujet d’une façon très intérieure, même de filmer Kendji de manière charnelle, sensuelle. De voir comment aussi son personnage développe des sens extérieurs. Zack est très doué manuellement mais je voulais le faire vivre de manière très sensorielle, comment il voit le monde, comment on voit le monde lorsqu’on ne sait pas lire, comment on ressent, touche les choses. C’était tout un travail sur le corps. C’était très intéressant car Kendji est très soigné dans son image de chanteur, il est très apprêté et j’avais envie de l’emmener vers un personnage d’homme plus sauvage. Et de le filmer, encore une fois, de façon sensorielle. Tout est du point de vue du personnage de Zack, il n’y a jamais un moment où on le quitte pour aller voir le point de vue d’un autre protagoniste. On est tout le temps avec lui et, j’ai l’impression que cela a imposé aussi une manière de le filmer et d’écrire le personnage, plus intérieure ».

Kendji, la révélation

Régime alimentaire, entraînement sportif régulier et cours de boxe mais aussi d’interprétation deux mois avant le tournage, Kendji s’est donné les moyens de réussir son entrée dans le monde de l’acting. Un pari réussi. Le chanteur émeut par sa sincérité, la pudeur de son jeu et l’intensité de ses propositions : « Je pense que c’était vraiment en lui. Nous avons eu un chemin de travail très heureux qui s’est forgé sur un rapport de confiance entre nous deux. Je verbalise beaucoup les choses, lui, moins. Et je lui parlais énormément. Je pense que pour un premier passage à l’acte de jouer, sur un rôle qui l’engageait de façon intime, il fallait ce chemin d’absolue confiance, de conversations constantes, de fusion pour l’amener à se dévoiler. Kendji est une personne pudique. Il faut laisser vivre ses émotions et ce n’est pas évident. Il était magnifique car il n’a pas peur d’être ridicule, ce qui aurait été un encombrement terrible pour jouer. Je le voyais prendre du plaisir à s’emparer de toutes ces émotions qui ne sont pas spontanément les siennes mais celles de son personnage. […] C’est un acteur sublime et en cohérence avec son travail de chanteur. Il est honnête sur ce qu’il est, authentique et généreux. Des qualités fondamentales pour être acteur, et il les a pleinement. Puis, il a un sens de l’engagement. Ce n’est pas rien le chemin qu’il a fait vers ce téléfilm, de vouloir parler de l’illettrisme, de s’impliquer lui aussi personnellement avec son histoire, de travailler son corps, d’apprendre à jouer… Il mérite ce qu’on dit de lui aujourd’hui ».

Cette pudeur, elle explose dans une séquence verbale violente entre Zack et son meilleur ami (extrait bande-annonce). Une scène poignante qui révèle un Kendji méconnaissable : « Nous voulions montrer ici la pudeur de ce personnage, lié à un secret. Il dissimule son illettrisme et ça devient un complexe. Ça devient une manière de taire ce qu’il est vraiment, en permanence, de composer avec les gens, les situations pour cacher au quotidien son handicap. C’est un jeu entre la retenue, le complexe et le non-dit. Il fallait à un moment que le personnage éclate. Kendji a joué cela magnifiquement ».

Idylle amoureuse & Sport de combat

Si au début du film Zack est en couple avec une jeune influenceuse, sa rencontre avec Inès et son petit frère va bouleverser sa vie. Le début d’une idylle qui sera, au fur et à mesure, un point essentiel dans la construction narrative et personnelle de Zack :

« L’histoire de Champion est aussi celle d’une rencontre et d’une ouverture vers l’autre. Zack va rencontrer cette fille, Inès. Au départ, leurs rapports vont être complexes et ils vont passer l’un à côté de l’autre. Finalement, ils vont se retrouver grâce au petit frère de cette jeune femme qui va renvoyer le personnage de Zack à sa propre enfance, à sa scolarité saccadée, à l’origine de son illettrisme. Inès, elle, lit énormément. Va naître ce trio complexe, joli, gorgé de tendresse et d’ouverture vers l’autre. Ils vont s’apporter beaucoup mutuellement ».

La boxe a une place importante dans la vie de Zack. Ancienne gloire de la boxe, Zack est passé à côté d’une grande carrière de boxeur. Désormais, il continue d’enseigner sa passion notamment à des jeunes femmes désireuses aussi de savoir se défendre. Deux histoires se greffent ainsi habilement à l’intrigue principale du téléfilm mais toujours avec ce point commun, celui de l’affranchissement : « La boxe incarne plusieurs choses. Tout d’abord, c’est un défouloir pour lui. Il étouffe à l’intérieur avec son secret. La boxe est donc un exutoire. Il aurait dû être champion de boxe mais il a été empêché pour des raisons qui, on s’en rend compte, liées à son illettrisme. Il est devenu professeur. Il y a alors toute cette histoire autour de la transmission, pour les enfants et pour ce groupe de femmes boxeuses. Il y a alors ce sous-thème sur comment la boxe peut aussi être un terrain d’émancipation pour les femmes aujourd’hui… On voulait aborder la boxe sur un terrain de violence et de délicatesse dans la façon d’enseigner et de pratiquer, que ça puisse tout raconter de lui ».

Champion sera diffusé ce lundi 5 septembre sur TF1.

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