CITOYEN D’HONNEUR : ENTRETIEN AVEC L’ÉQUIPE DU FILM (MOHAMED HAMIDI, FATSAH BOUYAHMED, BRAHIM BOUHLEL)

Le 25 août dernier, le Méga CGR de La Rochelle organisait une avant-première du nouveau film de Mohamed Hamidi, Citoyen d’Honneur. Les comédiens Fatsah Bouyahmed et Brahim Bouhlel étaient également présents. En salles le 14 septembre prochain, les trois hommes sont revenus sur cette comédie émouvante, nostalgique, entre confessions et souvenirs de tournage avec une anecdote très drôle sur Kad Merad.

Synopsis :
Samir Amin est un écrivain comblé, Prix Nobel de littérature, qui vit à Paris, loin de son pays natal, l’Algérie. Il refuse systématiquement toutes les invitations qui lui sont faites. Jusqu’au jour où il décide d’accepter d’être fait « Citoyen d’honneur » de Sidi Mimoun, la petite ville où il est né. Mais est-ce vraiment une bonne idée que de revoir les habitants de cette ville, qui sont devenus, d’année en année, les personnages de ses différents romans ?

Citoyen d’Honneur, une comédie aux airs révolutionnaires ?

« Effectivement, je ne sais pas si avec ce scénario-là, j’aurai pu tourner ce film en Algérie » – Mohamed Hamidi.

Citoyen d’honneur est le remake d’un film argentin El ciudadano ilustra (2016). Réalisé par Mariona Cohn et Gaston Duprat, le film racontait l’histoire d’un écrivain argentin, qui retournait chez lui en Argentine après 40 ans d’exil en Espagne. Le réalisateur Mohamed Hamidi, ayant toujours conçu des scénarios originaux, souhaitait produire un remake à son image, qui lui ressemble : « Ce sont des producteurs qui sont venus me trouver avec cette idée.[…] J’ai accepté à condition de pouvoir y ajouter une touche personnelle : que l’action se déroule en Algérie, d’intégrer de nouveaux personnages comme celui interprété par Fatsah Bouyahmed qui n’existe pas dans la version originale… J’ai essayé de faire un film qui corresponde à mon univers » confie-t-il. Le remake est toujours un exercice compliqué. Un exercice qu’il a abordé d’une manière intelligente : « Pour préparer ce film, j’ai vu et revu la version argentine, je l’ai décortiquée. C’est intéressant parce qu’en faisant cela, on peut ensuite s’en éloigner totalement, c’est l’intérêt d’un remake, la liberté de garder ou de ne pas garder. Nous, nous avons conservé l’idée principale et quelques petites choses comme des vannes qu’on a rhabillées à notre sauce ».

« Lorsqu’on fait du cinéma, notre mission n’est pas que de divertir »Mohamed Hamidi.

Le tournage du film a eu lieu au Maroc, une terre d’accueil pour le cinéma mondial de plus en plus prisée et notamment par les Américains. Mohamed Hamidi, qui a tourné ses deux premiers films là-bas, connaît donc parfaitement les équipes de production sur place. Une marque de confiance qui s’est installée au fil des années. Néanmoins, tourner en Algérie aurait été plus compliqué au vu des sujets abordés dans Citoyen d’Honneur.

La comédie dénonce, en effet, les traditions archaïques d’un pays où la jeunesse tente de soulever un mouvement d’émancipation et de liberté : « Effectivement, je ne sais pas si avec ce scénario-là, j’aurai pu tourner ce film en Algérie. En même temps, je n’ai pas l’impression qu’on raconte des choses très nouvelles. Toutefois, c’est pareil qu’au Maroc. Notre scénario est lu par une commission et c’est elle qui choisit si nous pouvons tourner notre histoire ou non, chez eux. Mais je reste très content de raconter cette histoire, peu importe l’endroit où elle a été tournée ».

Un film qui insuffle beaucoup d’espoir. Et c’est une des missions de Mohamed Hamidi en tant que cinéaste, réaliser des œuvres pour communiquer des convictions fortes : « Lorsqu’on fait du cinéma, notre mission n’est pas que de divertir. Pour ma part, je ne fais pas de cinéma que pour ça. Si on peut aussi partager des idées, des valeurs, alors le pari est réussi. J’aime l’Algérie (j’aimerais y aller plus souvent), la jeunesse algérienne et, quand je rencontre des jeunes là-bas, ils ont plein d’envie, plein de rêves. Dans « Citoyen d’Honneur », je cite deux de ses rêves, notamment au travers le personnage de Medhi, incarné par Brahim Bouhlel, et de Selma, joué par Oulaya Amamra, deux profils différents, un jeune écrivain et une jeune rappeuse et, on a envie que ce soit eux qui prennent les rênes du pays ».

Pour le comédien Brahim Bouhlel (Validé), qui interprète le rôle de Medhi, un jeune étudiant qui aspire à devenir écrivain, son personnage est emblématique de cette jeunesse algérienne qu’évoquait Mohamed Hamidi : « J’ai adoré jouer Medhi car c’est le visage de l’Algérie d’aujourd’hui. C’est-à-dire que nous sommes là, nous existons et nous faisons tout pour garder la tête haute ».

Kad Merad est Samir Amir

« J’ai rencontré beaucoup d’acteurs de sa génération et Kad, il a réellement du plaisir à travailler, à transmettre » – Fatsah Bouyahmed.

C’est Kad Merad qui incarne ici Samir Amir, écrivain exilé en France. 35 ans plus tard, après avoir reçu le Prix Nobel de Littérature, il accepte de revenir dans le petit village de son enfance, Sidi Mimoun, où la ville souhaite l’ériger au rang de Citoyen d’Honneur. Un personnage inspiré de sa propre histoire, d’une ancienne connaissance – qui a marqué sa vie étudiante – et de plusieurs écrivains :

« J’écoutais la bande-annonce du film à la radio et il y a une phrase que prononce Oulaya : « Est-ce qu’on peut bien raconter un pays quand on habite à l’extérieur ?». C’est une question que je pourrais me poser à moi-même. […] Je suis un ancien professeur d’économie et, lorsque j’étais étudiant, j’adorais un économiste qui s’appelait Samir Amin. C’était donc une sorte d’hommage à cet économiste, décédé aujourd’hui. Il n’était d’ailleurs pas loin d’avoir le Prix Nobel d’Économie. En terme d’écrivains, je me suis inspiré d’auteurs qui ont aujourd’hui une soixantaine d’années, Yasmine Khadra, Kamel Daoud, Boualem Sansal, Amin Maalouf, tous ces écrivains exilés, qui font les belles heures de la littérature francophone. Ce sont eux mes inspirations ».

Et tout le monde tarit d’éloges sur Kad Merad. En premier lieu Brahim Bouhlel pour qui, donner la réplique à Kad, était une expérience enthousiasmante : « C’est magnifique de tourner avec Kad. Il a été là pour me guider sur certaines scènes. Franchement, c’était un immense plaisir de jouer avec lui. Parfois, je le regardais et je me disais que j’ai de la chance d’être en face de ce géant du cinéma. Kad est très protecteur. […] On a un stress et on ne réalise pas. Mais on apprend beaucoup à ses côtés, sur la manière de réviser ton texte, de l’apprendre, etc ». Mais c’est surtout sa manière d’être, son savoir-être sur un plateau que souligne le réalisateur Mohamed Hamidi : « Kad est très technique. Il sait exactement ce qu’on va faire, comment se placer, où est la lumière, etc. Kad est une star, mais il reste naturel et tout le monde sur le plateau l’est aussi. Il ne s’énerve jamais quand il y a du retard par exemple. Il est patient. Donc, les techniciens sur place sont sereins. Ils ne sont pas stressés parce que la star est énervée. Ça met une bonne humeur ».

Fatsah Bouyahmed lui, se remémore le tournage du film avec Kad Merad, au travers une anecdote hilarante :

« Au début du tournage, nous avions des voitures différentes pour aller sur le même lieu, à la même heure. Je propose à Kad qu’on partage une seule voiture. Il accepte. Mais il impose une condition, ne pas être en retard. Je n’ai été en retard qu’une seule fois, l’avant-dernier jour du tournage, de quatre minutes. Il a pris 10 minutes pour me faire un pitch : « Tu vois les quatre minutes qu’on perd là, c’est 4 minutes dont j’aurais pu profiter pour prendre un café, etc… Et puis, c’est 4 minutes là, nous allons les reperdre à la fin de la journée. Et donc à la fin de la journée, nous aurons 4 minutes de moins de plaisir ». Je l’écoutais. Puis, je lui dis : « On viens de perdre 10 minutes » (rire). Ça me pendait au nez ».

Puis, il compare : « J’ai rencontré beaucoup d’acteurs de sa génération et lui, il a réellement du plaisir à travailler, à transmettre. C’est un vrai acteur. Kad, il dit bonjour à tout le monde, même aux passants. Ce n’est pas le cas de tous les acteurs ».

Fatsah Bouyahmed alias Miloud, un rôle d’appui d’une grande splendeur

Pour accompagner Samir Amir dans son odyssée rétrospective et révolutionnaire, Mohamed Hamidi a donc créé le personnage de Miloud, un père de famille bien sur tous rapport mais quelque peu maladroit et bavard. Élément comique indéniable du film, l’acteur Fatsah Bouyahmed décrit lui son personnage ainsi : « C’est un protagoniste qui a beaucoup de bonhomie parce que c’est tout ce qu’il a ». Ces rôles, Fatsah les connaît bien. Ce n’est pas la première fois qu’il les incarne. Depuis des années, au cinéma ou au théâtre, il les a apprivoisés, complètement appréhendés : « J’ai déjà pratique ce type de personnages dans d’autres films. Un peu différemment mais surtout avec des acteurs différents. Lorsqu’on fait le faire-valoir, comme on dit au théâtre, on s’adapte au rythme de celui qui est en face, en l’occurrence ici, Kad Merad. Puis, c’est quelque chose qui fait partie de moi. J’ai été formé au théâtre, en tant que serviteur. C’est un peu la psychologie du personnage qui prend la confiance. C’est-à-dire que si on ne lui dit pas de s’arrêter, il en rajoute. Jusqu’à à ce qu’on lui dise « stop ». Là, il revient à son statut initial. […] Si on est l’élément comique, on l’est. C’est pour contraster avec son maître. Il faut jouer sans attendre les rires. Il faut jouer le naturel. Sur le moment d’ailleurs, ce n’est pas forcément comique. C’est dans la lecture du film qu’on se rend compte que ça l’est ».

Oulaya Amamra, rebelle et fière de l’être

« J’aime que les acteurs arrivent avec des propositions et ça a été le cas avec Brahim et Oulaya. Ça rend le film plus fort » – Mohamed Hamidi

Autre actrice d’envergure de Citoyen d’Honneur, la comédienne Oulaya Amamra. Elle joue là le rôle de Selma, une étudiante rebelle, qui ne mâche pas ses mots et exprime sa colère ainsi que son désir ardent de changer la politique algérienne en chanson, avec le rap. Révélée dans le film d’Houda Benyamina, Divines, pour lequel elle a reçu le César du Meilleur Espoir Féminin, Oulaya Amamra incarne brillamment cet espoir, cette renaissance tant attendue par la jeunesse.

C’est d’ailleurs dans Divines que le réalisateur Mohamed Hamidi a « flashé sur elle » et il ne le regrette pas : « C’est un rôle difficile et il fallait trouver la bonne actrice, capable de porter un personnage comme celui-ci mais qui soit également crédible en étudiante et en rappeuse. Oulaya a travaillé pendant des semaines, c’est une grande bosseuse. Le rap, nous l’avons écrit ensemble. Elle a énormément répété. Elle est arrivée sur le tournage remontée à bloc et elle a été impeccable. C’était une vraie surprise. Ce que j’aime avec les acteurs, c’est lorsqu’ils vous emmènent le rôle un peu ailleurs. Que ce soit Brahim ou Oulaya, ils ont poussé les curseurs. On aurait pu les considérer comme des rôles annexes, je n’aime pas ce terme de « rôle secondaire » parce que ça n’existe pas. Quand on réalise un film, il y a des comédiens et c’est tout. J’aime que les acteurs arrivent avec des propositions et ça a été le cas avec eux deux. Ça rend le film plus fort ».

Si Selma provoquera un changement chez Samir, une prise de conscience, au départ, le personnage n’était pas censé être celui présenté à l’écran, comme nous l’explique Mohamed Hamidi : « Au début du projet, son personnage était divisé en deux, il y avait une étudiante qui malmenait Kad et, une rappeuse, qu’il découvrait dans un concours de musique. Un jour, avec mon scénariste, nous nous sommes posé la question de pourquoi ne pas en faire qu’un seul et unique personnage ».

Citoyen d’Honneur sortira le 14 septembre prochain au cinéma.

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