À quelques jours de l’ouverture de la nouvelle édition du Festival de la Fiction de la Rochelle, le Président Stéphane Strano s’est confié sur ses ambitions, la programmation, l’avenir de la création audiovisuelle française ou encore l’arrêt de la quotidienne Plus Belle la Vie.
Dans quelques jours, une nouvelle édition du Festival de la Fiction va démarrer. Quelles sont vos ambitions pour cette année ?
L’ambition d’accueillir toute la profession, l’ambition de pouvoir accueillir beaucoup de festivaliers, l’ambition d’avoir du soleil (rire). Nous avons une grande ambition pour cette année car nous venons de traverser une période qui a été assez terrible pour tout le monde et, désormais, nous sommes libres d’organiser cet événement sans contrainte. Je n’ai pas connu beaucoup d’années sans restriction. J’ai commencé mon mandant de président avec l’état d’urgence puis, il y a eu la crise sanitaire. Cette année est une année sans restriction et nous comptons bien en profiter au maximum pour organiser cet événement de manière la plus agréable et la plus libre possible.
Il y a une ambition écologique aussi…
C’est une réflexion qui est née depuis plusieurs années. Cela a démarré avec une prise de conscience du festival qui était de concevoir quel était notre impact écologique et le bilan n’était pas satisfaisant. Nous avons mis en place plusieurs choses pour répondre à cette nécessité absolue et simple en réglant nous-mêmes nos problèmes. Nous éditions, par exemple, trop de papiers. Donc, plutôt que de créer ces choses-là, nous avons dématérialisé. Dans la foulée, nous avons retiré le village du festival et trouvé des formules moins impactantes écologiquement.
Je crois qu’aujourd’hui, le festival respecte l’environnement. Puis, nous sommes dans une ville qui nous permet d’approfondir cette réflexion puisque La Rochelle est une ville phare de l’écologie. Prochainement, à l’horizon 2030, elle sera une ville zéro carbone. Moi-même, en tant que producteur indépendant, j’ai tenté de convaincre l’ensemble des professionnels de cette nécessité. Nous avons aussi été aidés par le CNC, qui poursuit son travail sur la réflexion écoresponsable avec des tables-rondes et des professionnels, qui sont sensibles à cette question et organisent des tournages écoresponsables. Nous avons tous un intérêt à penser de cette façon.
« La fiction, en dehors de son financement public, est en pleine expansion, et je suis convaincu quel trouvera un chemin d’expression qui ne l’empêchera pas de progresser ».
Au niveau de la programmation, à quoi peuvent s’attendre les festivaliers ?
On va parler de plaisir, de variété, de diversité, d’ouverture, d’augmentation du niveau. Marc Tessier, ancien Président de France Télévisions, a remarqué des propositions hautement variées, largement diversifiées. Il y a quelques années, nous souffrions d’une sur-représentation du polar et c’est terminé. Quelque chose s’est déverrouillé. En découvrant la sélection, les gens s’apercevront que c’est une évidence. Que ce soit en France ou à l’étranger, nous abordons désormais tous les sujets, de toutes les manières possibles. C’est un bel enrichissement.
La programmation de France Télévisions cette année est originale et audacieuse. Avec la suppression de la redevance télé, vous pensez que la qualité des fictions et des sujets abordés seront impactés ?
C’est difficile de répondre à cette question. Sur la redevance, il n’y a plus rien à dire puisque la loi a été votée et actée. C’est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. Je ne peux pas vous répondre sur la manière dont sera organisé le replacement de ce financement même si le Président semble avoir une idée très précise. Ce que je sais, c’est que la fiction, en dehors de son financement public, est en pleine expansion, et je suis convaincu quel trouvera un chemin d’expression qui ne l’empêchera pas de progresser. […] Il me semble, à titre personnel, que la loi a été précipitée et certainement liée à l’élection présidentielle. D’un point de vue purement professionnel, je n’aurai pas agi ainsi. Mais la demande de fictions est telle, la nécessité pour une chaîne de télé d’avoir de la fiction et d’augmenter considérablement son audience grâce et uniquement à la fiction – la fiction est leader et emporte les audiences vers le haut – elle ne sera pas impactée par ce changement de redevance.
C’est Sandrine Bonnaire qui sera Présidente du Jury, cette année. Une actrice que vous rêviez d’avoir au Festival en tant que Présidente…
C’est une artiste complète, une figure française qui est incontournable, ce sont des films cultes et des interprétations sublimes. En effet, j’avais envie de confier une réflexion à cette artiste qui me semblait tout à fait choisie pour enthousiasmer la profession par son regard précis, son expérience et, je sais que les professionnels attendent beaucoup de cette femme. Je suis avant tout un spectateur, un fan de télévision et de cinéma et, Sandrine Bonnaire, a eu une carrière qui donne envie de lui laisser le soin de regarder la sélection et de dessiner à travers celle-ci, un palmarès.
« Ça va être un moment très émouvant ».
Parmi les grands événements attendus au festival, la venue d’une vingtaine de comédiens de Plus Belle la Vie. C’était important de créer ce moment unique au Théâtre Verdière ? Et vous, quel est votre ressenti face à l’arrêt de la série ?
Je pense au public, à la relation que nous entretenons avec la série depuis plusieurs années et le succès incroyable, à chaque édition, à pouvoir faire échanger toutes les stars de PBLV avec leurs fans. Je travaillais à France Télévisions lorsque la série est arrivée sur le petit écran et, ça ne devait pas vivre plus de 5 ans. Je trouve toujours ça triste qu’une série qui plaît beaucoup s’arrête et, en même temps, c’est la loi des séries… France Télévisions, PBLV et nous-mêmes avions donc très envie de marquer le coup et de créer un événement qui soit un grand moment joyeux, plein d’espoir, d’adieu. […] Ça va être un moment très émouvant et j’en ai les poils qui se hérissent rien que d’y penser. On va offrir un cadeau magnifique aux fans.
J’ai été surpris par l’arrêt de la série, oui. Quand on aime, on y croit jamais. Plus Belle la Vie a tout changé. Elle a engagé la notion de quotidienne sur France Télé puis sur les autres chaînes. Elle a engagé un nombre énorme de professionnels. Je crois qu’on a, grâce à Plus Belle et les quotidiennes qui ont suivi, que nous avons professionnalisé tous les métiers de l’audiovisuel. C’est une chance. Elles ont transfiguré les régions qui accueillent ces tournages. Fut un temps, les fictions n’étaient tournées qu’à Paris et maintenant, nous avons des sites partout en France qui sont des lieux autonomes de créations audiovisuelles. Puis, que ce soit avec Hélène et les Garçons ou Sous le Soleil, nous avons eu des génies qui sont sortis de là, des auteurs qui progressent et deviennent très bons. Dans quelques années, vous verrez que nous tirerons de cette fin d’histoire, beaucoup de belles choses. Quand on vit à Marseille ou Montpellier et qu’on est un jeune garçon ou une jeune fille et qu’on souhaite devenir artiste (scénariste, réalisateur, acteur…), ce n’est plus un délire. C’est une possibilité concrète. Les chiffres de la fiction le prouvent. Quand j’ai commencé mon métier, nous étions à 700-800 heures de fictions par an, aujourd’hui, nous en avons pratiquement le double et, nous pouvons déjà rêver à 2000 heures de fictions d’ici quelques années. Donc, du travail pour beaucoup de gens.
Cette année, Netflix et Prime Video font leur entrée au festival. Il y a toujours un débat de savoir si les plateformes ont leur place dans les festivals. Pour vous, c’était une évidence de les intégrer ?
À partir du moment où nos interlocuteurs payent leurs impôts en France, de manière légale, et ont des obligations de créations françaises – je peux vous dire que Netflix et Prime Video font de la création française -, ils ont alors leur place dans notre Festival. C’est un bouleversement et ça génère des questions mais, ils sont installés en France, et sont les bienvenues. Nous avons eu le nez creux l’an dernière d’ajouter une journée supplémentaire au festival et, elle nous sert bien, puisque cela nous permet de proposer un panel plus large de fictions et d’intégrer une AP mondiale de « Notre-Dame, la part du feu » et de Prime Video avec « Miskina, la pauvre ». Nous attendons la venue d’autres plateformes l’an prochain.
« L’édition 2022 va être historique ».
Est-ce que le festival va encore évoluer dans les prochaines années ?
Nous sommes là pour accompagner la profession, nous continuerons de le faire, nous continuerons également nos réflexions sur l’écologie et la parité. Tout est en progrès. Puis, la fiction mondiale est en pleine expansion et le Festival accompagnera cette croissance puisque le Festival l’est aussi. Nous arrivons à l’édition 2022, qui va être historique, historique du point de vue de la fréquentation, que ce soit avec la venue des professionnels mais aussi du public. […] Nous réfléchissons pour les années à venir à la formation car si les fictions augmentent, ils faut des gens pour les fabriquer. Il faut notamment former les jeunes à l’écriture, ce que nous faisons déjà avec la Maison des Écritures, mais nous voulons la développer davantage. Enfin, avec l’arrivée de nouveaux diffuseurs et l’augmentation du nombre de fictions, nous pourrions effectivement ajouter encore une journée. Pour l’instant, ce n’est pas à l’ordre du jour, mais c’est une réflexion que nous avons.
Rendez-vous du 13 au 18 septembre pour la nouvelle édition du Festival de la Fiction de La Rochelle.